Quand 2021 ne rime pas avec poignée de main
Vous allez rire, ou peut-être pas, mais je vis actuellement un Lost in translation version covidienne ! Je vis l’histoire d’un homme qui n’a vu et subi la crise covidienne que de très loin.
Vivant au Japon et travaillant chez moi, en télétravail, je ne subis que les vagues collatérales de la crise : la pression sociale dans les magasins ou restaurants, les regards obliques dans le train et quelques remarques désagréables ici ou là pour non-port du masque… Rien de bien terrible au fond, surtout pour quelqu’un qui ne s’est jamais vraiment préoccupé du regard des autres. Le plus difficile fut peut-être les quelques étincelles survenues lors de mes discussions avec quelques-uns de mes coparoissiens, pris par le narratif covidien et me reprochant de ne respecter aucune recommandation gouvernementale et, pire encore, d’oser servir la Messe sans masques devant les caméras…
Et puis, il fallait bien que cela arrive, mon entreprise m’a demandé de revenir au bureau ! La corvée des corvées ! Fini, le télétravail ! On s’en sort en trichant un peu sur le masque, mis en général sous le menton : les collègues et les « RH », ces philanthropes, veulent avant tout s’éviter les problèmes. Pas de vagues ! Il suffit donc de louvoyer un peu : petit effort pour peu d’inconfort, finalement.
Évidemment, devant les idéologues, quand il s’agit de les croiser, ce qui est rare, on remonte un peu le masque : ne pas le faire serait considéré comme un acte belliqueux — pour la postérité qui n’y croirait pas, redisons-le, c’est une réalité bizarre mais bien réelle !
Le jour de la rentrée au bureau, tôt le matin, je croise le directeur qui me salue de loin, puis se rapproche pour échanger avec moi quelques politesses, pour savoir si toute ma petite famille va bien, etc. Et puis, sans crier gare, je m’approche du directeur, qui semble étonné et, par réflexe, je lui tends la main, comme autrefois, pour lui donner une poignée. Là, le directeur reste de marbre, le bras ballant ! Un vent glacial passe, les yeux du directeur flottant par-dessus le masque, cillant et décochant un carreau fulgurant, semblant dire : « vous êtes tarés ou quoi ? D’où sortez-vous ? »
Gêné, je retire ma main et la mets derrière mon dos. Pour réchauffer un peu l’atmosphère, je dis simplement : « vous allez rire, j’allais pour vous serrer la main ». La température est encore descendu. Il n’a pas ri.
Pas facile d’être humain au vingt-unième siècle !
Paul de Beaulias
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !