Donald Trump élu : que retenir ?
Mercredi matin, heure française, Donald John Trump a été désigné président élu des Etats-Unis d’Amérique.
Au-delà de la médiocrité ambiante dont il faut, à mon avis, ne pas se préoccuper sous peine d’en être victime en s’écharpant et/ou s’énervant pour rien, cette élection retient mon attention.
Michael Moore, peu suspect de sympathie pour le système Bush, avait prédit que cette élection allait être un grand bras d’honneur contre ce qu’il est convenu d’appeler le « système ». En effet, le monde politico-médiatique a reçu une belle leçon de démocratie alors qu’il prétend détenir les clefs de celle-ci !
Cette élection mettait aux prises deux candidats qui avaient été proches dans le passé et qui étaient la face et le revers de la même médaille. Leurs filles sont d’ailleurs amies et ils n’ont pas de rancune personnelle sauf devant les caméras où le jeu commence…
D’un côté Hillary Clinton, qui vivait pour la présidence depuis que son mari avait été élu, cette ambition l’a fait s’assoir sur sa propre dignité plus d’une fois. Alors que la présidence semblait se rapprocher, elle est devenue une caricature de ce que l’élite new-yorkaise peut être : pétrie de suffisance, corrompue par de multiples groupes de pressions et mondialisée. La famille Clinton ressemble en cela au clan Kennedy dans l’approche du pouvoir et de la corruption qui règne. L’exemple le plus frappant est la révélation que la candidate avait eu connaissance des questions qui allaient lui être posées lors du débat qui l’opposait à Bernie Sanders lors des primaires du Parti Démocrate.
L’expérience du pouvoir est du côté d’Hillary Clinton qui a été Première Dame avant d’être la Secrétaire d’Etat de l’administration Obama.
Donald Trump reflète quant à lui le pays plus profond et la réalisation du rêve américain. Devenu milliardaire, il a su gérer sa fortune malgré de mauvais choix (notamment la création d’une compagnie d’aviation de luxe). Son côté blanc/premier colon et sa soif de célébrité l’ont fait participé à une téléréalité où il devait engager ou non des candidats à un emploi…
Cela dit, ses affaires l’ont rendu familier de la négociation et du compromis, et le personnage est beaucoup moins outrancier qu’il ne veut le faire croire. Vous allez alors me dire que ses déclarations sur les femmes et les immigrés sont à la limite de l’acceptable… Et c’est vrai ! Mais n’oublions pas qu’il en joue dans ce pays où la majorité des blancs de la classe moyenne, c’est-à-dire la majorité des habitants, lui ressemblent dans cette vulgarité et cette outrance. C’est presque un candidat au langage adolescent qu’l a créé de toute pièce ! Le racisme de Donald Trump ? S’il l’est, il l’est alors autant que ces prédécesseurs qui ont fabriqué et utilisé l’ennemi terroriste islamique et qui utilisent les minorités à des fins politiques…
De même les témoignages qui font de Trump un patron arrogant ont sans doute leur vérité et loin de moi l’amour fou de l’immobilier américain et de ses ombres…mais pour son milieu très restreint, Trump est un dirigeant à l’ancienne, assez paternaliste. Son jugement se fonde sur le mérite des gens, d’où des propos brutaux lorsqu’il considère que la personne ne mérite pas sa place.
La nouvelle donne politique des Etats-Unis trouble. En effet, l’inversion entre les orientations politiques des Démocrates et des Républicains est récente. Traditionnellement, le Parti Démocrate est assez non interventionniste en matière de politique internationale tandis que le Parti Républicain est la grande force impérialiste. Le candidat républicain de 2007, John McCain, avait par exemple soutenu les pro-européens en Ukraine par pure opposition idéologique à la Russie et l’administration Bush avait envahi l’Afghanistan et l’Irak pour lutter contre « l’empire du Mal ». Le Parti Démocrate, à l’exception notable de quelques cadors tels Hillary Clinton avait critiqué cette intervention et l’ingérence systématique des Etats-Unis.
Or, depuis le début de l’opposition Trump/Clinton c’est l’inverse : le candidat républicain se dit isolationniste alors que la candidate démocrate défend le bilan des années Obama et veut même intervenir plus encore au Moyen-Orient. C’est cela qui est à l’origine de la critique de Trump par bon nombres de sénateurs et de gouverneurs républicains, à commencer par les plus bellicistes comme le clan Bush. Bernie Sanders, candidat démocrate contre Clinton a d’ailleurs proposé de travailler avec Trump. Ce candidat, seul homme de gauche de la campagne, prouve par ce geste que l’opposition Clinton/Trump est un mirage et que des démocrates peuvent soutenir certaines idées de Trump tandis que certains républicains le torpillent !
L’élection de Donald Trump peut donc permettre une diminution des tensions avec la Russie, la création d’un Etat palestinien bien que son vice-président Mike Pence soit un sioniste déclaré, mais peut aussi marquer la fin de l’ingérence totale des Etats-Unis sur notre continent via le TAFTA et l’invasion culturelle. Cela dit, au lieu de nous en prendre aux américains, faisons d’abord de ne pas nous soumettre à cette invasion par nos choix politiques que notre consommation ! que dirions-nous si la Russie, l’Iran ou la Bolivie exigeaient des traités à leurs seuls avantages et nous imposaient leur mode vie ?! Sachons aussi dire stop !
La seule chance de cette élection réside dans cette perspective d’une normalisation du rôle des Etats-Unis, mais sachons aussi que ce nouveau président peut être rattrapé par les tenants économiques et politiques les plus impérialistes… et qu’il sera toujours un « plouc » par certains côtés ! Mais à défaut d’un candidat démocrate sage et pas empêtré dans la corruption, nous n’avons qu’à espérer !
L’hégémonie américaine meurt, gageons qu’avec Trump, le choc sera moins violent qu’avec Clinton.
Charles d’Antioche