Protéger le voussoiement, une mission royale !
Le voussoiement perd aujourd’hui toute sa place dans notre belle langue française, chaque jour un peu plus avilie par les massacreurs républicains, écorcheurs de grammaire, promoteurs d’écriture inclusive ou réformateurs d’orthographe.
Hors certains milieux professionnels, où le voussoiement est froid et mécanique, avec pour principal but de marquer les différents « mondes », qui se voussoie encore ?
Qui se voussoie encore en famille ? Qui se souvient que le voussoiement ne marque pas une distance, mais un respect affectueux ? Quoi de plus beau que des conjoints qui se voussoient, ou des enfants qui voussoient leurs parents ? La familiarité du « tu » était autrefois réservée à la stricte intimité, hors de tout regard étranger. Qui se souvient que le voussoiement, art français par excellence, est un outil de courtoisie extraordinaire, qu’il permet de pacifier les relations sociales, notamment entre proches — car la proximité n’implique pas le manque de respect : au contraire, le respect est dû par la piété filiale et pour tout ce que nous avons reçu. Le voussoiement, en effet, est un bouclier contre les passions, contre la colère notamment, or nous sommes des êtres faibles et nous avons besoin de ce genre de bouclier pour ne pas chuter. Jean Raspail écrivait dans les années 2000 :
« Et même dans les affrontements, qui ne manquent pas, un jour ou l’autre, vers la fin de l’adolescence, d’opposer les enfants à leurs parents, le vouvoiement tempère l’insolence et préserve de bien des blessures. Il en va de même entre époux, encore que ce vouvoiement-là soit devenu aujourd’hui une sorte de curiosité ethnographique, et Dieu sait pourtant les services de toutes sortes qu’il rend. […] Les scènes dites de ménage, fussent-elles conduites avec vigueur, s’en trouvent haussées à du joli théâtre. On a envie de s’applaudir et de souper ensemble au champagne après le spectacle. »
En outre, tutoyer à tout bout de champ des inconnus installe de faux-semblants dangereux, qui installent eux-mêmes de fausses familiarités. Ne vaut-il pas mieux remplacer une fausse familiarité malséante qui aboutit, au mieux sur de fausses amitiés, au pire sur une explosion, par une véritable distance respectueuse qui ne demande qu’à se transformer, si Dieu le veut, en une profonde amitié soutenue par de bonnes discussions, rendues tellement plus faciles par le voussoiement.
D’expérience, le tutoiement systématique en milieu professionnel, bien à la mode, ne fonctionne que très mal, sauf pour ceux qui ne savent plus ce qu’est l’amitié.
Le voussoiement est aussi une nécessité pour toute personne qui représente quelque chose, un prêtre, un chef quelconque. Autrefois, souvent, des jeunes garçons devenus prêtres se faisaient du jour au lendemain voussoyer par leur famille, leur mère, des gens plus âgés, car ils étaient devenus prêtres : eh oui ! Les devoirs de l’alter Christus étaient ainsi rappelés, le voussoiement devenant ici une véritable soutane grammaticale.
Vous imagineriez-vous tutoyer Sa Majesté ? Aujourd’hui, même Dieu est tutoyé ! Citons à nouveau l’auteur du Camp des Saints :
« […] Aujourd’hui, c’est ainsi que l’on s’adresse à la Divinité, on lui applique le tutoiement le plus commun en français. Et le reste a capoté en série : la liturgie, le vocabulaire religieux, la musique sacrée, le comportement de la hiérarchie, la laïcisation du clergé, la banalisation du mystère, si l’on s’en tient aux seules lésions apparentes. Dieu est devenu membre du parti socialiste. L’usage est de le tutoyer. »
Quand l’on pense que, en 1793, se voussoyer pouvait suffire à se faire envoyer à la guillotine, que le tutoiement et les ridicules « citoyens » et « ci-devant » étaient devenus obligatoires, qui peut soutenir que le tutoiement systématique n’est pas hautement révolutionnaire ? Pensons-y, il n’est pas innocent que le voussoiement ait été tant attaqué par ces diables de révolutionnaires…
Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !
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