La guerre menée par la Russie en Ukraine est-elle juste ? (3/3), par Paul-Raymond du Lac
Nous allons tenter de répondre à la question de façon méthodique en passant au crible critère par critère le cas de cette guerre encore en cours.
1 Qu’une autorité légitime déclare la guerre.
Ce critère est le plus simple à vérifier. Poutine est bien le dirigeant légitime de la fédération de la Russie, élu selon les règles, et assumant l’héritage des tsars et les réalités de l’URSS.
La guerre fut déclarée après un ultimatum lancé au gouvernement ukrainien le 22 février. Cet ultimatum refusé, la guerre a été déclarée en accord avec les dispositions de la constitution russe, et notifiée à l’ONU, en invoquant l’article 57 du chapitre 9, le 24 février (lire la traduction intégrale des discours sur le site de l’ambassade de Russie en France).
2 Que la cause soit juste.
La guerre menée par la Russie n’est pas une guerre d’agression. Pourquoi ?
En mars 2021 le président ukrainien publie un décret présidentiel suivi d’un plan de défense qui prévoit explicitement de récupérer la Crimée.
Depuis, les forces ukrainiennes se massent sur les frontières est et sud du pays, le long du Donbass et près de la Crimée.
Comme l’indique un communiqué de l’OSCE (organisation de la sécurité et de la coopération en Europe, qui fut l’organisme réceptacle pour les accords de Minsk) en date du 18 février des bombardements massifs ont été observé sur le Donbass depuis les forces ukrainiennes. Cela préparait une invasion du gouvernement central sur le Donbass. La réaction russe est contre cette action armée qui avait commencé du côté ukrainien. Selon les autorités russes, ils ont eu connaissance d’une action de nettoyage ethnique de ce style fin janvier.
L’entrée en guerre n’était pas préméditée, puisqu’aucun avoir russe en dollar n’a été rapatrié auparavant, même à la dernière minute : mieux, en janvier 2022 la Russie avait multiplié par cinq ses bons du trésor américain.
Le déclenchement de la guerre provient ainsi d’une réaction de défense pour le Donbass de façon directe, de la Crimée de façon indirecte, face à une agression militaire de l’Ukraine et aussi une réaction de défense contre l’expansion de l’Otan (si l’Ukraine entre dans l’Otan, la Russie ne peut plus agir à moins de déclencher une guerre avec tous les membres de l’Otan ; en ce sens faire la guerre maintenant permet d’éviter de plus grands maux plus tard). En tant que garant des accords de Minsk, d’un point de vue géopolitique par la Crimée, la cause est juste.
D’autre part, la Russie a donné via l’ultimatum d’abord, puis l’invitation à négocier dès le début des hostilités, une porte de sortie vers la paix, que le gouvernement ukrainien refuse avec constance et opiniâtreté. Evidemment la Russie s’engage dès le départ à conserver la souveraineté ukrainienne. Seule le refus opiniâtre de discuter de la partie ukrainienne pourrait changer la donne à terme.
Les trois causes officiellement invoquées par le Kremlin sont ensuite les suivantes :
a démilitarisation
b dénazification
c neutralisation
Regardons si elles sont justes et proportionnées, et réelles.
a démilitarisation. Pré carré de la Russie d’une part, et protection du Donbass d’autre part, la démilitarisation vise à empêcher le gouvernement ukrainien dans la durée de persécuter une part de sa population. L’objectif de guerre correspond aux besoins de défense de la Russie et de son devoir de garant des accords de Minsk, en rétablissant l’injustice faite par le gouvernement central ukrainien.
b dénazification. Sujet méconnu eu Europe, j’ai moi-même cru au début que c’était un reste de rhétorique soviétique de l’ancien temps. Il n’en est rien. Le nationalisme ukrainien aussi virulent qu’il est artificiel s’adosse sur des milices nazies se revendiquant du troisième reich et appliquant terreur et exactions violentes. Le phénomène n’est pas négligeable : ils représentent environ 2 à 3% des effectifs militaires, (environ 40% effectifs se revendiquent nationalistes, selon Jacques Baud). Le problème vient du fait que ces nazis sont officiellement et explicitement intégrés à la hiérarchie et à l’état-major, en plus d’avoir des régiments intégrés à l’armée. Nous ne parlons d’un phénomène secondaire et spontané : il est intégré par les autorités dans le système officiel. C’est un peu comme si l’état en France embauchait officiellement les anti-fa, les armerait, leur donnerait des commandements dans l’armée (qui sait cela arrivera peut-être plus vite qu’on ne le pense). L’implication étatique et son soutien est affichée, et la terreur qu’ils répandent ici et là est connue.
Ce but de guerre est raisonnablement nécessaire pour assurer une pérennité d’une paix tranquille, non troublée par ces groupes nazis jusqu’au-boutistes.
c neutralisation. Il s’agit de faire respecter la promesse faite à Gorbatchev et d’assurer la sécurité de la fédération russe face à des membres de l’Otan dont les paroles et les agissements n’ont rien de rassurant. Il s’agit aussi de protéger la Crimée. Nous sommes en plein dans la cause de longue durée dont tout le monde diplomatique connaît l’importance. Dans l’histoire, la Crimée fut toujours un casus belli.
Le second critère est ainsi rempli, et pas qu’à moitié : plus on creuse plus on trouve que les causes sont justes. Nous n’avons même pas parlé des raisons humanitaires qui existent sur le terrain, car à proprement parler elles sont secondaires.
3 Que l’intention soit droite.
Enfin le troisième critère. Regardons les quatre sous-critères un par un.
a La guerre comme ultima ratio.
Au vue de ce que nous avons déjà dit plus haut, c’est un dernier recours, déclenché que sur agression militaire de la partie ukrainienne. Tous les moyens diplomatiques et politiques ont été tenté depuis 8 ans, et encore en novembre et décembre dernier, Poutine a demandé à Macron de jouer son rôle de garant devant les provocations récurrentes et répétées du gouvernement ukrainien, qui non content de ne pas exécuter ses engagements, fait le contraire.
b Que le bien obtenu soit plus grand que le mal occasionné par la guerre, tel qu’on peut raisonnablement le prévoir
Poutine s’est refusé à allé dans l’ouest, et ainsi cette guerre ne recouvre pas du tout les anciennes rivalités ouest-est des empires. C’est une guerre entre « russes » à l’est pour régler un problème bien concret le donbass.
Poutine dans sa guerre jusqu’à maintenant la mène de façon propre : cibles militaires exclusivement, évitement de la guerre urbaine autant que possible, corridors pour évacuer les civils et guerre chirurgicale avec les tchétchènes à Marioupol pour combattre des milices qui n’hésitent pas à user des civils sans vergogne pour faire la guerre.
Au 27 mars, il y aurait eu simplement 1480 morts dans les rangs russes, pour 15 mille dans les rangs ukrainiens (30 mille hors combats) depuis le début de la guerre (ce qui n’était même pas le nombre de morts de certaines journées de la première guerre mondiale…)
Si une troisième guerre mondiale éclate, la donne change certes, mais avouons qu’il était raisonnablement difficile de prévoir la folie idéologique des occidentaux le cas échéant : qui pourrait croire que les dirigeants occidentaux iraient déclencher une guerre totale contre toute justice pour si peu… ?
c Que les moyens utilisés soient justes et proportionnés: l’armée russe n’emploie en termes d’armement que du conventionnel et quant aux soldats que des engagés (pas des conscrits), représentant environ 5 à 10% de l’armée russe. Evidemment pas de nucléaire et une stratégie adaptée aux objectifs affichés : détruire l’armée ukrainienne concentrée sur les frontières du Donbass, d’où la stratégie de la tenaille sur trois fronts.
La frappe chirurgicale par l’armée russe de la brigade internationale, qui se déclarent ennemis et combattants contre la Russie, près de la frontière polonaise illustre que l’armée russe obéit en plus bien aux directives de mesure dans sa réplique : ces nouvelles technologies russes de balistiques permettent de viser les objectifs militaires sans mêmes envoyer d’hommes ni toucher les civils.
d Que les chances de succès soient raisonnablement grandes
Le résultat est plié d’avances vue la disproportion des forces. L’extrémisme du président ukrainien est au contraire coupable : il cherche à radicaliser le conflit (ainsi que les médias occidentaux).
La guerre a été pliée en quelques jours avec la destruction de la majeure partie des équipements militaires ukrainiens, et la destruction des communications empêchant la coordination des forces ukrainiennes. Si elle dure cela vient du refus forcené de négocier du président ukrainien d’une part, et de la volonté de faire une guerre propre du côté russe d’autre part.
Ajoutons encore que si on regarde sur le moyen-terme et le long règne de Poutine, nous pourrions, à la vue de ses actions sur les autres terrains d’opérations et sa méthode de gouvernement, conclure que sa pratique diplomatique et sa conduite de la guerre obéit tout à fait aux critères de la prudence politique protégeant le bien commun, digne d’un souverain de l’âge d’or chrétien.
En conclusion, la guerre menée par la Russie en Ukraine coche tous les critères de la guerre juste. Certes, nous n’avons pas toutes les informations et cela reste une opinion, mais après analyse, force est de constater que la conclusion semble claire.
Nous dirions même qu’il est impressionnant de constater à quel point Poutine respecte la justice malgré la multitude des provocations et des vexations de tout genre dont son pays est victime.
Un exemple : on penserait qu’il serait par exemple naturel que Poutine décide de faire un coup sur Kiev, pour renverser le gouvernement, et en mettre un plus docile, d’autant plus que vu le calibre du gouvernement ukrainien actuel (entre acteurs douteux, corrompus et corrupteurs et oligarques de mauvais aloi, sans compter des ultra-nationalistes) pas grand monde ni de son côté ni du côté ukrainien n’y verrait de problème (d’autant plus que le président actuel a été élu sur un programme d’apaisement et de réconciliation avec la Russie…). Et pourtant non : aussi tyran que soit ce gouvernement ukrainien, Poutine le respecte comme gouvernement légitime : ça, il faut avouer que c’est fort, très fort, car on aurait tendance à dire qu’il ne serait pas injuste de virer cette gueuse version ukrainienne.
Précisons que nous n’avons même pas voulu comparer cette guerre aux guerres contemporaines menées par les anglo-saxons, qui au contraire sont comme les miroirs inversés de la guerre purement injuste.
Ni encore des belligérants du vingtième siècle moins expressément injustes, mais qui finissent par céder aux provocations et rendent une injustice pour une injustice.
Notons avec intérêt l’auto-contradiction de plus en plus criante des idéologues de l’occident qui, de gauche hier, en viennent quasiment à faire une apologie des nazis et en tout cas du nationalisme et de la guerre. Le pire de la révolution française est en marche…
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac
Sources (en vrac et non exhaustives):
Xavier Moreau sur Stratpol, Jacques Baud, Anne-Laure Bonnel, Erik Tegner, Michael Matt, Pierre Conessa, Frédéric Pons, Charles Gave, Christian Combaz, Pierre Hillard, Frank Michelin, documentaires Arte (en particulier celui de fin 2021), le club des hommes en noir, l’abbé Charron, Eric Dénécé, Olivier Tournafond, etc.