La démission silencieuse, par Paul-Raymond du Lac
J’ouvrais l’autre jour le figaro, en ligne (qui irait acheter encore des torchons si chers ?), afin de savoir, en négatif, ce que le monde nous prépare. Je tombe alors sur un article qui parle du phénomène de la démission silencieuse – évidemment ils doivent l’écrire en anglais, « quiet quitting », la France est américaine pour ceux qui ne le savaient pas encore.
Il s’agit de cette génération, jeune en général, dans la vingtaine ou la trentaine, qui abandonne toute ambition au travail, et se mettent « au placard », en faisant juste ce qu’il faut, mais pas plus – pas moins non plus.
L’autre particularité c’est que ces personnes sont souvent hautement qualifiées et travaillent dans le tertiaire. Ils savent qu’il est difficile de les remplacer, et une fois dans la place, de les virer. Il suffit de trouver le bon placard, et une fois dedans, difficile de vous en sortir : il suffit de ne pas céder à la tentation du « bougisme ». Mais on dirait que la génération hors-sol n’est pas casanière : elle veut de la stabilité, certainement car elle ne la connaît pas, ou trop peu.
L’article s’en étonne évidemment, et cela m’a fait sourire.
Car ces personnes je les connais bien, j’en suis un.
Et cela fait plaisir d’apprendre que le phénomène est assez massif.
Cette démission silencieuse, du point de vue de ceux qui la pratiquent, est une évidence. Elle se concentre évidemment sur les grandes entreprises et sur les gens sortis des grandes écoles, à lire entre les lignes de l’article.
Pourquoi est-ce logique ? Aujourd’hui, pour « monter » les grades, il ne suffit pas de faire bien son travail, il faut souvent devenir esclave de l’entreprise, disponible à tout moment sur son « téléphone intelligent ». Seule solution pour endiguer l’invasion, c’est de s’accrocher aux heures de travail. Les divers « confinements » ont pu inciter les entreprises à considérer que chez vous, c’est aussi chez eux… Mais c’est encore une autre histoire.
Autre problème : autant autrefois on pouvait se dire qu’en travaillant ici ou là on œuvrait pour quelque chose de plus grand – soigner les malades, construire des avions, faire prospérer la société, aider à la gloire du pays et au bien-être des familles – autant aujourd’hui, la quasi-totalité des « multinationales » œuvrent à la ruine des pays, des familles, et travaillent pour gagner au mieux toujours plus d’argent, ou sinon au pire pour les idéologies mondialistes.
Vous savez quand gosse – enfin adulte déjà en fait, puisque à 15 ans on est adulte – ou étudiant vous avez vu votre père ou votre oncle, en fin de carrière, pourtant fidèles pendant 30 ou 40 ans, bons et charitables dans leurs travaux, se faire traîner dans la boue pour avoir servi l’un l’entreprise l’autre une association, alors cela calme sur l’intérêt de « sacrifier » sa vie pour ces « boîtes » – s’il n’y a pas une œuvre de charité liée directement, et dont l’œuvre est indépendante de l’institution, on se demande vraiment comment certains acceptent de devenir esclave.
Et puis quand vous rentrez en grande école, soi-disant le « nec plus ultra », qui vous rend libre et que vous expérimentez pour la première fois de votre vie, malgré 15 ans de vie passés sur des bancs d’écoles, l’expérience de l’infantilisation extrême, de la pression constante et de la précarisation folle -vous sortez endettés, on vous met la pression à chaque instant pour avoir stages, autres diplômes débiles, et tout ça pour quoi ? Pour mieux être forcé de choisir de devenir esclave d’une grande entreprise !
Je me souviens de mon oncle, celui qui s’est fait jeter par son entreprise parce qu’il était malade – ces gens sont sans pitié – qu’auparavant, quand il était le chef de sa branche, il faisait une sorte d’éloge de ces jeunots sortis de grande école, corvéables à merci, sur un ton un peu jouissif pour lui, qui était monté en haut de la hiérarchie managériale en n’ayant à peine le bac – ou peut-être même pas (c’était une autre époque). A force de nous prendre pour des esclaves, et bien il y a des réactions.
Nous, de l’autre côté, nous le savons qu’ils sont sans pitié, et nous le constatons : quand vous avez un aîné, talentueux, vraiment fait pour un certain poste, qui se fait jeter à la fin de son VIE sans raison valable, cela calme.
Pire, quand vous avez un collège, un bon gars, bon dans ce qu’il fait, fidèle, et qui joue le jeu, mais qui le jour où son enfant à naître a une malformation majeur nécessitant une opération à la naissance, et qu’il demande de pouvoir rentrer au pays pour être là avec la mère et l’enfant, se fait menacer d’être viré, cela calme.
Les lapins qu’on vous pose et les promesses non tenues de ces « chefs », cela calme.
Quand vous êtes sans boulot à trois mois de votre mariage (vous êtes l’homme), et que vous galérez comme stagiaire et qu’on vous fait comprendre qu’on ne vous prendra pas – mais finalement on vous embauche in extremis – cela calme.
Evidemment, chacun a des expériences différentes, mais le fait que le phénomène de la démission silencieuse se répande montre bien un malaise général.
L’écroulement à la soviétique est peut-être plus proche qu’on ne le croit.
Alors ne nous étonnons pas que la démission silencieuse se répande.
Et espérons qu’elle prenne de l’ampleur.
Ne pas partir, car cela leur ferait trop plaisir, et ne servirait à rien le jour de la restauration (car tous ces boulots, dans leur essence, ont une utilité en général s’ils sont bien faits, et expurgés de toute la bêtise inutile des tableurs excel sans fin, powerpoint débile et réunions inutiles), soyons discrets et ne sacrifions pas le plus important pour le « travail » : soit Dieu, la famille et le Roi.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac
Ce sujet a été traité par plusieurs autres journaux durant la même période. Plagiat systématique entre média ou véritable inquiétude du « système » ? Un peu des deux sans doute. Autrefois, le démissionnaire silencieux était le resquilleur de service ou le fainéant professionnel mais ils étaient marginaux. Le phénomène d’aujourd’hui est beaucoup plus massif, en effet.
Il peut d’abord refléter la coercition ambiante et non dite qui règne dans les structures à coups de contrôle interne, de signalement et autres pratiques où avec un large sourire on vous dit que vous êtes aux fers. Les syndicats ne sont plus là pour vraiment s’y opposer puisque leurs chefs mangent dans la même gamelle que les patrons. Reste la réponse individuelle qui consiste à se taire, faire le minimum et faire semblant. Insensiblement se met en place une indifférence amusée aux dysfonctionnements et à l’absence d’efficacité de son employeur, mais il faut savoir cultiver l’ironie pour ce genre d’exercice et surtout cela suppose également une certaine résistance mentale.
On peut également relever que cette coercition souriante utilise les mêmes méthodes que le communisme stalinien ou le nazisme qui, eux, ne souriaient pas beaucoup… Sous la botte des derniers, il y avait au choix la clandestinité ou le STO. Pour ceux qui préféraient la deuxième solution, il faut regarder de nouveau la scène de la scierie du film « la vache et le prisonnier » qui présente de manière amusante une sorte de démission silencieuse. En clair, ils sont là, ils travaillent mais ils ne coopèrent pas . C’est sans doute ce que pensent aussi les démissionnaires d’aujourd’hui refusant d’apporter de l’eau au moulin du totalitarisme ploutocratique.
On sait ce qu’il est advenu du communisme et du nazisme. Nos ploutocrates ont peut être des raisons de s’inquiéter de leur avenir…En fait, cette démission silencieuse est une forme de sécession individuelle qui n’a pas encore reçu de qualificatif.