Politique

Les Lois Fondamentales du Royaume de France, par Quentin Isbled

Le légitimiste caricatural est un amateur d’histoire médiévale et moderne, nostalgique des rois et très connaisseur de sujets dont nos contemporains se fichent complètement et qui a priori ne servent à rien. Les Lois fondamentales semblent faire partie de ces sujets, car après tout, en quoi des coutumes datant du Moyen Âge, traitant de primogéniture, d’inaliénabilité et de catholicité, pourraient répondre à des problèmes du XXIe siècle ? Et surtout, pourquoi seraient-elles encore à ce jour légitimes et valides ?

Une tentative maladroite d’expliquer les Lois Fondamentales et de leur donner une certaine autorité est de les résumer comme constitution du royaume de France. Bien maladroit en effet puisque cette vision est imprégnée de principes révolutionnaires ! Une constitution, tout comme l’était la charte de Louis XVIII, est un ensemble de principes et de droits que le souverain accorde à ses peuples et à ses représentants. C’est un compromis voire une soumission. Et quelle autorité pour les constitutions… La France révolutionnaire en a connu près d’une quinzaine, un texte sacré et inamovible, n’est-ce pas ?

Nos Lois Fondamentales n’ont pas été rédigées à telle date par telle personne, elles relèvent du droit coutumier et oral. C’est-à-dire qu’elles reposent sur la coutume, le temps et l’usage. Elles ne se créent pas mais sont précisées, affirmées. En effet, toutes les lois sont officialisées ou clarifiées alors qu’elles sont appliquées dès le début de la Royauté capétienne, et même parfois depuis celle de Clovis. Nous recevons ces lois d’une multitude de générations d’ancêtres et elles n’ont été contestées qu’à de très rares occasions dans notre histoire.

Nous serions tout de même tentés de vouloir les abroger, de faire des exceptions ou d’en ajouter. Plusieurs choses nous viennent en tête : élection du Roi, vice de pérégrinité, droits des femmes à la succession, choix du meilleur fils plutôt que succession de l’aîné… Nous avons encore affaire à des idées révolutionnaires ! À la différence des règles de succession d’Angleterre ou d’Espagne, les nôtres n’ont jamais été altérées, celui qui est roi aujourd’hui l’aurait été également avec les conditions des XIIe et XVIIe siècles. Modifier les Lois de quelque façon que ce soit viendrait seulement briser nos fondements. Si l’on opère une modification, pourquoi pas une deuxième ? Si l’on change cela, pourquoi ne pas changer ceci ? Cassons la règle de primogéniture et dans deux siècles, nous nous retrouverons avec le droit à l’avortement dans les Lois Fondamentales !

La loi salique est à l’origine un texte pénal des Francs saliens réglant notamment les amendes en cas de vols ou de dégradations de biens, il ne faut pas confondre nos règles de succession avec ce code de lois, bien qu’elles y trouvent plus ou moins leur origine. La succession se fait donc par primogéniture mâle : le fils aîné ou plus proche parent mâle du Roi issu d’un mariage légitime. Les cadets n’héritent qu’en cas de décès de leurs aînés, les bâtards n’ont aucun droit à la succession et les femmes non plus, ces dernières ne peuvent pas non plus transmettre les droits à la couronne. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas inclusif, et c’est très bien ainsi ! Nos règles étant tellement exclusives ou plutôt tellement précises qu’il ne peut y avoir de conflit de succession se basant sur les Lois Fondamentales. Et en effet, la France a connu très peu de conflits à ce niveau-là, à la différence d’autres royaumes européens.

Les droits du Roi sont incontestables mais jusqu’où s’étendent-ils ? Ce que je peux dire ici avec certitude, c’est que la France ne lui appartient pas, l’inverse est plus proche de la vérité. La terre de France n’est pas un patrimoine privé, en effet, les peuples l’habitent et le Roi la tient et la transmet aux membres de sa famille. Pour ses peuples et son lignage, il a donc des devoirs envers celle-ci, notamment celui de la conserver. Introduite officiellement par Philippe V et actée par Charles IX, l’inaliénabilité du domaine royal empêche le Roi de donner ou d’échanger son territoire que ce soit en intégralité ou en partie. Avec une telle règle, le Roi ne peut être que très soucieux de bien entretenir son royaume puisqu’il va garder celui-ci tout son règne et le transmettre à son fils. On se doute bien que Louis XVI était plus soucieux de l’état de la France pensant qu’il la transmettrait à son fils que ne l’est Emmanuel Macron en pensant à Marine Le Pen ou à Jean-Luc Mélenchon, le Président de la République se vantant d’ailleurs dernièrement d’avoir jeté une « grenade dégoupillée dans les jambes » de ses successeurs comme il l’a affirmé lors de la dissolution de l’Assemblée nationale.

Le Roi est titré « Fils aîné de l’Église » et ce depuis Charles VIII au XVIe siècle en référence au baptême de Clovis de 496. Il n’a jamais fait aucun doute que le roi doit être catholique notamment car son royaume naît d’un baptême catholique et que lors du sacre, le Roi prête serment à l’Église. Quand Henri IV succède légitimement au trône à Henri III, un problème se pose : il est protestant. Le premier des Bourbons tente tout de même de régner malgré sa religion, chrétien sincère et monarque voyant les problèmes de division que cela pose, il se convertit en 1593, est sacré et reçoit le pardon du Pape. Cela devient officiellement une règle de succession, le Roi doit être catholique. Encore une mesure d’exclusion nous diront les progressistes ? Oui ! Imagine-t-on un pays changer de religion à chaque nouveau souverain ? Non, il faut maintenir la continuité politique et historique et ne pas semer la division au sein des peuples de France. Et pourquoi ne pas laisser un protestant, un musulman ou un athée régner sur un royaume catholique ? Car le faire serait tout bonnement hypocrite et injuste, on ne peut forcer un protestant à jurer fidélité à l’Église catholique lors de son sacre, on ne peut contraindre un musulman à se positionner dans la succession qui a fait de la Sainte Vierge Marie la patronne de France. De la cohérence, de la continuité et de l’unité, voilà ce qu’apporte la loi de catholicité.

Ce qui différencie la Royauté française de beaucoup d’autres, c’est bien l’indisponibilité. Le Roi est roi de la mort de son prédécesseur jusqu’à la sienne. Absolument rien ne saurait changer cela, ni la volonté du roi, ni celle d’une assemblée ou celle « du peuple ». Comme le rappelait Jacques Ier, la France peut renoncer à son Roi mais l’inverse n’est pas vrai. Ainsi, le traité de Troyes de 1420 et celui d’Utrecht de 1713 dans lesquels un Prince de France retire à sa descendance légitime ses droits à la succession au trône de France sont nuls juridiquement. À nouveau, le bienfait est le même : la stabilité. Reprenons le cas de la dissolution de l’Assemblée nationale, le Nouveau Front Populaire doit désigner un Premier Ministre au sein de ses rangs et bien sûr, plusieurs candidats prétendent au poste, cela crée des dissensions et affaiblit le bloc. Rien de tout cela avec la Royauté capétienne.

La succession royale est dite immédiate et automatique : dès la seconde où le Roi meurt, son successeur prend sa place sans qu’il n’y ait besoin d’aucune intervention humaine. Louis XVI devient roi le 10 mai 1774 dès la mort de Louis XV. Pas besoin d’élection et le sacre ne fait pas le roi. Cela signifie qu’en France, le principe royal ne meurt jamais, la succession s’est opérée de Louis XVI à Louis XX en passant par Louis XVII, Louis XIX ou encore les carlistes de la branche d’Anjou. Nous aurons donc toujours un roi légitime clairement identifiable et notre fidélité à lui sera toujours logique et naturelle. Le Roi pourrait être un mendiant vivant sous un pont en 2345, il serait roi au même titre que le fut Hugues Capet, tout autant légitime du moins.

Nous devrions véritablement nous sentir privilégiés d’avoir ces Lois Fondamentales. Avec elles, les légitimistes et les Français de bonne volonté ne peuvent être gravement divisés, ils ne peuvent perdre espoir et sont dans l’heureuse incapacité de se détourner du chemin tracé par leurs ancêtres. Je peux donc affirmer sans l’ombre d’un doute qu’à l’heure à laquelle j’écris ce texte, la France a un roi et il se nomme Louis XX !

Vive Dieu, vive le Roi et vive la France !

Quentin Isbled
Vice-président de la section lilloise du Cercle d’Action Légitimiste.

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