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Prône pour le roi Louis XVI, 2025, par le P. J-F.Thomas (sj)

Place Louis XV (« de la Concorde »)

Paris, 21 janvier 2025

 

 

Au Nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi-soit-il.

 

 

 

La valeur d’une vie et les fruits d’une éducation se pèsent souvent à la manière dont un homme affronte sa mort, celle qu’il n’a pas choisie et que Dieu lui envoie comme une ultime épreuve avant la récompense de l’éternité. Si la couronne d’or est un signe de gloire et la couronne de laurier un signe de douleur, la couronne de douleur est souvent un signe de grandeur qui convient mieux à la noblesse d’un prince chrétien que toutes les gemmes de la terre. Luis XVI porta l’une et l’autre, l’une après l’autre, et il semble bien qu’il acceptât la seconde avec plus d’abandon et de confiance que la première à laquelle il ne se sentait pas suffisamment préparé. Contrairement à la légende, il fut trop grand pour un siècle, le XVIIIe, qui fut prétendument regardé comme lumineux et majestueux alors qu’il n’était que petit et prétentieux. Léon Bloy, dans La Chevalière de la mort, sa première tentative littéraire en 1877 sur Marie-Antoinette, le décrit justement ainsi : « C’est un aplatissement universel des âmes. C’est le ventre à terre de toute une société devant Dieu, non pour l’adorer, mais pour qu’il passe sans toucher personne, comme le tourbillon de feu d’une batterie qu’il faut emporter d’un seul coup, quand elle ne tonnera plus. » Tour de force du Malin et de ses sbires que d’avoir réduit la nation la plus chrétienne du monde en un troupeau hébété, assoiffé de sang et de vengeance, guidé par de beaux esprits poudrés et par une élite libertine et corrompue. Quelques âmes échappèrent à cette funeste destinée et Louis XVI en est une, du plus pur et étincelant métal, se révélant justement dans la tragédie alors qu’elle était sous le boisseau dans les ors de Versailles ou des Tuileries. Le Roi échappa au fumier ambiant en épousant cette mort inique. Sinon, il aurait risqué de se laisser pervertir peu à peu par la pastorale fleurie de l’époque, ce mélange infect d’un Port-Royal agonisant et politique, de philosophie de boudoir, d’esthétisme sirupeux à la Greuze et à la Fragonard, de prétention encyclopédique, de naturalisme critique, d’humanisme à la Rousseau. Ici, sur cette place glacée et hostile, il échappa au sort commun de tant de Français à son époque, de tant de Français de notre temps. Il s’élança vers le ciel, libéré de cette rhétorique superficielle qui avait miné, depuis des décennies, les fondations du royaume. Cette rhétorique habile et démoniaque fut celle des potins de l’actualité, de ces fake news dont on nous rebat les oreilles aujourd’hui, débouchant tout naturellement sur une rhétorique de l’égorgement et de la terreur. Pour la première fois dans l’Histoire, cette précipitation vers le gouffre révéla à quel point la nature humaine est faible lorsqu’elle se revêt des oripeaux de la grandeur. Bien des révolutions et des guerres , depuis, se sont inspirées du même refrain et cette affreuse musique se fait entendre dans les têtes de tous ceux qui n’y prennent garde. Louis XVI est l’holocauste du carnaval de la Liberté, de la messe de la Fraternité, de l’utopie de l’Égalité. Au pied de l’échafaud, la Libre pensée et le Matérialisme se tiennent par la main, prêtes à des agenouillements devant les idoles qui sont encore les nôtres en cette France de 2025.

Le 26 décembre 1792, lorsque les avocats du Roi défendirent, en vain et sans illusion, leur souverain, le vieux Malesherbes, à la fin de son plaidoyer inouï, éclata en sanglots sous ses cheveux blancs. Il avait compris que la raison, -qu’il avait pourtant encouragée sans limite imprudemment lorsqu’il était en charge de la censure royale-, était désormais impossible car le sublime n’a aucune prise sur des esprits qui haïssent le transcendant et qui ne rêvent que d’autonomie et de pouvoir. Le monde ancien bascula et le monde nouveau, celui qui est le nôtre encore et plus que jamais, s’érigea ainsi dans le ragoût du sang. La blancheur du lys devait disparaître sous la rougeur du sang. Le 21 janvier 1793 est un dies natalis, certes naissance du Roi au ciel où il entra sans nul doute et sans coup férir au milieu de la louange des élus, mais aussi jour de naissance funèbre pour notre peuple et notre pays à jamais éclaboussés puisque refusant, jusqu’à ce jour, de reconnaître son péché et son crime. Notre Seigneur dans son Évangile nous assure que les lys croissent sans travailler ni filer et que même Salomon dans toue sa gloire ne fut jamais aussi bien vêtu que l’un d’entre eux. Louis XVI n’est jamais plus lumineux et glorieux que dans le dépouillement de ce matin d’hiver, entouré par les ennemis de Dieu mais accompagné également par bien des petits qui pleurent leur roi. Il partage la solitude du Sauveur en croix, tout de même soutenu par quelques fidèles et quelques âmes compatissantes. Le géant est sur l’échafaud mais sa grandeur est invisible car les disciples du Maître, à son exemple, ne brillent pas en ce monde. Louis XVI connaît son autre couronnement, après celui de Reims, le couronnement par une couronne qui ne rouille point. Son attitude de tous les instants, dès qu’il connut le sort qui lui serait réservé, est admirable de constance et d’abandon. Nul ne sait s’il connut les affres de l’agonie de l’âme car rien n’en transparaît dans ce qu’il nous a laissé. Roi regardé comme faible, à cause de ses vertus, il fut fort en ces derniers jours car sans haine, sans désir de vengeance, sans mépris. Ce n’est pas ici une marque d’héroïsme, mais le sceau de la sainteté tel qu’il est appliqué dans l’âme de chaque baptisé mais que bien peu sont capables de recevoir. Un peuple qui rejette l’onction de son baptême ne peut que sombrer dans la haine viscérale de toute vertu. Petit troupeau rassemblé aujourd’hui, nous ne faisons pas nombre tandis que le pays autour de nous poursuit sa rumeur dans l’indifférence. Qui se souvient du sacrifice du Roi ? Nos gouvernants républicains, héritiers sans coupure des sans-culottes de 1793, ressentent peut-être en ce jour quelque malaise mais, si d’aventure, cela est le cas pour quelques-uns, ils se calment aussitôt en étant convaincus qu’ils œuvrent pour la démocratie et pour leurs valeurs inversées. Plus que jamais, nous devons prier pour le retournement de notre pays vers ce Dieu qu’il a voulu guillotiner en même temps que le Roi. Que le ciel ne nous écrase pas mais qu’il s’ouvre à nouveau sur le berceau de la France.

 

Au Nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi-soit-il.

Jean-François Thomas s.j.

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