La République reprend l’assaut contre l’école libre
« L’école de l’État et l’école des familles »
Phénomène encore marginal, les 1 300 écoles privées hors contrat scolarisent aujourd’hui en France quelque 65 000 élèves, un chiffre à rapporter aux 12 000 000 d’enfants et d’adolescents scolarisés dans l’enseignement public ou sous contrat simple ou d’association avec l’État. Elles ne reçoivent en conséquence, ni subvention pour leur fonctionnement, ni rémunération pour leurs enseignants. Elles sont minoritairement confessionnelles (39 %) et revendiquent « la liberté constitutionnelle d’enseignement, indissociable de la liberté d’association », rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision (n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017) censurant le projet de loi Vallaud-Belkacem.
Examinée le 21 février 2018 par le Sénat à l’initiative de Françoise Gatel, approuvée par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, la proposition de loi « visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture des établissements privés hors contrat » entend lutter contre les dérives idéologiques et sectaires. Parmi ces écoles, une sur quatre est chrétienne, une sur dix est juive ou musulmane. Le Gouvernement est sans doute conscient du risque de développement d’écoles coraniques (médersas) extrémistes habillées d’un enseignement général, ou tout simplement de voir enseigner des éléments contraires à la vérité scientifique et historique, et priver les jeunes musulmanes de sport. L’Association des maires de France (AMF) dénonce quant à elle le faible délai d’opposition (huit jours après l’ouverture de l’école) par le maire et appuie donc la réforme.
L’introduction d’un régime d’autorisation préalable masqué
Ce qui surprend le plus dans ce retour de Najat par la fenêtre est que la liberté d’enseignement est en réalité déjà bornée par une obligation de résultats – le niveau d’enseignement des écoles libres doit être égal à l’enseignement d’État, qu’il soit public ou sous contrat – et sa vérification lors d’inspections. De plus, contrairement à la commune, l’État peut s’opposer à l’ouverture dans un délai d’un mois, et ce à raison de l’insuffisance d’hygiène, du défaut de sécurité des locaux, de l’atteinte aux « bonnes mœurs » ou du caractère explicitement opposé à l’ordre public des enseignements proposés. Il y aurait là de quoi fermer n’importe quelle médersa, yéchiva, école chrétienne, école sectaire, etc.
Les dispositions de la loi de 1886 incluaient donc déjà les enseignements explicitement opposés à l’ordre public parmi les motifs de fermeture administrative. La nouvelle loi leur ajouterait le non-respect de conditions de titres et de moralité des chefs d’établissements et des enseignants, ainsi que les activités « de nature à troubler l’ordre public » (telles qu’un office religieux ?). Le dispositif rénové est étonnamment large, d’autant que l’insuffisance pédagogique que dit craindre Françoise Gatel dans ces établissements est bien plutôt celle de l’État, à lire les enquêtes internationales PIRLS (compréhension écrite en fin de CM1) et PISA (lecture, mathématique et culture scientifique à quinze ans). Enfin, aucun étranger à l’Union européenne (fût-il britannique) ni aucun entrepreneur ou cadre supérieur désireux de servir une si belle cause ne pourront plus diriger d’école, de collège ou de lycée en France.
Le renforcement du monopole d’État contre un enseignement alternatif de qualité
Il faut comprendre que le nombre d’élèves scolarisés dans ces établissements s’accroît chaque année de 7,7 %. L’école entièrement libre « ubérise » l’enseignement : elle est sans doute moins coûteuse (si l’on introduit le chèque scolaire) et fournit un meilleur service. Certes, la formation, voire la qualification des enseignants y est encore parfois décevante, mais l’école d’État recrute au moyen de concours dévalués et parfois même sur leboncoin.fr .
L’État déploie sa puissance, la loi, pour défendre son quasi-monopole au moyen de restrictions surprenantes (prouver « le caractère d’un établissement scolaire » ; faire approuver au préalable la liste complète des personnels de direction et d’enseignement, au risque de les laisser des mois sans activité ; vérifier annuellement leurs noms, titres et moralité) et d’une menace : la fermeture administrative. Il se trouve qu’il y a bien des contenus erronés dans la laïque, dont l’enseignement sur l’islam est étonnamment proche de l’orthodoxie coranique (sur la personne de Mahomet, l’ancienneté de La Mecque, etc.). Sans compter la propagande sexuelle, toutes les formes de génie social, la violence endémique et les rapports troubles aux parents, à la fois associés et tenus à l’écart, notamment par l’infirmière scolaire.
Au vrai, et c’est à cet égard un coup de génie du Président que d’avoir donné à des ministres classés à droite les ministères de l’Économie et de l’Éducation, le but réel de la loi Gatel est de réaffirmer avec force le projet républicain de fabrique du citoyen. Mettre en demeure les parents de changer leur enfant d’établissement comme le permettra la loi constituerait une usurpation d’autorité parentale. Il est coutumier du fait. Reste que « Premiers responsables de l’éducation de leurs enfants, les parents ont le droit de choisir pour eux une école qui correspond à leurs propres convictions. Ce droit est fondamental. Les parents ont, autant que possible, le devoir de choisir les écoles qui les assisteront au mieux dans leur tâche d’éducateurs chrétiens. Les pouvoirs publics ont le devoir de garantir ce droit des parents et d’assurer les conditions réelles de son exercice » (Catéchisme de l’Église catholique, 1998 [1997], canon 2229).
Luc Le Garsmeur