L’obscurité de la Foi, par Antoine Michel
Pour le jeune converti cette expression restait mystérieuse : nous parlons bien des lumières de la Foi, et pour celui qui était dans l’obscurité de l’ignorance et l’épaisse ombre crasse du péché, la révélation, le catéchisme, la vie de la grâce provoquent une telle illumination radieuse qui décille les yeux qu’on comprend mal comment cet Foi peut paradoxalement aussi manifester une quelconque obscurité…
Le bleu de la Foi ne comprend pas, le commençant, envahi des délices de la vérité divine, et comblé de grâces très concrètes, ne peut pas comprendre ; mais la vie vient ensuite montrer ce sens providentiel de notre pauvre nature humaine toujours blessé quoique même relevé par la grâce.
«Je suis sorti nu du sein de ma mère, et j’y retournerai nu. Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté ; il est arrivé ce qui a plu au Seigneur ; que le nom du Seigneur soit béni ! » (Job, 1, 21).
Nous croyons et la foi théologale est le cadeau de Dieu qui soutient nos si limités lumières humaines.
Mais cette foi n’est un cadeau que pour notre voyage terrestre, qui disparaîtra au ciel – si Dieu veut que nous y arrivons – car il n’y aura plus besoin de croire, nous verrons Dieu directement, et nous « saurons » éternellement ce que nous ne pouvions que croire sur la terre.
Dieu nous donne quoi croire, il nous le révèle, il nous donne des miracles, des prophéties, et des preuves infinies pour nous aider à donner ce petit consentement à la Foi, si simple, mais si compliqué pour la tête dure et la nuque raide de l’homme pêcheur blessé…
Quand notre Foi est bien arrimé, avec l’espérance qu’elle donne, nous pouvons nous heurter enfin à l’obscurité de la Foi. La Providence, dans sa Sagesse éternelle et supérieure, nous envoie croix et épreuves, parfois les plus incompréhensibles pour notre raison humaine, parfois les plus révoltantes pour notre sentiment humain : et là c’est l’obscurité de la Foi. Nous aimerions avoir un petit message positif, pouvoir un peu palper, comme saint Thomas, les plaies de Notre Seigneur, bref « voir » un peu, derrière aussi le voile des sacrements…mais non, et c’est bien cela que l’on appelle l’obscurité de la Foi. Nous savons et nous sommes sûrs que la Foi est juste car Dieu nous le prouve tous les jours, car il nous donne grâces et lumières…mais devant le mystère d’une sagesse supérieure et le mystère de la Croix, il n’y a qu’à ce terre, renouveler notre Foi, réaliser notre petitesse en ce monde et devant Dieu et pratiquer la charité pour l’amour de Dieu.
Croix et épreuves sont douces dans la douleur car elles nous détachent de ce monde et purifient notre amour du Dieu des consolations, qui doit être aimé non pas pour ses consolations mais pour lui-même.
Certes, cela fait mal, et dépasse notre entendement, mais Jésus nous montre l’exemple, avec tranquillité et douceur, dans la Passion, et ces douleurs nous permettent de mieux méditer et contempler le mystère de la Rédemption, cette façon si humble de lever un tout petit bout de voile quelques pauvres instants dès cette terre.
Suivons le chef sage de l’Ancien Testament, qui parle de ces souffrances et de la joie chrétienne, ces deux sœurs jumelles, d’une façon encore voilée :
« Il est un mal grave que j’ai vu sous le soleil : des richesses conservées pour son malheur par celui qui les possède : Ces richesses se perdent par quelque fâcheux événement, et, s’il a engendré un fils, il ne lui reste rien entre les mains. Tel qu’il est sorti du sein de sa mère, il s’en retournera nu, comme il était venu ; et il ne recevra rien pour son travail, qu’il puisse emporter dans sa main : C’est encore là un grave mal, qu’il s’en aille comme il est venu : et quel avantage lui revient-il d’avoir travaillé pour le vent ? De plus, toute sa vie il mange dans les ténèbres ; il a beaucoup de chagrin, de souffrance et d’irritation.
Voici donc ce que j’ai vu : c’est qu’il est bon et séant pour l’homme de manger et de boire, et de jouir du bien-être dans tout son travail, auquel il se livre sous le soleil, durant les jours de vie que Dieu lui donne ; car c’est là sa part. De plus, pour tout homme à qui Dieu donne richesses et biens, avec pouvoir d’en manger, d’en prendre sa part et de se réjouir de son travail, c’est là un don de Dieu. Car alors il ne songe guère aux jours de sa vie, parce que Dieu répand la joie dans son cœur. » (Eccl, 12-19)
Évidemment, ce n’est pas une invitation à la débauche, mais à s’approcher souvent de l’autel pour communier à notre Dieu qui nous procure la seule véritable joie de savoir que nous faisons sa volonté, aussi imparfaits sommes-nous…
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Antoine Michel