Politique

Le piège de la droite révolutionnaire, par Quentin Fruchart

Le 2 novembre 2024 avait lieu à Lille une conférence sur le piège de la droite révolutionnaire, sujet ô combien important pour nous, la droite contre-révolutionnaire.

Pourquoi avoir choisi ce sujet de conférence ? Militant à Lille, je rencontre souvent des sympathisants venant de divers horizons : des royalistes sans affiliation, des patriotes, des nationalistes et même des néo-conservateurs. Ce sont pour beaucoup des personnes de bonne volonté et avec une bonne culture politique mais alors, pourquoi ne sont-elles pas légitimistes ? Car elles sont plus ou moins tombées dans le fameux piège de la droite révolutionnaire.

Celui-ci est simple : cette droite concentre les espoirs et les actions en prétendant vouloir sauver la France alors qu’elle ne défend que la Révolution. Beaucoup se donnent donc pour cette fausse noble cause et, c’est le constat à faire, enchaînent les échecs depuis deux siècles. Et pendant ce temps, nos ennemis gagnent du terrain.

Aucune surprise pour le public de Vexilla Galliae, la droite révolutionnaire dévie vers la gauche depuis 1789, elle est fondamentalement en contradiction avec la France traditionnelle, catholique et royale, et ses grandes figures comme Bonaparte, Mac Mahon et de Gaulle, sont au mieux des échecs stagnants et au pire des catastrophes pour le bien commun.

Le premier problème est la définition de la droite, chacun a la sienne. En 1789, c’est être monarchiste. Sous la IIIe République, c’est un conservatisme défendant le catholicisme. Par la suite, c’est le nationalisme. Et aujourd’hui, nous sommes face à une droite révolutionnaire vidée de toute sa substance historique, il ne lui reste plus que le libéralisme économique et un conservatisme de façade. Voilà un premier problème de cette famille politique : elle est confuse et changeante. Mais elle a toujours été du côté de la Révolution. Défendre la monarchie ? Oui, mais une constitutionnelle et parlementaire. Prôner le catholicisme ? Oui, mais avec une Église séparée de l’État et l’oubli du droit divin et de la loi naturelle. Servir les intérêts nationaux ? Oui, mais en détruisant les cultures régionales et en centralisant le pouvoir. Il est donc essentiel pour nous de nous dissocier de cette droite et de montrer que le légitimisme ne partage pas les mêmes incohérences et faiblesses.

La droite est soumise à la gauche. Dans une société libérale, issue d’une révolution et régie par les médias, les émotions et les élections, que peut faire une famille politique conservatrice ? Dériver. C’est justement ce qu’il est possible de voir en se fiant à la fenêtre d’Overton : le champ des idées politiques jugées acceptables par une population à un moment donné. Le constat est clair, plus le temps passe, plus la société dans son ensemble et la droite dérivent vers la gauche, surtout au niveau des valeurs. Les Le Pen en sont un parfait exemple : anti immigration, peine de mort, sortie de l’U.E., retour au franc, réticence au mariage homosexuel, plus rien de tout cela au Rassemblement National de 2024 qui est plus à gauche qu’il ne l’était il y a vingt ans. Et que dire de la droite en la comparant avec ce qu’elle était il y a un siècle ou même deux ? Elle est aujourd’hui ce qu’elle combattait alors.

Se calquer sur la gauche pour rester fréquentable a des conséquences, notamment la reprise de la rhétorique de gauche. En théorie, la droite défend la loi naturelle, l’ordre social, des principes comme l’honneur, la dignité, le respect et l’adversité. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Des hommes se flagellant constamment pour prouver qu’ils ne sont pas racistes, de la victimisation constante (c’est un concours en République) et surtout, la droite blâme la gauche comme le courant progressiste qu’elle est aujourd’hui : racisme, antisémitisme et hostilité à la laïcité. Plus qu’un reniement de soi, c’est un échec puisque la gauche conserve son image du bon camp politique face à une droite arriérée, intolérante et ringarde. Celle-ci se rêvant d’être la « vraie gauche ».

La droite dérive vers la gauche et en prend les apparences mais que fait-elle au pouvoir et y a-t-elle déjà été ? Il existe bien un fantasme à ce niveau, lié à la victimisation. La droite n’aurait jamais vraiment été au pouvoir, on ne lui aurait jamais donné sa chance. Or, c’est bien la droite qui domine notre histoire politique. Elle se réclame de la Révolution, voue un culte aux Bonaparte, descend de Louis-Philippe. Elle s’est imposée avec la Seconde République et au début de la IIIe. Depuis, elle a été au pouvoir avec tous les présidents de la Ve République sauf Mitterrand, Hollande et possiblement Macron. Quel bilan de cette habitude d’être au pouvoir ? La victoire idéologique de la gauche et l’inactivité de la droite.

S’étant compromise avec la Révolution, la droite est bien sûr en contradiction avec la France traditionnelle. Le libéralisme déjà, idéologie qui caractérise aujourd’hui la droite française. C’est simple, la droite se veut être le rempart de la démocratie : premier parti avec le Rassemblement National, promesses de référendums, légitimité électorale… Elle est plus proche des Whigs face aux Tories et des défenseurs de la charte face aux ultras de Charles X. Il en va de même au niveau économique : la droite a abandonné l’idée de corporations et de doctrine sociale de l’Église en faveur d’un capitalisme mêlé à de lourds impôts, complètement individualisé et matérialiste.

Un combat de la contre-révolution est la souveraineté. Que ce soit pour les rois de France, les monarques britanniques jacobites ou même les carlistes d’Espagne au XIXe siècle, la conservation de la souveraineté est une priorité. Et aujourd’hui, la droite accepte librement sa soumission à l’Union Européenne pour nos frontières. La France est réprimandée par Bruxelles pour la dette, pour le climat et cela leur convient. Notre pays n’a plus sa force militaire et diplomatique d’antan et dépend de l’O.T.A.N. et des États-Unis. Finie la souveraineté sur notre sol, soumission à nos maîtres concernant l’Ukraine et la Terre Sainte.

Acceptons que la droite ait trahi pour le politique, l’économie et la géopolitique, qu’en est-il de Dieu qui est bien plus important que ces choses éphémères, qu’en est-il de notre salut ? Bonne fille laïcarde de la Révolution, la droite ne parle ni du Christ ni du Paradis et encore moins du péché et de la charité. Enfin si, elle parle parfois de la crèche de Noël, souhaite de joyeuses Pâques aux Chrétiens et se réclame de la culture « judéo-chrétienne ». En voilà un peuple qui sait honorer Dieu du bout des lèvres… En voilà des hypocrites qui récupèrent des codes pour plaire à un certain électorat mais qui bafoue l’essentiel : la foi, l’amour de Dieu, le Jugement. Jamais la droite n’aborde ces sujets et elle s’attaque même aux Catholiques « intégristes », aux opposants de la laïcité et à ceux prônant la supériorité des lois de Dieu sur celles de la République. Une fille de la Révolution bien domestiquée. Ce n’est plus pour Dieu et le Roi mais contre Dieu et sans le Roi. C’est pourtant bien d’eux que dépend notre réussite.

Les modèles de cette droite invoqués comme des exemples de sa réussite sont en réalité des fraudes de l’histoire. À commencer par une figure qui m’est personnellement imbuvable, Napoléon Bonaparte. Héros fondateur des patriotes modernes, il est en réalité la honte française de son siècle. Général défenseur de la Révolution, persécuteur des royalistes, commanditaire de l’assassinat du duc d’Enghien… Il prend les États pontificaux, fait le catéchisme impérial, truque un concordat, humilie le Saint-Père lors de son couronnement et détruit les derniers régimes traditionnels européens, l’Espagne et le Saint-Empire. Sans cet habile tyran, la Révolution serait morte dans l’œuf.

Ce qui est moins un modèle mais plutôt une démonstration de la médiocrité de la droite révolutionnaire est la République des Ducs, le début de la IIIe République. Les deux premiers présidents, Thiers et Mac Mahon, sont royalistes. Les Français sont en grande partie royalistes et cette famille politique domine l’Assemblée. Tous reconnaissent le même roi : Henri V, le comte de Chambord. Et pourtant, c’est encore un échec. Quelle humiliation, avoir le pouvoir et toutes les cartes en main mais finalement se résoudre à céder face à la gauche. Thiers était un libéral orléaniste et Mac Mahon s’est caché derrière un faux principe de neutralité pour ne pas avoir à rencontrer le Roi de France. Ils ne voulaient pas de la Royauté Très-Chrétienne, ils voulaient une mascotte nationale qui pourrait servir, eux et leur Révolution, tout comme le font aujourd’hui Charles III pour le Grande-Bretagne et Felipe VI pour l’Espagne.

Le dernier espoir de cette droite est le Général de Gaulle et sur le papier, elle a de quoi être conquise : un militaire de la Première Guerre mondiale, chef de la Résistance, ayant résolu la crise d’Algérie et étant en opposition avec Mai 68. Mais là encore, où est la gloire ? Dans les massacres de Verdun ? La défaite de 40 ? La perte de l’Algérie française ? La catastrophe de Mai 68 ? En vérité, les réels atouts de de Gaule sont son titre et le fait qu’il occupe une belle place dans l’histoire, entre le désastre de la guerre et nos présidents actuels dont la médiocrité est bien plus apparente. Et un dernier point qui en réalité concerne tous les héros de la droite, qui les connaît réellement en détails et en profondeur ? Beaucoup n’ont en réalité aucune connaissance historique sur ces sujets et cherchent simplement des figures sur lesquelles appuyer leur patriotisme.

Que risque-t-on à tomber dans le piège de la droite révolutionnaire ? Renier peu à peu ses valeurs et se résoudre à enchaîner les défaites face à la gauche. Être en profonde opposition avec la tradition française et avec le catholicisme et se raccrocher à des modèles qui n’en sont en réalité pas. Et il est très facile de le constater pour les Catholiques, à ce niveau, il s’agit simplement de faire un constat historique et de reconnaître l’irréligion de nos hommes politiques. Quelques sympathisants de la droite révolutionnaire étaient présents à la conférence et étaient selon leurs dires assez convaincus. Car même si aucun secret n’est ici révélé ni même aucune information méconnue, un grand relativisme domine la droite révolutionnaire. L’idée des 200 000 avortements par an en France a été acceptée, de même pour l’abandon de la vraie foi, ainsi que le déclassement de la France devenue une puissance mineure.

Nous, légitimistes ne l’acceptons pas. Notre pays, vieux de 1500 ans, par ses rois et sa foi, a tant apporté au monde entier et bien sûr à sa population. Il est inacceptable que la France demeure la faible fille aînée de la Révolution commettant toutes ces horreurs. Non, nous en remettre à cette droite sans honneur ni principe n’est pas une fatalité. Il nous reste notre Roi, Louis XX, qui n’a en rien abandonné la tradition de ses prédécesseurs : pour un royaume catholique, décentralisé, social et réellement souverain, il n’y a pas deux possibilités, il faut restaurer la Royauté, et, « la bonne, la légitime » !

Vive Dieu, vive le Roi et vive la France !

Quentin Fruchart
Chef de section à Lille du Cercle d’Action Légitimiste.

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