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Mishima, ce révolutionnaire, par Paul-Raymond du Lac

Yukio Mishima est un dangereux révolutionnaire romantique, nationaliste, à tendance nihiliste.

Sa réputation, pourtant, ne cesse de tromper trop de conservateurs japonais qui le prennent comme une référence, en particulier sa fin, comme un tentative de résistance contre la révolution communiste…

Et pourtant, que d’illusions… C’est un révolutionnaire pur jus, ne cherchant la réalité, encore moins la restauration, mais l’esthétique orgueilleux du geste et de la posture.

Lui, l’inverti peccamineux, qui avait un culte du corps, n’a pas pu supporter de se voir commencer à vieillir, alors, après avoir mis en scène dans un film son propre suicide, il l’a exécuté à 45 ans, près du parlement, en entraînant dans la mort un pauvre jeune – et peut-être amant. Son action honteuse, outre d’être une fuite inutile et ridicule devant le flot moderniste, a entraîné de plus une sinistre fascination sur une jeunesse, encourageant au suicide – et trop l’ont suivi, dans son action littéralement scandaleuse.

Toute façon, un indice nous met déjà la puce à l’oreille : il est trop connu et célèbre en France, trop traduit pour que cela ne soit pas louche. Et effectivement ! Ces livres sont plus tordus les uns que les autres, plus érotiques et dégueulasses les uns que les autres, entre un moine qui brûle son temple dans un orgasme nihiliste (Le temple d’or), ou des enfants qui torturent un marin pour le faire correspondre à leur rêve (Le marin rejeté par la mer)…

Il est dans le rêve, dans l’irréel, dans la posture qui se veut classe.

Il peut parler d’empereur, de tradition, de valeurs immémoriales, d’honneur : tout cela c’est du flanc. Il serait né français qu’il serait certainement comme un Madzeff ou un Georges Sand en homme, ou même un René Guenon en moins ésotérique et sans l’intellectualisme philosophique de mauvais aloi. Il se fiche de l’empereur, de la fidélité et du sacrifice, ce qui l’intéresse c’est de capter la charge symbolique et affective de ces valeurs, dans un temps où la seule façon de « réussir » dans le monde littéraire comme dans le monde tout court était d’être anti-communiste et impérialiste.

Il se rêve une tradition fantasmée, il se rêve un empereur à sa sauce, sans en rien avoir à faire du véritable empereur et de son service, ni des valeurs traditionnelles, lui le pécheur énorme qui n’a jamais fondé de famille, et qui voulait détruire pour mieux reconstruire…

Vous dites que j’exagère… Et pourtant non.

Prenons le problème d’un point de vue politique. Ses écrits politiques, nombreux, sont pourtant quasiment pas traduits en français, car ils seraient trop « nationalistes »…et pourtant ils sont tout à fait révolutionnaire.

Prenons l’incipit de son livre politique le plus connu et intitulé « Défense de la culture (文化防衛論) » dans lequel il va faire mine de se poster comme un grand défenseur de la culture millénaire japonaise contre les flots du modernisme, etc.

C’est une compilation d’essais, lettres ouvertes puis des discussions. Il ne s’agit pas d’en faire une étude détaillée, que nous reportons à plus tard, mais de sentir toute la teneur du propos.

L’ouvrage s’ouvre par un « Manifeste contre-révolutionnaire ». On se dit « tient, pas mal » : tout Mishima est là, il utilise des phrases chocs et cet homme intelligent sait sentir comment il faut être « dissident » mais pas trop, pour pouvoir se donner un certain prestige littéraire et esthétique. Être dans le moule ne permet pas de se rendre visible et de devenir une idole, être véritablement contre-révolutionnaire demande le sacrifice de l’orgueil, et des intérêts temporels, ce qui est impossible au révolutionnaire.

Alors voilà la fameuse première phrase :

« Nous ne sommes pas opposés à toute révolution (われわれはらゆる革命に反対する者ではない). » (Chikuma Bunko, p.9, 2013 [2006])

Voilà, tout est dit : il est vraiment contre-révolutionnaire dans le mauvais sens de Maistre ; il veut une révolution contraire, mais pas le contraire de la révolution.

Ses suiveurs ont cette tendance : ils gagneraient le pouvoir qu’ils useraient les mêmes procédés que les révolutionnaires, pour imposer une éducation « nationaliste », une obéissance aveugle, des carcans administratifs, etc. Le fond révolutionnaire ne change pas, mais on l’habille avec d’autres mots et d’autres rêves, loin de la réalité historique et de la véritable tradition. Mishima, qui ne cesse de parler de tradition et de culture, savait pourtant pertinemment, et utilisait cela, que la tradition japonaise n’est en fait pas si consistance historiquement, que tout ce qu’on considère comme « tradition japonaise » a été largement réinventée à la restauration Meiji, et, pour des choses plus terre à terre, comme le sumô etc, ne s’est cristallisé que les derniers siècles. Si on parle de tradition « spirituelle » ou « intellectuelle », alors là c’est le néant et tout à été fabriqué entre le XIXe et le début du XXe siècle, par réaction et projection et intégration des cultures occidentales laïcisés (comme autrefois la culture chinoise). Le shintô aussi est largement artificiel, dans ses institutions, sa structure, et même ses rituels, refondé sur un mode révolutionnaire de « primitivisme » revenant aux sources immémoriales…oubliées et que personne ne peut vraiment vérifier.

Et Mishima, dans cette déclaration contre-révolutionnaire, précise bien que sa contre-révolution est en fait très limitée : elle est juste contre la révolution communiste…et c’est tout.

Il se donne un genre, car dans les années 1960 c’est pas difficile d’être anticommuniste, et c’est même porteur dans le monde de l’activisme et de la littérature.

Alors faisons attention à toutes ces formes de nationalisme, à la Mishima, qui a ses parangons en France aussi, en particulier chez ceux qui ne sont plus chrétiens, ou qui parle de chrétienté simplement comme un patrimoine lointain, un héritage disparu, et pour ne pas se mettre à dos, en fait, les chrétiens qui restent leur public principal, pour un grand malheur.

Tous ces nationalismes païens, ou romantiques, et rêveurs, ayant le culte de la force, à tendance nihiliste, sans charité, et même souvent sans justice, sont dangereux. Ils ne sont que des formes d’orgueil affiché pas si subtil que cela, qui, en exaltant la Nation, l’empereur ou une pseudo-tradition celtique, gauloise ou je ne sais, s’exalte soi-même indirectement. Il devient facile de tomber dans le simplisme raciste de croire que certains éléments biologiques pourraient être déterminants : ils ne se rendent même pas compte qu’ils adoptent les positions de nos pires adversaires féministes, woke, lgbt etc, qui essentialisent les différences physiques !

Revenons au Roi, et au réalisme politique, dans l’humilité et la soumission à la loi naturelle – et à la loi surnaturelle autant que faire se peut !

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

Une réflexion sur “Mishima, ce révolutionnaire, par Paul-Raymond du Lac

  • Marie-Noëlle

    Merci pour cette critique bien sentie. Ce genre d’individus sont bien populaires malheureusement….

    Répondre

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