Politique

Manif pour Tous et faillite de la parole publique

Ce dimanche, des centaines de milliers de Français manifestent dans les rues de Paris et de Lyon à l’appel de La Manif Pour Tous. Les commentateurs dans les médias glosent sur le fait qu’il s’agirait d’une manifestation motivée par la peur, d’une manifestation sans objet réel puisque la PMA et la GPA auraient été écartées du projet de loi sur la famille qui sera discuté cette année. De son côté notre ministricule de l’Intérieur, jamais à court d’une pose alarmiste, appelle la gauche à réagir face à la mobilisation des factieux d’extrême droite et prévient qu’il sera sans pitié. Des ordres ont déjà été donnés pour qu’il soit procédé à des interpellations massives. Les partis de « droite » restent prudemment à l’écart, tétanisés qu’ils sont par le discours de Manuel Valls qui décrit les défenseurs de la famille comme des gens infréquentables. Sur le fond, ils ont bien raison, leur présence n’est pas souhaitable, car leur « timidité » lors du vote de la loi sur le mariage guignol a montré qu’ils sont bien plus soucieux de leur respectabilité républicaine, de leur réélection que du Bien Commun.

Sur les ondes, nous pouvons entendre les éternels commentateurs, spécialistes autoproclamés de la vie politique française, user leur salive en vains débats sur la nature de ce mouvement, étonnés qu’ils sont de voir des centaines de milliers de personnes se mobiliser en dehors de toute structure politique habituelle. Sur BFMTV on peut voir un de ces spécialistes, M. Jean Garrigues, débiter des sornettes sur une sorte de répétition à base de retour des grandes peurs des années trente, notamment celle d’un complot judéo-maçonnique destiné à abattre la société française.

La vérité est différente. Les Français se mobilisent parce qu’ils n’ont plus foi, à raison, en la parole publique. Comment croire aux assurances que PMA et GPA ont été officiellement abandonnées ? Les gens ne sont pas aussi oublieux que l’on se plaît à croire dans les allées du pouvoir. Ils ont encore en mémoire les promesses faites par Élisabeth Guigou alors qu’elle défendait le PACS à l’Assemblée nationale : « Enfin, certains ajoutent encore une menace : le pacte ne serait qu’une première étape vers le droit à la filiation pour les couples homosexuels ! Ceux qui le prétendent n’engagent qu’eux-mêmes. Le Gouvernement a, quant à lui, voulu que le pacte ne concerne pas la famille. Il n’aura donc pas d’effet sur la filiation.  » Ils ont encore à l’esprit ses commentaires lors des débats sur la loi relative au mariage guignol : « …tout le monde oublie de rappeler qu’à l’époque notre objectif était, pour faire accepter le pacs, de le dissocier de la filiation. » Et d’ajouter à propos de la PMA qu’il «  n’est pas raisonnable de vouloir tout faire en même temps. » Étant entendu qu’il n’est pas question d’y arriver, seulement qu’il est plus sage de recourir à la bonne vieille technique du syndrome de la grenouille : on fera bouillir l’eau lentement, et la grenouille finira par être ébouillantée, mais en douceur. Manipulation  tranquillement assumée dans les colonnes du Nouvel Observateur.

Les derniers sondages portant sur la confiance accordée à la parole publique sont clairs. Plus de 80% des Français s’en défient, ils n’ont plus confiance en leurs élites, qu’elles soient de droite comme de gauche, au pouvoir ou dans l’opposition. Comment avoir confiance dans des élus qui au lieu de s’opposer frontalement à des lois destructrices préfèrent l’abstention ou la collaboration ? Comment croire des ministres qui mentent effrontément, de manière grandiloquente et bouffonne, en présentant les manifestants pour la famille sous les traits hideux de factieux rappelant ceux qui répondirent à l’appel des ligues le 6 février 1934 ? Ceux qui descendent dans la rue aujourd’hui ont pris la décision de ne pas rester sur le côté à attendre que des élus se réveillent pour défendre la famille française. Ils ont décidé de se prendre en main, de se mobiliser, de se faire entendre. C’est un premier pas encourageant, car il montre un retour à la responsabilité civique, une mobilisation pour le refus des valeurs de mort défendues par le gouvernement en poste, pour la défense de la famille, pour la défense des plus fragiles, nos enfants, contre la volonté d’expérimentation de méthodes démentielles qui est à l’œuvre actuellement.

Je ne connais pas les valeurs fondamentales de la république, pour la bonne et simple raison qu’elles sont constamment invoquées sans pour autant être déclinées. Mais je veux bien croire le sénateur socialiste David Assouline lorsqu’il s’insurge contre les factieux qui installent un climat délétère, en battant en brèche ces fameuses soi-disant valeurs. J’accepte volontiers le qualificatif de factieux et je ne pense pas être le seul, je le prends même pour un terme honorable de la part d’un sinistre individu tel que lui. Pour autant, il convient que tout ce petit monde se rassure, ces factieux ne sont pas violents. Ils viennent témoigner en famille ; ils sont catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, musulmans, athées, agnostiques, de droite, du centre, de gauche, de toutes les couleurs, ils sont hétérosexuels, ils sont homosexuels. Ils sont la France faisant face à un gouvernement pratiquant la politique du chien crevé au fil de l’eau, et qui pour conserver un léger vernis de gauche a fait le choix de passer des lois qui servent des clientèles microscopiques mais extrêmement actives, en faisant fi du Bien Commun.

La violence arrivera certainement. C’est un schéma bien connu. Deux ou trois centaines d’énergumènes aux cheveux aussi courts que leurs idées viennent polluer les manifestations au moment de la dispersion. Ils ne sont pas mus par quelque conviction politique ou morale, ils viennent pour se confronter aux forces de l’ordre. En cela ils seront aidés par les fonctionnaires de police en civil mandatés par Manu Militari, afin d’avoir un motif pour ordonner la charge des CRS et Gardes Mobiles, de justifier les rafles de jeunes manifestants pacifiques qui connaîtront l’indignité des conditions de détention du commissariat de délestage de la rue de l’Évangile. Mais cela ne portera pas préjudice au mouvement car les Français ne sont plus dupes de ce jeu pervers de communication.

Pascal Cambon

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