L’elixir miracle du Dr NKM
Lundi dernier, le 16 décembre, Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), célèbre pour s’être abstenue à l’occasion du vote de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe et pour avoir conçu l’écotaxe lorsqu’elle était ministre de l’écologie, a accordé un entretien à 20 minutes dans lequel elle a présenté sa proposition en faveur d’une transparence à l’occasion de l’attribution des logements sociaux parisiens.
La candidate à la mairie de Paris souhaite qu’un jury citoyen tiré au sort attribue les logements sociaux. Pour analyser cette proposition, postulons qu’elle est sincère et qu’elle compte entreprendre ce chantier, si toutefois elle est élue. Qu’est-ce que cela signifie pour les parisiens ?
La désignation précède l’attribution. Actuellement, à Paris, plusieurs acteurs peuvent désigner des candidats aux logements sociaux : la préfecture, la ville, la région, et des entreprises publiques et privées pour le logement de leurs salariés.
Les logements sociaux sont ensuite attribués par une commission municipale qui se réunit chaque semaine à huis clos. Environ 250 dossiers sont examinés à chaque séance. Elle est composée de conseillers à la mairie de Paris et de représentants d’associations subventionnées. Elle présente au bailleur social, comme la Régie Immobilière de la Ville de Paris, trois candidats par logement. La réponse, enfin, est envoyée à titre privé. Le citoyen n’a aucun moyen de savoir à qui ont été distribués les logements de la ville, pas plus que les critères qui ont été retenus, sauf à se perdre en conjectures quand on voit parfois des quartiers changer de visages.
En 2011, la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France a relevé de nombreux abus : des pratiques discrétionnaires, des attributions à de nombreux agents de la RIVP… Elle a aussi observé qu’un certain nombre de ménages locataires disposaient de plus de 100.000€ de revenus par an. Quand Christophe Grébert, élu du Modem à Puteaux dans les Hauts-de-Seine, dénonce, avec l’association Anticor du juge Halphen, quinze élus qui bénéficient de logements sociaux, il est traîné en justice pour préjudice moral et atteinte à la vie privée. Le monde à l’envers.
Voyez-vous ce que la proposition de NKM signifie ? Rien. Strictement rien, ou si peu. Des jurys citoyens. C’est un mot à la mode depuis Nicolas Sarkozy. Comme le mot référendum. C’est une démarche électoraliste et non populiste. Le jury aura un rôle consultatif, et non décisionnaire. Les listes d’attribution resteront, selon toute vraisemblance, confidentielles et les jurys tenus au secret. A la bonne heure !
Soyons bons princes. Elle essaie. C’est toujours plus que sa rivale Anne Hidalgo. Son équipe de campagne crie au « populisme » et explique que les « commissions d’attributions respectent l’égalité entre les citoyens, qui se prononcent sur la base de critères transparents». Au passage, cinq adjoints de Bertrand Delanoë et deux colistiers de NKM habitent dans des logements sociaux. Rien d’illégal peut-être. Mais injuste, certainement !
Marion Maréchal Le Pen avait proposé au Palais Bourbon que les fameuses commissions deviennent publiques et que les listes d’attribution soient publiées. NKM ne vota pas cet amendement. Tiens donc ! Wallerand de Saint-Just reprend cet amendement pour sa campagne.
Ce n’est pas ce qui est important puisque la clé est le contrôle de la réunion décisive des bailleurs de fonds. Demander un droit de veto ou avoir le dernier mot sur les bailleurs sociaux, ça, ça aurait du punch. M’enfin ! Le pire c’est que cette tentative désespérée risque de ne pas sauver la campagne de NKM qui bat de l’aile : elle n’a pas compris, contrairement à Hidalgo, qu’on gagne une élection à coup d’allégeances et de subventions. Les parisiens sont d’une patience quand il s’agit de leur argent…
Jacques Jouan