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Les salariés, des serfs ou des esclaves ?, par Paul-Raymond du Lac

Quand on commence à faire sérieusement de l’histoire, c’est-à-dire à regarder le passé tel qu’il est sans chercher à se faire plaisir, on rit de la superbe des hommes contemporains qui se croient libres et forts, qui pensent être arrivés à un sommet, alors même qu’ils sont déjà dans un état de décadence, de vulgarité et de servilité avancé.

Certes, en 2024, il ne doit pas y avoir grand monde qui puisse encore nier le déclin terrible de notre pays, et de l’Occident en général : les plus honnêtes même ne peuvent pas ne pas se rendre compte que ce déclin est accéléré par la déchristianisation, elle-même provoquée par les catholiques libéraux qui ont momentanément triomphé depuis Vatican II (mais qui déchantent aujourd’hui, sans comprendre pourquoi), et ils ne peuvent pas ne pas identifier, s’ils sont un tout petit peu cultivés, que le point de départ de ce déclin vient bien de la Révolution française, et que ses racines sont dans les pensées révolutionnaires antérieures, en particulier les Lumières, elles-mêmes constituant comme un aboutissement et une synthèse de la philosophie dite « moderne », qui est elle-même issue des pires hérésies (protestante en particulier, et nominaliste) et de toutes les formes d’ésotérisme imaginables…

Prenons l’exemple du « salariat ». Est-ce un progrès ?

D’un point de vue de la sacro-sainte « liberté », comme indépendance, on ne peut pas l’affirmer : avant, la majeure partie de la population était paysanne, propriétaire, indépendante (quoique parfois, et selon les régions, les conditions de vie pussent être relativement difficiles ; mais la liberté, cela se mérite). Aujourd’hui, elle est dépendante d’une entreprise, ou de l’État, pour avoir un « confort » qui l’empâte et l’abrutit.

Avant, le paysan, le petit artisan ou le petit entrepreneur, voire le pêcheur, n’avait pour maîtres que ses maîtres, souvent son père, et Dieu : il pouvait décider de comment travailler, comment s’organiser, et que faire, comme un adulte. Il pouvait décider de ses journées : et c’était une vraie preuve de grandeur de nos aïeux, car cette liberté est dangereuse, puisqu’il devient facile d’en abuser pour se laisser aller à la paresse, à la fantaisie, aux loisirs… Mais nos aïeux bien chrétiens savaient user à bon escient de leur liberté… jusqu’à ce que de plus en plus décident de se révolter ou de mal l’user, pour leur malheur, en rompant les équilibres millénaires de certaines campagnes, dont l’ordre était souvent maintenu par un subtil et délicat équilibre entre paysans libres, seigneur et chef politique juste, et curé comme référent de tous, et huile dans les rouages. Toute cette sagesse à été balayée ! Tant pis pour nous…

Aujourd’hui, le salarié donne une part importante de son temps à son patron, des heures pendant lesquelles il est en théorie à la « merci » de son patron : le contenu de son travail, en théorie encore, peut changer du jour en lendemain, comme un esclave qui vaque aux occupations que lui donne son maître.

Évidemment, après les abus du capitalisme sauvage du XIXe et du début du XXe, certaines institutions sont venues adoucir ce régime ; mais de jure le salarié reste à la merci de son maître pour ce qui est du contenu des tâches à accomplir.

Et un salarié a le droit de démissionner pour changer de « boîte », mais en échange il abandonne tous ses droits, pour retrouver sa liberté envers son entreprise.

En quoi est-il différent du serf d’ancien régime ?

Le serf d’ancien régime – au-delà des différences multiples de région à région, le mot « serf » étant d’ailleurs impropre – , lui, avait la garantie de garder sa terre et de la léguer à ses successeurs, tant que ceux-ci ne quittaient pas définitivement les terres familiales et continuaient de vivre à la table de leur père.

Un serf de l’ancien régime avait donc logement garanti, et succession garantie : ce statut représentait ainsi une forte incitation à l’union des familles, puisque les successeurs infidèles au père perdaient tout droit à la succession (à la différence des successions libres).

Le serf n’était pas à la merci de son seigneur : son statut l’obligeait à payer quelques « taxes », pour la tenue de sa terre, parfois quand il se mariait avec une étrangère. Ces taxes n’étaient plus arbitraires, et étaient fixées par la coutume, qui s’imposait au seigneur : en pratique, le seigneur ne pouvait rien faire.

Le serf payait en ce sens bien moins de taxes que le citoyen-propriétaire à l’État, ou que le locataire, indéfiniment non-propriétaire, à son propriétaire…

Le serf du Moyen-âge ne possédait peut-être pas la terre, mais il était locataire pour toujours, et de génération en génération.

Et surtout le serf du moyen-âge avait un droit : le droit de déguerpissement, ou pour certaines régions, celui de désavouer son seigneur. Cette procédure juridique simple, que tout serf pouvait entreprendre à tout moment, constituait à « déguerpir » de ses terres, ou à « désavouer » son seigneur : en pratique, le serf redevenait complètement libre, mais en échange il abandonnait le privilège de conserver sa terre pour lui et ses successeurs.

Le « droit de démissionner » ressemble fort au droit de déguerpissement : contre l’abandon des privilèges que la dépendance octroie, on retrouve une totale liberté.

Notons encore que le serf était toujours libre d’entreprendre et de monter son commerce : aujourd’hui, il n’est pas rare que des clauses contractuelles limitent le droit du salarié de travailler à côté en plus, que ce soit de façon indépendante ou non.

Bref, pas sûr que l’homme libre moderne gagne beaucoup à devenir un salarié servile… qui constitue par bien des aspects une situation bien plus servile que les serfs de l’ancien temps.


Sauf que les serfs étaient minoritaires, là où aujourd’hui le salariat est majoritaire…

Mais nous vivons au temps de la liberté, n’est-ce pas ?

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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