[Point de vue] Indignation à géométrie variable
Ce qui s’est produit dans le village arabe de Douma est inqualifiable et ignoble. Un individu a jeté nuitamment un cocktail Molotov dans une maison dont les occupants dormaient paisiblement, provoquant un incendie. Un bébé de 18 mois périt dans les flammes alors que ses parents et son frère furent grièvement brûlés. Il est bon de condamner un tel acte avec la plus grande vigueur et de souhaiter que son auteur – quel qu’il soit – sera au plus vite appréhendé, jugé et puni de manière exemplaire.
Depuis que cette tragédie a été annoncée, j’éprouve une certaine gêne face au déferlement d’indignations hypocrites et d’accusations venant de la rue arabe et des médias occidentaux.
Même s’il est normal d’exprimer son émotion, il conviendrait d’abord d’attendre les résultats de l’enquête avant de montrer les coupables du doigt. Je me souviens d’une certaine mosquée qui avait brûlé, il y a quelques mois. Les journaux, les télévisions et les sites internet du monde entier avaient aussitôt décrété qu’il s’agissait de l’œuvre d’extrémistes juifs. L’enquête révéla que l’incendie avait été provoqué par une installation électrique défectueuse. Mais cette dernière information n’a jamais été relayée par les médias internationaux. Certes, à Douma, un graffiti en mauvais hébreu a été relevé sur un mur de la maison incendiée. Mais n’importe qui peut l’avoir écrit pour tromper les enquêteurs ou l’opinion : ça s’est déjà vu. J’ai en mémoire l’émotion provoquée, en France, par une inscription islamophobe sur le mur d’une mosquée du sud du pays. Quelques semaines plus tard l’enquête révéla que l’auteur de ce méfait était l’imam de la mosquée et qu’il avait agi à la suite d’un conflit interne à la communauté musulmane locale. Il est indéniable qu’il existe, en Israël, une frange juive ultra-orthodoxe, ultra-raciste, mais surtout ultra-minoritaire. Qu’un individu appartenant à un groupuscule de cette mouvance ait commis le crime de Douma est possible, sinon probable : depuis le massacre commis par Baruch Goldstein au Caveau des Patriarches en 1994 et l’assassinat du Premier Ministre Yitzhak Rabin en 1996, ces gens ont prouvé qu’ils ne reculaient pas devant la violence et l’assassinat. Il ne faut cependant pas écarter d’emblée d’autres hypothèses.
Ensuite, pourquoi les médias s’en prennent-ils avec une telle virulence à Israël dans son ensemble alors que les plus hautes autorités de l’Etat ont exprimé dans des termes sans équivoque leur indignation et leur condamnation de l’acte criminel de Douma ? Elles ont aussi manifesté leur compassion avec les victimes de ce lâche attentat. Le Président et le Premier Ministre se sont rendus au chevet des malheureux parents et de l’enfant, hospitalisés dans un hôpital israélien. Des voix se sont élevées de toute part, dans le pays, pour que le coupable soit arrêté au plus vite et pour que les terroristes juifs soient traités avec la même rigueur que les terroristes arabes. Lorsqu’un détraqué tue un enfant, en France ou ailleurs, les médias internationaux s’en prennent-ils au chef de l’Etat et au gouvernement, voire au peuple tout entier ? Pourquoi tant d’acharnement contre l’Etat hébreu ?
Ce drame, aussi horrible fût-il, tend à renforcer ma confiance dans le peuple d’Israël. La tragédie de Douma a prouvé que ce peuple avait encore la capacité de s’indigner, de dénoncer. Des manifestations ont eu lieu spontanément pour exprimer honte et incompréhension face aux défis posés par la petite frange violente et raciste, que ce soit au sujet de l’attentat au poignard de la Gay Pride ou pour le drame de Douma. Cette indignation a rassemblé les Israéliens au-delà des clivages politiques et religieux. Elle s’est également exprimée sur les réseaux sociaux. C’est ainsi qu’une amie israélienne a écrit : « J’ai honte pour nous, (…) un bébé palestinien brûlé vif avec sa famille, un religieux qui tente d’assassiner des jeunes uniquement parce qu’ils sont homosexuels… Je pense qu’il devrait y avoir une sérieuse remise en question dans le monde religieux israélien ».
Quel contraste avec les réactions de haine de la rue arabe et de la direction de l’Autorité Palestinienne, avec les appels au meurtre de civils israéliens, qualifiés de « cibles légitimes » par le Hamas ! Ce contraste illustre de manière exemplaire toute la différence qui existe entre une société démocratique éprise de liberté et de valeurs humanistes universelles et un peuple opprimé, endoctriné et fanatisé par ses propres dirigeants corrompus, ses médias de la haine, ses enseignants et ses leaders religieux.
Pour finir, je souhaiterais rappeler que des civils israéliens ont aussi été victimes de la violence et du fanatisme : qui se souvient de la famille Fogiel, égorgée à Itamar en 2011 par deux jeunes Arabes, ou des trois adolescents juifs enlevés et assassinés, en 2014 ? Ces deux drames, comme beaucoup d’autres touchant des Israéliens, n’ont guère ému les médias internationaux et ont suscité bien peu d’indignation en dehors d’Israël. Par contre, ils ont chaque fois été accueillis par d’indécentes explosions de joie dans la rue arabe et dans les camps de réfugiés palestiniens. Enfin, il faudrait aussi rappeler que durant la période où ce malheureux bébé de Douma mourait dans l’incendie de sa maison, des milliers d’enfants étaient torturés, massacrés, décapités ou vendus comme esclaves dans les zones d’Irak et de Syrie contrôlées par l’Etat islamique et que d’autres étaient transformés en tueurs et en bourreaux par ce même groupe terroriste. Pour ces horreurs-là, l’indignation internationale me semble beaucoup moins audible !
Si j’ai hâte de voir l’assassin de Douma arrêté et traduit en justice, j’aimerais tout autant voir cesser cette indignation sélective et hypocrite.
Hervé Cheuzeville