Commémoration du 10ème anniversaire du tsunami : la Somalie, grande oubliée
L’avez-vous remarqué? Pour ce 10ème anniversaire du tsunami de 2004, nos grands médias multiplient les reportages sur les zones de Thaïlande et d’Indonésie qui furent touchées. Hier soir, j’ai même vu un reportage sur le Sri Lanka, aux infos de TF1. Bien souvent, ces reportages mettent en scène des Français héroïques à l’histoire touchante : parents dont les enfants ont disparu, touristes miraculeusement sauvés par une femme de chambre ou des villageois. Le tsunami a fait plus de cent mille morts à Sumatra, des dizaines de milliers dans le sud de la Thaïlande et dans l’ancienne Ceylan. Il est donc naturel de se remémorer cette gigantesque tragédie, dix ans après. Cependant, il est un pays victime du tsunami dont le nom n’a même pas été prononcé: la Somalie!
Eh oui, la Somalie ! Sur les belles plages somaliennes, il n’y avait pas de touristes occidentaux. Ce pays était livré à la guerre civile depuis treize années déjà, ses populations étaient otages de seigneurs de la guerre se livrant à des combats impitoyables pour le contrôle des routes, des ports et des maigres ressources du pays, l’un des plus pauvres du monde. La vague venant d’Asie toucha ses côtes, mais ce fut à peine rapporté par les grandes agences de presse, et le bilan humain fut minimisé. Il est vrai qu’aucun reporter ne se trouvait sur place. La Somalie fut pourtant bel et bien touchée, mais de manière quelque peu différente. A son arrivée sur les côtes somaliennes, la grande vague était sans doute moins puissante que celle qui dévasta Banda Aceh, en Indonésie. Mais la cupidité humaine en aggrava l’impact. En effet, profitant de la guerre civile qui faisait rage depuis 1991, des compagnies internationales sans scrupule avaient, depuis des années et en toute illégalité, stocké des fûts de déchets toxiques sur le littoral somalien, avec l’accord de certains chefs locaux préalablement corrompus. Lorsque la grande vague frappa, elle dévasta des dizaines de villages de pêcheurs. Mais elle répandit aussi les poisons chimiques contenus dans ces vieux fûts rouillés, causant des dommages irréparables à l’environnement terrestre et maritime, à la faune et à la flore. Les pêcheurs perdirent leur gagne-pain, la pêche, et ils virent leurs enfants mourir empoisonnés. Un autre phénomène dont les grands médias ont peu parlé était l’habitude qu’avaient certains pétroliers de dégazer au large des côtes somaliennes : que risquaient leurs capitaines, leurs propriétaires, pour avoir pollué les eaux territoriales et les plages d’un pays sans gouvernement, d’un Etat qui n’existait plus depuis longtemps?
Face à ces mini marées noires répétitives, face aux dégâts occasionnés par le tsunami puis, par le poison répandu par les fûts illégalement stockés, est-il vraiment surprenant qu’un certain nombre de ces pêcheurs somaliens, devenus chômeurs par la force des choses mais ayant des familles à nourrir, se soient alors reconvertis dans …. la piraterie?
Hervé Cheuzeville