Ne pas désespérer, ne pas chercher la petite bête, par Antoine Michel
La situation de la France en 2025 est objectivement dégradée sur tous les plans. Une difficulté économique ou une difficulté sécuritaire ne sont finalement pas les plus inquiétantes, car elles ne sont que les conséquences d’une dégradation spirituelle de notre pays qui ne sait plus qui il est, d’où il vient et où il va. Les mœurs se dégradent à une vitesse rapide, non pas simplement du fait des malheurs du temps, mais bien par une volonté perverse et satanique de la République de subvertir tous les fondements moraux notre pays. Cela est une réalité bien connue et qui, historiquement, s’est accéléré depuis la Révolution française. Simplement les conséquences étaient limitées et endiguées par l’action de l’Église catholique et le travail de la grâce qui fut le fer de lance de la contre-révolution depuis 1789. À cela s’ajoute que durant tout le 19e siècle et jusqu’à la dernière guerre, les mouvements politiques légitimistes et royalistes, purement contre-révolutionnaires, étaient encore très puissants. Ils véhiculaient les sains et bons principes qui, malgré la République et malgré les différentes idéologies révolutionnaires, continuaient de porter de bons fruits et de maintenir la France à flot.
Or le drame de la France contemporaine vient des années 50 et 60, où s’écroulèrent les 2 derniers boucliers contre la révolution, à savoir politiquement le légitimisme politique et à savoir religieusement l’Église catholique. L’écroulement, évidemment, n’est pas définitif, c’est plutôt un affaiblissement qui vient des conséquences du Concile Vatican 2 qui a détruit le socle de la résistance contre r-volutionnaire dans la vie chrétienne par l’oubli de la répétition à temps et à contretemps des vérités de la Révélation contre le monde. Le Concile Vatican 2 et son esprit tout à fait particulier, n’est au fond que la version religieuse de la révolution du 1789 : les gens d’Église décident de se compromettre avec le monde et les fausses religions, en évitant soigneusement de publier les vérités éternelles qui viennent gêner à la fois les païens, à la fois les apostats et à la fois le monde déchu du vieil homme. Cet écroulement ecclésial suit de près un écroulement de la résistance politique après la 2nde Guerre mondiale, provenant d’une persécution positive des élites traditionnelles, par le gouvernement provisoire en particulier, et par l’acceptation de céder sur la doctrine politique.
Tout cet écroulement s’est fait sur le fond d’une prospérité matérielle à partir des années 60. Pourtant la société était encore chrétienne. Cela a fait comme oublier à tous ces bons chrétiens que la prospérité matérielle et la prospérité mondaine n’a rien à voir avec le salut et la prospérité spirituelle. Une génération a vécu comme si elle n’allait jamais mourir, comme si elle était immortelle, en oubliant les fins dernières, en oubliant ce qui est l’espace après la mort, en oubliant les bons principes et en oubliant qu’elle était issue d’une longue tradition avec de nombreux ancêtres et que ces descendants allaient partir de ces comportements.
La génération suivante, la mienne, en pâtit. Et maintenant nous pouvons tous sentir les conséquences néfastes de cet écroulement à la fois politique et religieux, qui s’éloigne des principes universels qui correspondent à notre réalité humaine et divine. Les jeunes gens qui le reconnaissent, ou pas, souffrent comme jamais ils n’ont souffert. Simplement, leur souffrance devient absurde parce qu’ils ne savent pas l’offrir ni la diriger pour le salut des âmes. Comme le disait un auteur mémorable, la France est abîmée et les gens sont abîmés aujourd’hui. Ils sont si abîmés que nous nous rendons compte que le progrès n’existe pas et qu’il est vraiment possible de déchoir et de tomber bas, de redevenir barbare et de reprendre des réflexes du vieil homme que l’on pensait à jamais révolus.
Pour les plus anciennes générations qui n’ont pas cédé, qui ont continué le combat comme ils pouvaient et qui savent les bons principes et qui ont connu la France d’avant, la constatation de notre réalité quotidienne et contemporaine pourrait pousser au désespoir. On peut entendre certaines âmes chagrines et amères qui ont toujours été persécutées dans le passé et minoritaires dans leurs idées une sorte de désespoir qui peut se comprendre humainement mais qui est très dangereux. Selon eux, il n’y aurait plus rien à faire. Selon eux, la déchéance que nous constatons et qui est bien réelle, serait une cause de désespoir et de baisser les bras.
Il faut le dire et le répéter que cette position est non seulement fausse, mais dangereuse et contre tout Ethos chrétien, et contre toute notre tradition politique. Le fait que nous tombons bas est un fait et il faut le prendre comme un fait. Mais il ne doit pas nous pousser au désespoir. Au contraire, c’est une occasion unique de enfin nous remettre à Dieu et de tuer notre orgueil au niveau politique et individuel. Nous tombons si bas, en effet, que qui peut objectivement et honnêtement aujourd’hui, dire que nous sommes les plus forts, que nous valons mieux que toute la terre, et cetera. Seuls les nationalistes révolutionnaires peuvent continuer de développer un orgueil artificiel et fondé sur des idées imaginées et sur des rêves romantiques. Dieu permet cette déchéance, on sait bien qu’il nous aime encore et qu’il veut que nous retrouvions l’humilité de nos ancêtres très chrétiens et l’humilité de nos rois très chrétiens qui œuvrent pour la justice.
Il faut donc chasser toute tentation de désespoir qui est le premier pas vers la désespérance qui va contre la vertu théologale de l’espérance chrétienne. Ce désespoir dont on comprend les fondements qui viennent de cette déchéance vraiment sérieuse de la France, n’est néanmoins qu’une certaine manifestation subtile de l’orgueil, et peut-être aussi d’une certaine méconnaissance de notre histoire, car ce n’est pas la première fois que la France est confrontée à des situations absolument désespérées. L’épopée de Jeanne d’Arc, si souvent citées à juste titre, était autrement sérieuse si on y réfléchit. La conversion de Clovis, elle aussi, se place dans une situation plus que sérieuse et plus que désespérée, tant pour la foi catholique que pour la Gaulle de l’époque. Et même les temps réputés très chrétiens, comme par exemple le siècle de Saint-Louis ou le Grand siècle du 17e siècle le sont par exemple des preuves terribles. Ils sont des exemples pour nous très important et qui devraient nous donner espoir. Saint Louis n’est pas apparu de façon spontanée, il est issu d’une lignée de nombreux rois très chrétiens qui l’ont été de façon répétée de génération en génération. Son siècle si chrétien n’a d’ailleurs pas été exemple d’épreuve immense, en particulier pensons aux hérésies dites cathares ou à la menace Sarrasine sur la terre sainte.
Tant pour Jeanne d’Arc que pour Saint-Louis, ces grands siècles pour la France ne l’ont été que parce que les Français de l’époque n’ont pas désespéré, ont compté sur Dieu et on agit selon les volontés de Dieu et de selon la réalité humaine et française. Et providentialisme ni activisme mais simplement le légitimisme.
Ajoutons un mot pour aussi dénoncer une attitude qui peut exister parfois dans les milieux royalistes : Celle qui peut aussi exister d’ailleurs, parmi les traditionalistes parfois, qui consiste à avoir une attitude peut être un peu hautaine ou un peu, qui chercherait à diviser. Cette attitude psychologiquement peut se comprendre car évidemment, que ce soit les légitimistes ou les traditionalistes, nous avons la chance de profiter d’une vérité limpide et claire qui nous aide à mieux vivre, peut-être, qu’un certain nombre de nos contemporains. Mais nous n’avons aucun mérite car nous avons profité de ces vérités qui ne sont pas neutres, mais qui sont celles extérieures, celles de Dieu, celles enseignées par l’histoire. Savoir ces vérités ne devrait certainement pas nous inciter à avoir de l’orgueil, mais devrait au contraire nous faire peur, car plus l’on sait, plus les responsabilités sont grandes, plus nous connaissons avec clarté, plus nous serons jugés sévèrement pour ne pas l’avoir bien appliqué. C’est la même chose en politique. Connaître les principes légitimistes ne doit nous donner aucun orgueil, mais doit au contraire nous faire prendre conscience de la grande responsabilité qui nous est indue et de la sévérité du jugement qui nous attend si nous ne tentons pas de faire de notre mieux pour appliquer ces principes de façon saine et sainte.
Alors abandonnons toute velléité de céder à la tentation d’aller critiquer de façon très médiocre les actions ici et là de ceux qui tentent de faire de leur mieux. Nous savons que nous avons une doctrine sainte, et cette sainte doctrine nous enseigne que l’homme est imparfait et déchu. Ne nous étonnons pas que là où il y a l’homme, il y a de l’hommerie, Et que nous sommes imparfaits. Il faut faire avec. Il faut être patient. Il faut pardonner mais sans flouter la justice. Il faut être ferme, mais dans la charité, il faut corriger, mais fraternellement. Il faut se battre contre les ennemis, mais en priant pour eux.
Haut les cœurs et travaillons à la restauration.
Pour Dieu, pour le roi, pour la France,
Antoine Michel