Monsieur Trump ne se prénomme pas Adolf !
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis d’Amérique, après la surprise et le choc, semble provoquer une hystérie planétaire sans précédent. Pour ma part, le résultat de cette élection présidentielle ne m’a aucunement surpris. Hillary Clinton était loin d’être une politicienne sans reproche et elle inspirait de la méfiance à nombre de ses concitoyens. Et les vedettes du show business qui se sont affichées avec elle tout au long de sa campagne étaient loin de représenter la réalité du pays profond. Donald Trump quant à lui était un nouveau venu en politique et sa réussite dans les affaires pouvait faire rêver tous les laissés pour compte et les déclassés de la société étasunienne.
Mais la victoire de Trump a provoqué un véritable déferlement de commentaires haineux et outranciers. Que n’entend-on pas sur les plateaux de télévision ou sur les ondes des radios ! Que ne lit-on pas sur les réseaux sociaux. Combien de fois n’ai-je pas lu, ces dernières heures, que le président élu deviendrait inévitablement un nouvel Hitler, ce dernier ayant été « élu démocratiquement » comme l’a été Monsieur Trump. Rien n’est pourtant plus loin de la vérité. Contrairement aux affirmations de nos pseudos érudits, Hitler n’a jamais été élu. Il a été appelé par le président de la République allemande à former un gouvernement de coalition. Ce qu’il fit, avant de profiter de sa position de chancelier pour modifier les règles démocratiques du pays et ensuite les bafouer, tout en violant les droits de l’Homme et du citoyen et en promulguant de nouvelles lois antidémocratiques et ségrégationnistes. La jeune démocratie allemande était fragile, les contre-pouvoirs étaient insuffisants et trop faibles, ce qui permit au nouveau chancelier de se transformer rapidement en dictateur impitoyable.
Rien de comparable avec ce qui vient de se produire aux États-Unis. Donald Trump a été élu démocratiquement, contrairement à Hitler. La vieille démocratie étasunienne est suffisamment forte et elle dispose de nombreux contre-pouvoirs pour empêcher un président de vouloir devenir un dictateur. Même si Donald Trump avait des velléités dictatoriales – ce qui est loin d’être prouvé – il serait bien incapable de les assouvir. Un président des États-Unis est loin d’être omnipotent, ses pouvoirs sont limités, du fait du système fédéral, et ils sont sérieusement encadrés et contrôlés par la Chambre des Représentants et par le Sénat. Enfin, n’oublions pas que la constitution étasunienne contient des dispositions permettant au Congrès de démettre le président. Grâce à sa démission in extremis, Richard Nixon, qui n’était pas un dictateur, échappa de justesse à la destitution, en août 1974. Bill Clinton, 24 années plus tard, failli lui aussi être destitué.
Je suis choqué par les comparaisons excessives qui fleurissent depuis 48 heures. Donald Trump est loin d’être un homme exemplaire, ses propos de campagne électorale étaient vulgaires et outranciers, mais c’est lui qui a remporté cette élection. Il n’est pas admissible de remettre en cause le résultat, même si, pour un Européen, le fait qu’un candidat puisse être élu alors que davantage de suffrages se sont portés sur le nom de son adversaire peut être quelque peu surprenant. Mais c’est ainsi que fonctionne la démocratie étasunienne, et ce n’est ni à nous ni aux étrangers vivant aux États-Unis de remettre en cause les règles qui régissent cette démocratie.
Il convient donc de garder la raison tout en restant vigilant. Lorsqu’il sera installé à la Maison Blanche, le moment sera venu de commencer à juger Donald Trump, comme ses prédécesseurs, sur ses actes, sur son comportement et sur les décisions qu’il sera amené à prendre en matière de politique intérieure et de politique étrangère. La démocratie étasunienne, vieille de 240 ans, n’est certes pas irréprochable, mais elle est solide et elle a su, par le passé, surmonter de nombreuses crises, une guerre civile et deux guerres mondiales. Je n’ai pour ma part aucun doute qu’elle saura s’accommoder de ce déroutant 45ème président, comme elle l’a fait pour les 44 précédents !
Hervé Cheuzeville