Pourquoi sont-ce essentiellement les catholiques qui marchent pour la vie ?
Nous avons déjà exposé, au détour d’un rapport sur la Marche pour la vie au Japon, comment ce pays, encore pétri de loi naturelle, tue pourtant les bébés dans le silence général, et cela depuis des centaines d’années.
Seul le contact de l’Europe moderne et la pression à la fin du XIXe, ainsi que les intérêts nationalistes autour de la conscription, ont permis au Japon de pénaliser sévèrement l’avortement dans la première partie du XXe siècle. Toutefois, dès que cette pression extérieure s’est relâchée, et que l’intérêt de défense du pays s’est estompé, le Japon est retombé dans ses mauvaises habitudes consistant à admettre l’avortement, tout en sachant que c’est un mal. Ce genre de situation doit certainement exister dans de nombreux pays.
Cette réflexion nous amène à poser une question importante en Occident : pourquoi défendre la vie en tant que catholique ?
Comme vous le savez tous, jusqu’à aujourd’hui, les catholiques sont majoritaires dans la défense de la vie, face aux acharnés qui nient la loi naturelle frontalement et légitiment le meurtre pour le meurtre. C’est aller bien plus loin que la faiblesse païenne, quelque peu relativiste : on sait que l’on fait le mal, mais on le fait quand même, sans jamais chercher pour autant à dire que le mal est un bien. C’est la loi naturelle inscrite dans tous les cœurs qui parle.
Les modernes occidentaux, eux, vont plus loin : ils nient frontalement, non plus seulement la Révélation, mais la loi naturelle elle-même. C’est donc logiquement que les catholiques se sont levés pour défendre cette loi naturelle. Cependant, je dirais que cette attitude ne suffit pas. Expliquons-nous. En théorie, arguer de la loi naturelle devrait rallier toute personne humaine de bonne volonté, sans relation avec la Foi. Le Japon païen le montre bien : là-bas, tout le monde est d’accord pour dire que l’avortement est un meurtre… Et pourtant l’avortement existe quand même, et pas de façon anecdotique, comme un mal chronique dont on a du mal à se débarrasser et avec lequel on vit, un état auquel on s’habitue. Pourquoi ? Car la loi naturelle ne suffit pas à protéger la vie ; l’histoire le prouve ; la situation actuelle du Japon le prouve.
Le biais en Occident vient du fait que nos sociétés sont profondément chrétiennes historiquement. Derrière la loi naturelle, nous avons la foi catholique, et la vision horrifique du péché, en même temps que l’horizon béatifique du salut. Le combat va donc forcément aux principes, et sous-entend une interdiction totale et légitime de tout avortement, quel qu’il soit. Mais cela n’est pas le cas dans une société non-chrétienne. L’absence de salut et de rejet absolu du pêché — conséquences de la foi catholique — conduit plus ou moins nécessairement à une forme de morale laxiste et relativiste.
Nos sociétés n’étant plus chrétiennes, ou si peu, la situation est grave : prôner uniquement la loi naturelle pour défendre la vie, dans le cas même où nous supposons que nous vaincrons, pourrait nous conduire à une situation « païenne », comme au Japon, où l’avortement est reconnu comme un crime, mais largement pratiqué, car c’est arrangeant pour tout le monde. Je ne peux m’empêcher de constater qu’au sein des mouvements pro-vie occidentaux — qui se concentrent exclusivement sur la loi naturelle —, on pourrait déceler une sorte d’intériorisation du principe moderniste et délétère du « la foi c’est du privé ». On ne parle donc que de loi naturelle, et l’on met la foi de côté.
Parler de loi naturelle est excellent, s’entend, mais n’importe qui peut le faire. Je veux dire que l’on n’a pas besoin d’être catholique pour en parler, et que tout homme doit défendre la vie, c’est naturel et, normalement, de bon sens. Notre temps est juste tellement fou que seuls les catholiques (ou presque) défendent la loi naturelle.
Mais pourquoi sont-ce les catholiques, spécifiquement, qui défendent la vie ?
En tant que catholiques, nous savons que seule la vie de l’âme — éternelle ! — compte, au fond. Nous pouvons être en vie physiquement, mais si nous ne sommes pas en état de grâce, nous sommes des « morts-vivants », d’où la nécessité et la réception du sacrement de la confession, qui nous fait revenir à la vie. Tous les non-baptisés, en ce sens, sont des « morts-vivants ». Nous nous battons donc pour qu’ils accèdent à la Vie grâce à Jésus-Christ et à Son Baptême… or, pour accéder à la Vie, il faut, comme condition première, être vivant physiquement et vivre sur cette terre. D’où la nécessité de la vie, qui s’ajoute au 5e commandement, qui rappelle à quel point notre vie et la vie des autres n’appartiennent qu’au Créateur et que, en tant que créatures faites à l’image de Dieu, il ne serait pas imaginable d’attenter à la vie sans attenter à la gloire de Dieu. Donc, tuer un enfant dans le ventre de sa mère sans baptême est une horreur sans nom pour un catholique : on ravit toute chance de salut à ce bébé, toute possibilité d’accéder à la vie surnaturelle, puisqu’on lui ravit la vie naturelle, sur laquelle seul peut se greffer la vie surnaturelle. Pour le dire crûment : avorter c’est envoyer un bébé en enfer. Scandale sans nom pour un catholique !
C’est la raison fondamentale pour laquelle je marche. Et je crois important de dire les raisons de la Foi lors de ces manifestations pour défendre la vie, car seules ces raisons sont assez puissantes pour convertir les gens, et pour protéger efficacement la vie. Battons-nous encore et encore pour Notre Seigneur Jésus-Christ qui appelle tous les hommes à lui ! Ne croyons pas non plus qu’il suffira de petites actions pour « ralentir la chute ». Non, il faut aller à la racine du mal et la dénoncer, ne plus viser de petites victoires qui sont des défaites à terme, mais la « restauration intégrale ». En France, vu la situation, jamais un gouvernement républicain ne protégera la vie, et il faut cesser de croire que, dans le cadre faussé de la république, nous pouvons obtenir quoique ce soit de bon.
Alors n’hésitons pas à dire tout ce qu’il faut dire sans fard et sans peur de perte d’efficacité — efficacité inexistante en république démocratique —, il faut juste que nous soyons toujours plus nombreux à nous convertir et à ne plus vivre du tout comme avant, sans compromis aucun, le reste suivra.
Paul de Lacvivier
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France