Suspension de la livraison du Mistral : une lourde faute
Le mercredi 3 septembre, l’Elysée a décidé de “suspendre” la livraison du navire Mistral à la Russie, prétendant que les “conditions ne sont pas réunies”. Ce navire (un deuxième est en construction), presque terminé, a été commandé par la société d’armement DCNS (appartenant à l’Etat français) aux chantiers navals STX (ex-Chantiers de l’Atlantique), basés à Saint-Nazaire. Ces deux bâtiments, le Vladivostok et le Sébastopol, sont des porte-hélicoptères de classe Mistral, aussi appelés BPC (bâtiments de projection et de commandement). Il s’agit de fleurons de l’industrie militaire et nautique française, notamment en ce qui concerne l’électronique embarquée (conçue par Thales). Leur livraison était initialement prévue pour les automnes 2014 et 2015. Le contrat pour la livraison de 2 de ces navires à la marine russe, signé en 2011, est de 1,2 milliard d’euros. Cela ne représente pas moins de 19% des ventes d’armes françaises sur une année et de 15,8% de nos exportations vers la Russie !
Depuis le début de la crise ukrainienne, de multiples pressions ont été exercées, notamment par les Etats-unis et l’OTAN, sur la France pour que le contrat soit annulé. Finalement, l’exécutif a décidé la suspension de la livraison, conditionnant celle-ci à un accord en Ukraine. On peut déjà remarquer l’absurdité de cette condition, alors que Poutine vient de proposer un plan de stabilisation [1], et qu’un cessez-le-feu a été signé ! Cette décision intervient également après les allégations de l’OTAN et de Kiev, qui affirment que des soldats russes combattraient aux cotés des insurgés de l’est de l’Ukraine. Ces affirmations se fondent sur la capture d’une dizaine de soldats russes en territoire ukrainien. Toutefois, 63 soldats ukrainiens ont également été capturés en Russie. Cela signifie-t-il que l’Ukraine envahit la Russie ? De plus, les observateurs de l’OSCE ont reconnu qu’ils n’ont observé aucune invasion russe en Ukraine [2].
Encore une fois, le régime républicain s’est plié aux intérêts des Etats-Unis, de l’UE et de l’OTAN, aux dépens des intérêts de la nation française. Ce n’est pas nouveau : on a déjà un exemple de cette soumission au mondialisme libéral porté par l’Amérique avec le Traité transatlantique [3]. Cette fois encore, les conséquences pour notre pays et notre industrie seront désastreuses (surtout si la suspension du contrat devient une annulation pure et simple). Tout d’abord, en plus de devoir rembourser la part du contrat déjà payée par Moscou, la France devrait s’acquitter de lourdes pénalités. Le montant dépendrait du retard (ou de l’annulation) de la livraison, pour chaque navire ; cela pourrait se chiffrer en milliards d’euros [4]. Conséquences sociales ensuite : c’est un coup dur pour les chantiers navals STX de Saint-Nazaire, ainsi que tous leurs sous-traitants, qui met en périls les emplois des centaines d’ouvriers travaillant sur ce projet. Pour le syndicat Force Ouvrière, c’est une décision “inacceptable, intolérable”. Selon Jean-Marc Perez, secrétaire adjoint de FO chez STX France, “ce serait des centaines d’emplois qui seraient mis en difficulté aussi bien chez STX que chez les sous-traitants”. Plus généralement, ce sont toutes les relations franco-russes qui seront affectées. En effet, la France occupe une position privilégiée dans les relations internationales de la Russie [5]. C’est ce danger que l’association Dialogue Franco-Russe, qui regroupe des hommes politiques, des intellectuels, des universitaires, des industriels, des entreprises des deux pays, pointe dans son dernier communiqué : “si la vente était finalement annulée, les relations franco-russes marquées depuis de nombreuses années par un très haut degré de confiance ayant permis des coopérations dans des secteurs sensibles tels que l’aérospatial, l’espace, la défense ou encore les hautes technologies, risqueraient d’être durablement handicapées [6].”
Enfin, cette décision est le symbole de l’asservissement de notre pays aux intérêts atlantico-américains. Pour reprendre une expression très parlante de Philippe de Villiers, nous sommes devenus la “51ème étoile du drapeau américain.” Alors que nous avons l’occasion de nous libérer du joug de l’Oncle Sam, d’accepter la main tendue par Moscou à la France et aux autres pays d’Europe et de créer une réelle coopération entre les nations, la République préfère se coucher devant Washington.
François Etendard
2 : https://www.youtube.com/watch?v=NaPUBqX9CK4
3 : Plus d’informations sur ce traité inique : http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2014/04/10/31001-20140410ARTFIG00323-jean-arthuis-7-bonnes-raisons-de-s-opposer-au-traite-de-libre-echange-transatlantique.php
5 : Un premier traité d’alliance franco-russe fut signé en 1892 !