[Point de vue] Explication de texte
« Nous accueillons chaque goutte de sang versé à Jérusalem. Ce sang pur, ce sang propre, ce sang qui chemine vers Allah. Avec l’aide d’Allah, chaque martyr sera au paradis et chaque blessé recevra sa récompense. Toutes leurs actions, nous ne les permettrons pas. Toutes ces divisions – Al-Aqsa est nôtre et le Saint-Sépulcre est nôtre, tout est nôtre. Ils n’ont pas le droit de les profaner avec leurs pieds sales et nous le leur permettront pas ».
Ces propos, traduits de l’Arabe, sont extraits d’un discours prononcé en septembre dernier par M. Mahmoud Abbas, « président » de l’Autorité Palestinienne. J’ai encadré le titre de « président » de guillemets, car dans la réalité Abbas n’est plus que le président de fait de ladite Autorité. Élu en 2005, son mandat est arrivé à terme le 9 janvier 2009 et aucune nouvelle élection n’a à ce jour été organisée. Depuis bientôt 7 ans, Mahmoud Abbas est un président autoproclamé, non élu, sans légitimité démocratique.
Les propos cités ci-dessus suffiraient à discréditer définitivement n’importe quel dirigeant de pays démocratique, à le pousser à la démission. Cela ne semble pas être le cas dans la fiction d’État qu’est la Palestine. Bien au contraire. J’ajoute qu’ils ont été tenus quelques jours avant le début de la flambée de violence et de la série d’attaques au couteau qui ensanglantent Jérusalem et le reste du pays. Sans doute ont-ils d’ailleurs eu une influence non négligeable sur la rue palestinienne, sur une jeunesse déjà fanatisée qui a pu interpréter les propos du président comme un appel à passer à l’action. J’ai écrit « déjà fanatisée » ; pourquoi « déjà » ? Parce que, depuis plusieurs décennies, les écoles palestiniennes, financées par l’Union Européenne, diffusent auprès de leurs élèves un enseignement incitant à la haine du Juif, à la haine d’Israël. Les programmes scolaires palestiniens propagent une histoire tronquée et unilatérale du conflit israélo-palestinien, présentant les Juifs comme des envahisseurs et des colons, des voleurs de terre, dont la présence sur le « sol sacré » de la Palestine, de la Méditerranée au Jourdain, est totalement illégitime et devant être combattue par tous les courageux fils et filles de la patrie bafouée. Les médias palestiniens transmettent inlassablement un message similaire. La déclaration faite en Arabe à la télévision palestinienne par le chef de l’Autorité est tout à fait dans la ligne de l’enseignement destiné aux enfants et des « informations » transmises quotidiennement à la population. Certes, Mahmoud Abbas est suffisamment avisé pour ne pas tenir ce genre de propos en Anglais lorsqu’il s’adresse à une audience occidentale, lors de ses visites à Paris, Londres ou New-York, ou lorsqu’il reçoit à Ramallah des visiteurs étrangers de marque. En tenant ce double langage, double au sens linguistique mais aussi en termes de contenu, il ne fait d’ailleurs que suivre l’exemple de son prédécesseur Yasser Arafat qui était orfèvre en la matière.
Je voudrais maintenant me livrer à une petite explication de texte. « Nous accueillons chaque goutte de sang versé à Jérusalem » semble signifier que Mahmoud Abbas est heureux de voir le sang couler à Jérusalem. En évoquant le sang « pur » et « propre » des Palestiniens, il signifie que le sang des autres (c’est-à-dire le sang des Juifs) est impur et sale. En affirmant que « chaque martyr sera au paradis », il reprend la promesse mille fois répétée par les prêcheurs fondamentalistes de Palestine, mais aussi d’ailleurs, selon laquelle tuer au nom d’Allah ouvre la porte du paradis. Il s’aligne donc sur la position du Hamas, d’Al-Qaida, de l’État islamique, des Talibans, des Chébabs, de Boko Haram et de tous les autres groupes terroristes de la mouvance islamiste internationale. Il encourage chaque Palestinien à prendre le chemin du terrorisme, lui promettant par avance la récompense d’Allah en Son paradis. Monsieur Abbas déclare que « Al-Aqsa est nôtre ». Qui se cache derrière ce « nôtre » ? Les Musulmans ? Les Palestiniens ? S’il s’agit des Musulmans, il a parfaitement raison, puisque Al-Aqsa est une mosquée. Par contre, s’il s’agit des Palestiniens, il a tort, puisqu’Al-Aqsa n’a pas été construite par les Palestiniens, peuple qui, dans sa définition actuelle, n’existait pas encore lors de l’édification de cette mosquée. Enfin, ce « Al-Aqsa est nôtre » signifie sans doute que le dirigeant palestinien revendique la propriété, pour son peuple, de l’endroit situé au sommet du Mont Moriah, là où se trouve la mosquée Al-Aqsa et le Dôme du Rocher. Cette revendication est basée sur une grossière contre-vérité historique, contre-vérité tellement répétée qu’elle finit par être acceptée sans discuter par une large partie de l’opinion internationale. Faut-il une fois de plus rappeler que sur le Mont Moriah s’élevait jadis le Temple de Salomon et que ce temple n’était pas une mosquée, que Salomon n’était pas un roi musulman, mais juif. Ce temple fut par la suite détruit par les Babyloniens – en 586 avant J.C. – avant d’être reconstruit et enfin agrandi par le roi Hérode. Hérode était un roi hébreu, pas un sultan arabe. Faut-il également répéter que ce temple fut l’un des lieux de la prédication de Jésus-Christ et que ce dernier est considéré comme le fondateur de la plus importante religion monothéiste au monde. Cette religion, n’en déplaise à M. Abbas, n’est pas l’islam, mais le christianisme. Certes, nul ne disconvient que la ville de Jérusalem fut maintes et maintes fois prise et reprise par des envahisseurs venant d’horizons divers et appartenant à des croyances toutes aussi diverses. L’un de ces envahisseurs fut Arabe, à la fin du VIIe siècle de notre ère, et le nouveau venu fit construire, sur les ruines du Temple détruit par un envahisseur précédent (romain) des édifices consacrés au culte musulman : la mosquée Al-Aqsa et le Dôme du Rocher. Il s’agit là d’un état de fait que personne ne peut remettre en cause. Cependant, cet état de fait ne signifie pas que les lieux sur lesquels s’élèvent ces deux sanctuaires islamiques n’ont aucune importance pour les deux autres monothéismes, le juif et le chrétien. Si les Musulmans doivent conserver l’usage de ces deux édifices religieux, cela ne doit pas pour autant exclure les Juifs et les Chrétiens du droit de visiter ces lieux hautement symboliques pour eux et – pourquoi pas ? – d’y prier ! Mahmoud Abbas ajoute : « le Saint-Sépulcre est nôtre ». Là, je voudrais lui rappeler que cette basilique existait déjà lors de l’arrivée de l’envahisseur arabe et que ce n’est donc pas ce dernier qui l’a édifiée ! Le Saint-Sépulcre appartient à tous les Chrétiens, quelles que soient leurs obédiences. Cela ne veut cependant pas dire que les Musulmans n’ont pas le droit d’y pénétrer. Ils y sont au contraire les bienvenus, puisqu’ils honorent le prophète Issa (Jésus). Je doute fort, cependant, que, pour la plupart, ils éprouvent la moindre envie d’entrer dans cette vénérable église chrétienne. Les Juifs aussi, ainsi que les adeptes de toutes les religions du monde, et même les athées, sont les bienvenus au Saint-Sépulcre. Ils ne se privent d’ailleurs pas de s’y rendre : c’est par milliers que des visiteurs de toutes croyances visitent quotidiennement ce lieu ! Cela me permet d’ailleurs de rêver du jour où les hommes et les femmes de toutes religions seront autorisés à pénétrer dans la mosquée Al-Aqsa et sous le Dôme du Rocher ! Grand fut mon regret, lors de mon passage sur cette esplanade des mosquées, en mars 2014, de n’avoir pas été autorisé à pénétrer à l’intérieur des deux sanctuaires. La Française musulmane qui nous accompagnait put, sans difficultés, les visiter et y prendre des photos, pendant que nous l’attendions à l’extérieur. Je ne pourrai, d’autre part, jamais oublier les cris de haine entendus durant cette même visite. Ces hurlements s’adressaient à quelques malheureux visiteurs juifs qui avaient eu l’audace de faire le tour de l’esplanade, site de leur ancien Temple, tout en prenant bien garde de ne pas s’approcher des deux édifices religieux musulmans. Mahmoud Abbas, par ses propos, semble être d’accord avec ces cris de haine, puisqu’il ose affirmer que les Juifs profanent ces lieux « avec leurs pieds sales ». En quoi est-ce que la présence de Juifs sur l’esplanade, à l’extérieur de la mosquée, peut profaner ce lieu qui, s’il est saint pour l’islam, l’est tout autant (et depuis bien plus longtemps) pour les Juifs ?
Avec de tels propos, le président de l’Autorité palestinienne traduit sa profonde haine des Juifs, son fanatisme religieux et son mépris pour l’histoire. Il prouve au monde qu’il n’est pas l’homme de paix vanté par Madame le Maire de Paris et encore moins l’ « Ange de Paix » que le Pape François espérait pouvoir discerner en lui. Plus grave encore : ses déclarations racistes constituent un véritable appel au meurtre, une incitation à la guerre civile. Mahmoud Abbas devrait donc être tenu pour responsable des attaques au couteau, à la voiture bélier ou à l’arme à feu commises depuis son ignoble déclaration.
Hervé Cheuzeville
PS : Dans deux articles à venir, je reviendrai, sur deux autres points importants, toujours sur le même sujet : le « caractère palestinien » de Jérusalem-Est et de la vieille ville et la manière dont nos médias français couvrent cette énième crise israélo-palestinienne.