Le Festin des Ex, à la Santé des Français !
L’Etat Français est un Ogre jamais rassasié qui entretient soixante millions de Vaches à lait pour lui assurer l’abondance de biens à laquelle il est habitué. J’en avais tourné quelques alexandrins en décembre, je vous en donne des preuves en prose aujourd’hui.
L’exemple venant d’en haut, je parlerai de la retraite dorée que la République assure à ses ex-Présidents, qu’ils n’aient pas été trop mauvais pour la France ou parfaitement nuisibles. Qu’ils aient présidé le peuple français sept, onze ou cinq ans, il y a trente-quatre, huit ou trois ans.
Commençons par le plus récent des Ex : Nicolas Sarkozy : Au 77 de la rue de Miromesnil à Paris, il possède un superbe appartement de 320 m², composé de onze pièces pour un loyer mensuel de 16.341 € (source Médiapart). Très bien, me direz-vous, depuis sa défaite, il n’a pas regardé à la dépense. Mais l’on sait que Nicolas Sarkozy aime l’argent, a la folie des grandeurs et a bien le droit de faire ce qu’il veut de son argent. Absolument, vous répondrai-je, mais, en l’occurrence, il fait ce qu’il veut du nôtre !
Depuis « une décision » (ni loi, ni décret, trop visible, trop officiel) signée en 1985 par Laurent Fabius, alors Premier ministre de François Mitterrand, la République met à la disposition de ses ex-Présidents un appartement de fonction « meublé » et « équipé » et ce, sans limitation de surface, de loyer, ni de durée. Dès lors, Nicolas Sarkozy aurait eu bien tort de faire la fine bouche et de s’encombrer de scrupules. D’ailleurs, il eût été le premier : Jacques Chirac dispose d’un somptueux appartement rue de Lille depuis huit ans et Valéry Giscard-d’Estaing de splendides locaux boulevard Saint-Germain loués et mis à sa disposition depuis trente-quatre ans ! Tout ceci aimablement payé par nos soins ! Vous voyez maintenant le rapport avec les Vaches à lait ? Mal, c’est encore flou ! Je vais affiner la démonstration.
Nous logeons princièrement et à vie nos Ex à nos frais, c’est entendu, mais que feraient-ils de si vastes appartements sans domestiques, les pauvres ! La « décision Fabius » prévoit qu’une équipe « d’au moins sept personnes » est attachée à l’Ex : « Au moins », car qui aurait la mesquinerie de regarder au nombre, quand il s’agit de rétribuer les sept, onze ou cinq ans de mauvais et déloyaux services du premier personnage de l’Etat ! La République voit large, « les Vaches à lait suivront ! » Ainsi, nos Ex disposent-ils de directeurs de cabinet, de conseillers diplomatiques, de chargés de communication, de secrétaires, d’intendants, d’agents de la Police Nationale pour leur protection rapprochée, de militaires de la Gendarmerie pour la surveillance de leurs domiciles, de voitures de fonction pourvues chacune de plusieurs chauffeurs (oui plusieurs ! et les impondérables alors ?) Bien sûr, si d’autres conseillers contractuels (payés entre 5.000 et 7.000 € / mois) s’avéraient nécessaires au confort présidentiel (Monsieur Sarkozy ne s’est pas senti de pouvoir continuer à respirer à moins de cinq conseillers supplémentaires), lequel d’entre nous aurait le cœur de regimber ? Ne vous sentez-vous pas pousser des cornes à présent ? A peine ! Vous l’aurez voulu, j’achève !
Le logis, le service, tout cela est bel et bon, mais les loisirs alors ? Nos Ex ont la folie des voyages, tout les intéresse, une conférence rétribuée à donner à New-York, une exposition à voir au Brésil, un ami à saluer à Tokyo… Heureusement, ils peuvent compter sur la prodigalité de leur cher troupeau, tous leurs voyages sont pris en charge à nos frais (trains, avions, navires) et en première classe bien sûr (dites-donc, à tout seigneur, tout honneur !). Arrivés sur place, l’Ambassadeur ou le Consul général de France du lieu se doit de les loger dans les suites présidentielles de l’ambassade ou du Consulat général, comme s’ils étaient encore en exercice. Cela ne vous plairait-il pas d’aller loger au Palais Farnèse à Rome, à la Maison Igoumnov à Moscou ou en l’hôtel de Douai à Athènes ? « Vous êtes un Ex ? Non ! Allez donc payer votre chambre d’hôtel et pas d’histoires ! Ah, ces Vaches à lait qui se voudraient aussi grosses que leurs Ex ! » Tout cela ne vous donne-t-il pas envie de mugir de dégoût ? Vous vous sentez comme menées à l’abattoir ! Enfin, vous ouvrez les yeux ! Je fais vite pour le coup de grâce.
Tout ce qui précède ne relève que des « avantages matériels » qu’éperdu de reconnaissance, le bon peuple de France accorde de grand cœur à ses Ex tant aimés. Mais, l’on peut être un Ex couvert de privilèges, l’on a quand même des droits : selon la loi du 3 avril 1955, tout Ex « bénéficie d’une dotation annuelle d’un montant égal à celui du traitement indiciaire brut d’un conseiller d’Etat en service ordinaire » (vous n’avez rien compris, c’est normal, c’est du républicain), soit près de 6.000 € / mois. Et ceci, sans condition d’âge, ni de nombre de mandats. Soyez Président à 45 ans, à 50 ans, vous êtes rentier ! A cela s’ajoutent les « primes de sujétions spéciales » (du républicain, vous dis-je) qui ont pour objectif de « compenser les contraintes subies dans l’exercice de leurs fonctions ». Je les comprends : palais de la République, grands appartements, domestiques et chauffeurs, voyages en première classe, siestes à l’Ambassade… Chienne de vie !
De surcroît, ces pensions sont cumulables avec toutes les pensions liées aux différents mandats exercés antérieurement. Et Dieu sait que nos Ex ont louvoyé dans la carrière élective ou ministérielle : un temps maire, puis conseiller régional ou député, conseiller ministériel, secrétaire d’Etat et enfin ministre. Ministre du plumeau, de la matraque ou des petits pois, mais ministre ! Car enfin, ils entrent dans la lumière, le troupeau les voit, connaît leur nom, leur visage, leur loi ! La vocation d’Ex se révèle alors irrésistiblement à eux ! Ils prononcent « Moi, Président ! Je ferai don de ma personne à la France ! » et ils pensent « Moi, Ex, je ferai comme les autres, enfin la belle vie ! Cinq ans à tirer, même à 83% d’opinions négatives et je jouirai du labeur de soixante millions de Vaches à lait à vie ! Qu’elles ruminent les braves bêtes, chaque mastication est un plaisir de plus dans mon escarcelle ! »
Mais la plus belle marque de l’indicible reconnaissance que nous portons à nos Ex est définie par un texte de 1958 qui prévoit leur présence à vie au Conseil Constitutionnel. Fonction purement honorifique, défrayée pour le principe à hauteur de 12.000 € / mois !
Selon le journal Challenges, tous avantages matériels et pensions diverses pris en compte, chaque Ex nous coûte environ 1.500.000 € par an à vie ! Ce qui porte le gain à l’échec électoral (sorte de prime à l’incompétence) à 4.500.000 € pour Nicolas Sarkozy, à 12.000.000 € pour Jacques Chirac et le dernier n’étant pas le moindre, à 51.000.000 € pour Valéry Giscard-d’Estaing (il faut dire qu’il ne lâche rien, Giscard) !
« Vous comprenez, le service de l’Etat, c’est notre vie ! L’argent, on s’en fiche, le seul fait de le mentionner est indécent ! Si vous croyez que la vie politique, ce combat à mort pour des places bien ingrates (si, si), est une sinécure ! Mais c’est plus fort que nous, nous avons la passion de la France…… »
Monsieur le Président ! Le troupeau marche sur nous, il se rebelle !
« Comment ? Ils ne nous croient plus ! Ah vraiment, ces Français sont des Veaux ! »
Franz de Burgos