Petit pensum des raisons théologico-psychologiques de la crise de l’Église, par Paul-Raymond du Lac
Pourquoi la crise de l’Église a-t-elle éclaté ?
Il s’agit ici de donner des raisons internes et psychologiques à la crise, qui expliquent la faiblesse des clercs et des bons chrétiens à défendre la Foi, voire à jouer en faveur de sa dévitalisation.
Les causes externes, comme l’attaque franc-maçonne et libérale, l’attaque moderniste, la chute des états catholiques ou encore le relâchement des mœurs dans les années 50-60, comptent, c’est certain, mais sont, au fond, secondaires: de tout temps il y a eu des attaques, et parfois des hérésies bien terribles, mais à chaque fois l’Église a su résister plus fermement dans les principes et plus saintement dans la pratique de la vertu.
Cette fois-ci les clercs et les bons chrétiens ont fait montre d’une étonnante faiblesse. D’où vient-elle?
Nous voyons trois causes-étapes qui expliquent que les digues ont lâché.
1- la cause la plus importante et fondamentale, entraînant tout le reste. OUBLI de la JUSTICE ET DE LA GLOIRE de Dieu.
Jusque-là, justice et gloire étaient des évidences, ou des quasi-évidences, que nos anciens savaient naturellement “surnaturalisés” à partir de l’expérience des sociétés politiques naturelles. Tout le monde admettait que la justice se fait forcément, d’une façon ou d’une autre, et que la grandeur de l’homme c’est bien de se sacrifier pour l’honneur, ce qui lui apporte la gloire, et se sacrifier pour l’honneur des grands, ce qui lui permet de partager la gloire des grands – rois, héros de guerre, etc.
Par extension, et par redressement et mise en ordre chrétien, la justice ultime comme la gloire ultime sont celle de Dieu.
Nous savons que toute justice est en Dieu, que les méchants seront punis, que tous nos actes sont comptés, et que toute justice humaine doit se faire en dépendance de celle de Dieu, et que notre grandeur est de laisser à Dieu se venger à notre place, souvent dans l’au-delà, parfois dès ici bas, pour la conversion des pécheurs.
La miséricorde, ainsi n’a de sens que dans le cadre de cette justice exacte et rigoureuse, qui consiste à rendre à chacun notre dû – et en tant que pécheurs notre dû est l’enfer. D’où la charité exceptionnelle de Dieu de s’abaisser à l’Incarnation en cette esclave charnel, immonde pour un pur esprit, et en plus, avec la Rédemption, de nous permettre, malgré notre dû, de nous racheter en justice grâce justement à Jésus, l’homme-Dieu, qui rembourse toute notre dette, et bien plus, par pure libéralité, par pur amour. Mais un amour qui n’existe que dans la justice, que grâce à cette justice.
Et ainsi, nous rachetés, nous ne pouvons que vouloir nous sacrifier tout entier pour défendre l’honneur de notre rédempteur (racheteur) Jésus, qui nous rétablit non seulement dans la justice du Père, en nous justifiant, mais de plus nous élève à l’adoption divine, nous consacre ses frères, et fils adoptifs de Dieu !!! Honneur insigne et immérité, de pure bonté et de pure gratuité. Libéralité absolue du grand seigneur qui récompense au-delà de toute attente les vilains serviteurs penauds si vils que nous sommes, mais qui essaient de faire de leur mieux quand même – le méchant étant irrémédiablement puni en étant jeté loin de la cour, loin du château, hors des domaines du grand Seigneur, pour son malheur qu’il a voulu.
Alors, nous servons pour faire rayonner sa gloire et nous nous sacrifions pour partager cette gloire.
Tout cela était une évidence naguère, mais ces évidences ont disparu au vingtième siècle.
La justice comme la gloire divine ont été comme effacées. La miséricorde et les grâces deviennent ainsi incompréhensibles et comme un dû, que l’enfant capricieux réclame. Et la gloire disparue vient bien de l’oubli complet des actes incroyables que Dieu a fait pour nous, Incarnation et Rédemption – sans compter la Création, que même la raison naturelle peut comprendre.
Si la gloire disparaît, pourquoi donc se battre pour une gloire qui n’existe plus? Pourquoi se mettre en peine? Pourquoi suer pour une grâce qui devient un dû?
L’enchaînement fatal se déclenche.
2- l’autre cause: la conscience de la difficulté du combat spirituel.
Or, ces chrétiens du XXe siècle, malgré l’oubli de la justice et de la gloire, ont une conscience aiguë, du moins pour les théologiens, les bons pratiquants clercs et religieux, de la difficulté du combat spirituel, que tous les grands maîtres spirituels chrétiens décrivent, à partir de leur vécu.
Ils savent à quel point la purification de nos mauvaises habitudes et de nos péchés est douloureuses. Ils savent encore, pire, que ce combat, plus il est avancé, plus il comporte de risques de sombrer dans la rébellion, car le démon tente davantage, car la plus grande subtilité de l’âme permet aussi une plus grande trahison volontaire le cas échéant. Ils savent que les sécheresses spirituelles sont terribles, et que le calice, quand il se présente, est une agonie terrible.
Tout ce combat était bienvenu autrefois ! Car il n’est que justice au vue de nos péchés et de notre nature déchue si imparfaite et si lourdingue ! Mais la grâce, toujours là, vient combler nos faiblesses, vient justement au moment où tout semble perdu pour nous révéler. Ce combat est bienvenu car le bon chrétien sait bien que ces souffrances ne sont rien comparées à ce qu’a supporté Notre Seigneur, et que ces quelques petites croix permettent plutôt de se rapprocher de Notre Seigneur: ces croix sont donc une joie! Le combat est dure mais joyeux, comme le chevalier sur le champs de bataille, plein de sang, mais heureux de pouvoir servir son maître, et sachant que s’il meurt au combat avec bravoure, il aura la gloire des armes, et les honneurs du roi, et que s’il survit, il aura aussi la reconnaissance de son roi, la gloire sur terre, et les honneurs à la cour! Il est gagnant à chaque fois, et plus il est blessé et se blesse, plus il souffre, plus il se rapproche de la gloire ultime de mourir au combat !
Mais sans gloire, ni justice, seule l’aspect terrible du combat demeure, et en vient à faire désespérer…
L’enchaînement fatal continue…
3- Une charité mal comprise veut installer une ignorance de la Foi, soit disant pour éviter les souffrances aux fidèles. Les bons clercs, connaissant la dureté du combat spirituel, et sachant que l’ignorance allège la faute, va tomber dans un piège psychologico-théologique terrible: augmentons l’ignorance, créons l’ignorance de la foi, comme ça, dans un monde sans justice mais avec miséricorde, la masse sera quand même sauvée, et sans avoir à risquer de virer du bord de l’ennemi à cause de mortifications trop terribles et d’un combat spirituel risqué…
L’enchaînement fatal qui conduit à l’apostasie passive… Et au mépris bien contemporain du “peuple” à qui on veut ravir toute possibilité de gloire, et qu’on croit incapable de surmonter le combat et les épreuves – et donc une défiance envers Dieu et sa volonté, et sa sagesse de donner à chacun les épreuves qu’il peut surmonter pour son bien, sans jamais trop exiger !
Sans compter que la justice, bien là, tombera, non seulement sur ceux qui ont créé l’ignorance, mais encore sur tous ceux qui, peut-être dupés, ou se laissant aller à la facilité, commencent par ignorer, puis se complaisent dans l’ignorance, et donc pêchent déjà, et enfin se coupent des sacrements, et, pire, ne baptisent plus et n’éduquent plus chrétiennement les enfants.
C’est l’extension de la crise telle que nous la connaissons aujourd’hui. EN une génération la foi s’éteint, et en deux, le nombre de baptisés s’écroule. Et donc tout le monde dégringole vers le dû en justice divine sans la rédemption : l’enfer.
Et cette dégringolade est toute logique.
Cette logique psychologique issue d’une connaissance théologique intellectualisante, oubliant gloire et justice, est un calcul catastrophique: les résultats et les conséquences parlent évidemment plus que tout. Mais même à l’époque où les conséquences n’étaient pas encore constatable, dans un contexte de catholicisme triomphant partout sur la planète, c’est un oubli absolu de charité élementaire !
Voler la possibilité de gloire, c’est augmenter non seulement le risque de purgatoire, terrible punition, mais encore empêcher chacun à être à sa place dans le plan divin ! Quel orgueil de manoeuvrier théologique et clérical, quelle petitesse d’âme refusant sa confiance à Dieu, quel hubris de se croire capable de sauver tout le monde malgré eux, et sans Dieu !
Et c’est surtout l’oubli de l’amour de Dieu, et l’oubli de la simplicité qui consiste à vouloir imiter Notre Seigneur…
Les conséquences sont devant nos yeux.
Alors revenons à des bases saines.
GLOIRE ET JUSTICE DE DIEU !
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac