L’esprit Villiers : la droite républicaine contre la République
L’affaire aura fait parler, certes pas autant que la venue de Marion Maréchal le Pen a un colloque royaliste, mais suffisamment pour faire tousser les élites boboïsantes de la presse parisienne : le 12 mai dernier, la jeune femme, député du Vaucluse, a récemment rendu visite à Philippe de Villiers, alors que celui-ci présentait son livre.
Depuis plusieurs mois, Philippe de Villiers attire l’attention de la presse nationale, mais aussi l’enthousiasme des patriotes français de toutes obédiences pour son dernier ouvrage, ainsi que pour avoir su ramener l’anneau de Jeanne d’Arc sur le sol national.
« L’agité du bocage », ainsi que le surnommait le Canard enchaîné, semble plus que jamais avoir su reconquérir le cœur d’un public traditionaliste, patriote et catholique, au point que certains de ses partisans lui souhaitent des intentions bien plus politiques en 2017.
Le rapprochement, assumé, avec Marion Maréchal Le Pen permet à certains de rêver, ou de craindre, la reconstitution d’une forme de droite républicaine mais fortement enracinée et patriote, quand le Front National de Marine Le Pen vole de succès en succès mais reste obnubilé par sa quête effrénée de respectabilité.
Foin de « respectabilité » pour Philippe de Villiers. Son livre « Le moment est venu de dire ce que j’ai vu », publié 30 septembre 2015, tire à boulets rouge contre l’idéologie au pouvoir. Cette autobiographie divisée en trente-cinq chapitres, aborde autant de segments de la vie politique turbulente de cet « enfant maudit de la droite », aussi intransigeant sur les valeurs que déterminé à les défendre.
Le livre débute par un retour dans le passé, en 1992, dans l’émission « L’heure de vérité » : Ivan Levaï compare abruptement Villiers, fils d’un soldat français héros de la Résistance, au maréchal Pétain. Les années Mitterrand s’achèvent et l’ère Chirac s’annonce. Le monde politico-médiatique patauge, se complaît dans la fange politiquement correcte. Le coup est porté, Philippe de Villiers découvre la nature impitoyable du système qu’il cherchera désormais à combattre.
Un témoignage haletant, que l’on parcourt presque comme une épopée, tressaillant avec l’auteur sous l’extase de ses victoires ; souffrant avec lui des désillusions qui furent les siennes, lorsque le voile des impostures se déchirait.
Bien sûr, l’on connaissait Philippe de Villiers, hostile à l’avortement, défenseur de l’Europe chrétienne et pourfendeur de l’Union européenne. On comprend, à la lecture de ce précieux témoignage, les raisons d’un combat derrière lequel, en vérité, se situent l’Etre Humain et la conception que l’on s’en fait. Et c’est tout naturellement, que d’autres sujets, moins habituels, ou en tous cas sur lesquels on l’attendait moins, se déroulent : agriculture enracinée et traditionnelle contre industrie agro-alimentaire impitoyable ; respect de la nature et de la dignité humaine contre le transhumanisme. Et, bien sûr, fierté d’appartenir à une communauté millénaire contre mépris de soi et exaltation d’un monde désincarné, sans identité et sans frontière, où le marché seul dicterait sa loi.
Les thèmes s’enchaînent, suivent un ordre le plus souvent chronologique, constituent un ensemble cohérent et finement taillé, où chaque pierre vient au soutien de l’autre. Philippe de Villiers nous fait découvrir ce que cachent les mots creux et les « valeurs » dont on use pour nous aveugler : il dévoile avec minutie, et avec toute l’horreur que confère un témoignage, l’obscénité du système mediatico-politique, la fausseté du caractère démocratique des institutions, la connivence entre partis de gouvernements et journalistes prétendument indépendants. Ce que l’auteur nomme la « Transocéanie », club restreint où se rassemblent les élites d’Europe et d’Amérique du Nord et où se façonnent les politiques publiques qui demain gouverneront nos vies, souvent pour notre malheur, toujours à leur profit, il en a été le témoin.
Celui qui démissionna lorsque François Mitterrand accéda à la présidence de la République citera à de nombreuses reprises le philosophe Soljenitsyne, qu’il accueillit chez lui, en Vendée, à l’occasion du bicentenaire du Génocide de la Vendée. Car la vision de Philippe de Villiers ne se cantonne pas à une approche matérialiste de l’Homme, mais elle rejoint la profondeur historique et, surtout, une forte considération pour le Sacré : un chapitre entier est à ce titre consacré aux ravages causés par le clergé français qui, abandonnant tout le cérémoniel d’autrefois, a extirpé le sens du divin du cœur des Hommes.
Ce livre n’est pas un programme politique, il est une réflexion sur l’Homme, sur la France, sur la Civilisation, sur la Religion… Réflexion menée par un homme politique dégoûté par la politique. C’est un ouvrage de combat avant d’être un manifeste, une annonce de ce qui nous attend, un avertissement. Si Philippe de Villiers n’est pas monarchiste, les royalistes devraient lire son livre, car ils y trouveraient pléthore d’arguments pour combattre la République.
Car, disons-le tout de suite : si l’auteur ne l’assume pas clairement, peut-être parce qu’il se voit encore un destin national, il est évident que « Le moment est venu de dire ce que j’ai vu » renferme une violente charge contre notre régime politique. De Gaulle croyait avoir mis fin à une querelle qui durait depuis la Révolution en instaurant la Vème République ; ce témoignage sincère d’un homme qui a vécu le système de l’intérieur, nous confortera dans l’idée que nous proclamons : il n’y a pas de bonne République pour la France.
Stéphane Piolenc
Philippe de Villiers, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, 30 septembre 2015, ed. Albin Michel, 352 pages, 21,50 euros