Que cherche la Turquie en mer Égée ?
Depuis quelques temps, la Marine turque montre une certaine forme d’hostilité vis-à-vis des pays européens.
Il y a une dizaine de jours, c’est un bâtiment de la Marine française qui se faisait allumer au radar de tir (navire pris pour cible en préparation d’attaque) par un bâtiment de la Marine turque. Cette manœuvre a eu pour effet de suspendre la participation des forces françaises impliquées dans une mission OTAN. Désormais, ce sont dix-huit bâtiments de la Marine de guerre turque, dont un navire de recherche en hydrocarbure sous-marin, qui effectuent des mouvements dans la mer Égée, alors que le contentieux gréco-turc en mer Égée a déjà abouti à des crises proches de l’affrontement militaire en 1987 et en 1996 !
Cette nouvelle provocation a évidemment entraîné la mise en alerte maximale de la flotte grecque et la Grèce, ainsi que l’Allemagne, ont condamné cette manœuvre qui viole de plein fouet le droit international. Mais, que va-t-il se passer maintenant ?
Plusieurs issus sont possibles :
- La Turquie fera-t-elle marche arrière de son propre chef ? Il y a peu de chance !
- L’Union européenne va-t-elle faire front commun et la Turquie se retirer ? C’est probable, mais à quel prix ?
- La Grèce attaquera-t-elle les navires turcs sans mandat UE ? C’est peu probable !
- L’UE décidera-t-elle une action militaire contre les navires turcs ? C’est impossible, ils préfèreront payer !
- Ou alors, rien ne bougera et la Turquie continuera sa route… C’est l’hypothèse la plus probable !
Quel qu’en soit l’issue, une chose est certaine. La Turquie vient une nouvelle fois de prouver qu’elle n’a que faire du droit international. Au-delà de ces constatations, la Turquie vient une nouvelle fois jouer la provocation pour tester l’Union européenne, pour obtenir plus et aller encore plus loin. Probablement pour repartir avec un accord à son avantage qu’elle aura eu une nouvelle fois au chantage, comme ce fut le cas naguère pour la situation des migrants à la frontière entre la Turquie et la Grèce. La Russie va t-elle intervenir ? C’est peut-être le facteur X de cette équation qui mettra un coup d’arrêt à la présomption turque.
Ce ne sont donc pas vraiment des hydrocarbures que recherche Erdogan, mais plutôt une nouvelle façon de montrer sa détermination face à la faible et soumise Union européenne, consensuelle et politiquement correcte, pacifiste et prête à tous les compromis, à l’image de ces Républiques démocratiques — couronnées ou non, d’ailleurs — qui la composent. En outre, par cette action, alors même que la basilique Sainte-Sophie — ancien centre spirituel de la chrétienté occidentale, juste après Rome — vient d’être à nouveau convertie en mosquée, la Turquie de l’islamiste Erdogan exhibe son mépris de l’Occident moderne, qui le laisse renforcer sa position de grande puissance ne craignant rien ni personne, et surtout pas notre vieille Europe déclinante et décadente !
Nicolas Lesloups
Référence : « Tensions maritimes : La Grèce déploie des navires en mer Égée face à des activités turques d’exploration gazière », 20 minutes, 22 juillet 2020 (lire en ligne : https://www.20minutes.fr/monde/2827195-20200722-tensions-maritimes-grece-deploie-navires-mer-egee-face-activites-turques-exploration-gaziere).
Lire aussi :
- « Le renouveau du néo-ottomanisme en Turquie », 6 mars 2015.
- « Tentative de coup d’Etat en Turquie : les racines d’une guerre civile larvée », par Roman Ungern, 19 juillet 2016.
- « Le retour des Sehzades Ottomans », 16 décembre 2016.