Droite traditionaliste au pouvoir : les royalistes français doivent-ils s’inspirer des élections brésiliennes ?
Le premier tour des élections générales a lieu ce dimanche au Brésil dans un contexte où leur république a été le théâtre de multiples affaires de corruption qui ont notamment abouti à la destitution de Dilma Rousseff, présidente de la république du Brésil, en août 2016 et à l’inéligibilité de son prédécesseur, Lula (Luiz Inácio Lula da Silva), en août 2018. Ayant survécu à une tentative d’assassinat en septembre dernier et favori des sondages, Jair Bolsonaro, le candidat de la droite traditionaliste (pro-vie, anti-laïciste, décentralisateur, promoteur des libertés individuelles et pour la chasse armée des trafiquants de drogue) est arrivé en tête avec un score de 46 % au premier tour et plus de 49 millions de voix. Sauf surprise, il devrait succéder à l’actuel président, Michel Temer, à l’issue du second tour.
Ces élections générales ont également abouti à l’élection de Louis Philippe d’Orléans-Bragance (Luís Filipe de Orleães e Bragança) en tant que député fédéral de l’état de São Paulo sous l’étiquette du parti de Jair Bolsonaro, le Parti social libéral (PSL), avec 118 457 voix. Ce Prince Impérial et entrepreneur s’est lancé assez récemment en politique, cofondateur d’un mouvement libéral en 2014, il participe en 2015 à l’offensive législative contre Dilma Rousseff.
Le positionnement de ce Prince impérial non dynaste prônant le renforcement du pouvoir présidentiel[1] est-il en phase avec celui de la Maison Impériale ?
Dans un communiqué daté du 3 octobre, le chef de la Maison impériale du Brésil, Monseigneur Louis d’Orléans-Bragance (Dom Luiz de Orleans e Bragança), a rappelé la posture non partisane qui sied naturellement à toute famille royale ou impériale. Cependant, il a rappelé que la famille impériale avait le devoir d’être le porte étendard pour les grandes causes du pays. C’est ainsi que le chef de la Maison impériale rappelle l’engagement continu de la famille impériale en faveur de l’abolition de l’esclavage.
Dom Luiz de Orleans e Bragança estime dans ce même communiqué que le Brésil d’aujourd’hui est gravement menacé par la « gauche de la gauche » qui travaille activement et efficacement à l’abolition des Droits naturels : destruction de l’institution familiale, négation du droit à la propriété privée et limitation des libertés individuelles (notamment celle d’entreprendre ou de défendre sa vie et celle des siens). C’est à ce titre qu’il a appelé à s’opposer aux liberticides sans toutefois nommer de champion. D’aucun pourraient déduire qu’il s’agit d’un soutien implicite à l’évangéliste Jair Bolsonaro tant il représente le seul challenger crédible. Même si l’appel à urner n’a pas été explicitement prononcé, il s’agit toutefois d’un appel assez flagrant lancé aux monarchistes à participer à ces élections générales.
En-tête du communiqué du chef de la Maison impériale du Brésil
Est-il opportun pour des monarchistes de participer à des élections nationales républicaines ? Lorsque l’on souhaite la disparition d’un système, quel sens cela a-t-il de contribuer à sa survie en faisant vivre ses institutions fondamentales ?
Quelle est la plus grande peur des républicains qui tiennent actuellement le gouvernement de la France ? A chaque élection, quelle est leur vraie crainte ? Il ne s’agit en aucun cas des résultats de la droite jacobine incarnée par le FN / RN de Marine Le Pen.
Leur plus grande crainte est l’abstention ! En effet, le mensonge républicain repose sur le mythe de la volonté générale : « les Français ont dit », « les Français ont choisi », « la France s’est exprimée par les urnes». Seul un taux de participation élevé leur permet de maintenir cette illusion. Comment gloser sur la volonté générale avec un taux d’abstention élevé ? Les élections européennes bénéficient historiquement d’un fort taux d’abstention (plus de 50% depuis 1999), l’UE ne parvient pas à faire oublier qu’elle n’est qu’un monstre technocratique sans âme et son avenir semble compromis.
Coup de tonnerre lors des dernières législatives de 2017, le taux d’abstention a dépassé les 50% pour la première fois (plus de 42% en 2012, en hausse constante depuis 1988). Panique chez les politiques qui avaient pourtant été nombreux à appeler à voter. Certaines préfectures également avaient continué à interpeller les français, à l’instar du préfet de la Sarthe qui avait ainsi profité de la fin des 24 Heures du Mans pour demander de «poursuivre la compétition dans les urnes».
Cela a eu pour conséquence de relancer le débat du vote obligatoire. Vous ne voulez pas avaler la couleuvre républicaine ? On va vous la faire ingurgiter avec un entonnoir.
Face à un taux d’abstention également en hausse constante aux élections présidentielles (25 % en 2017 contre 20 % en 2012 et 16 % en 2007), nul doute que le projet du vote obligatoire reviendra avec toujours plus d’insistance.
Alors, Realpolitik ou question de principes ?
Le positionnement du chef de la Maison impériale brésilienne, dont l’héritier bat régulièrement le pavé avec ses partisans, est sur ce point ambivalent. Faut-il contribuer à la survie d’un régime intrinsèquement mauvais au nom de la défense louable de la loi Naturelle ? N’est-ce pas simplement continuer à aller droit dans le mur mais en ralentissement qu’un temps le pas quitte à accélérer de plus belle aux élections suivantes ?
Loïc Baverel
[1] https://epoca.globo.com/as-ideias-do-principe-23079741