Comme un manque de Guerre Totale ?
Les États-Unis d’Amérique ont renoué avec la croissance, mais il s’agit d’une croissance faible et fragile.
La croissance attendue pour le premier trimestre 2012 était de 3,1%, celle observée par le département Américain du commerce est de 2,5%. Concernant l’indice de prix rattaché au PIB trimestriel, était attendue une croissance de 1,4%, alors que celle-ci n’est en fait que de 1,2%.
Au-delà de la claque politique qui échoit à l’administration Obama, on peut aussi se demander si le système capitaliste et libéral ne manque finalement pas d’un élément essentiel.
En effet, le capitalisme largement accepté, fonctionne sur un principe de financement des entreprises par des particuliers par le biais d’actions. En échange de ce financement, ces particuliers deviennent actionnaires, et reçoivent une part des revenus de l’entreprise (le dividende) partagée entre tous les actionnaires.
Ce système est théoriquement génial : il permet à l’État de se désengager de l’économie (qui présente le risque non négligeable de la banqueroute!) pour se concentrer sur ses prérogatives régaliennes et permet aux entreprises un système de financement autrement plus performant que les États ou que les Banques : en effet une mutualisation des moyens de petits porteurs finit par faire une montagne de fric à côté de laquelle les moyens de certains États passent pour de l’argent de poche.
Problème, cependant, ce système de la société par actions est très fragile car soumis à la concurrence internationale : qu’une entreprise soit plus attractive et les capitaux se retrouvent ailleurs ! Sans capitaux, l’entreprise coule et c’est le chômage qui augmente.
Démultiplié par une économie mondialisée, cet effet pervers entraîne une fuite des capitaux vers des entreprises plus rentables à l’étranger. Les conditions de la rentabilité sont multiples: coût moindre de la main d’œuvre, proximité des matières premières, stabilité politique, charges fiscales etc.
Ainsi volent aux secours les théories mercantilistes, mises en œuvre par Colbert, avec l’idée selon laquelle le pays est d’autant plus riche que la masse monétaire circulant à l’intérieur de ses frontières est importante : il faut donc encourager l’attractivité pour favoriser les investissements sur des produits nationaux.
La France, premier pays au monde à avoir mis en place le Mercantilisme, est aussi le premier pays à l’avoir abandonné, au contraire de tous les autres. Aussi poursuivons-nous le matraquage fiscal, l’augmentation des salaires des ouvriers et une politique d’inflation complaisante tirée par l’augmentation systématique des salaires de tous les agents de l’État (1 français sur 5 !).
La crise elle, est structurelle. C’est un mouvement de panique provoqué par la tension entre la rentabilité et la réalité. Dans un souci de rentabilité, les entreprises se spécialisent ou investissent leur argent dans des secteurs porteurs, c’est-à-dire rapportant le plus d’argent possible par rapport à l’investissement initial. Le souci étant que si toute l’économie se spécialise dans ce secteur, la rentabilité dudit secteur a tendance à s’écrouler et, par là même, d’autres secteurs s’avèrent plus rentables. Il en découle donc une crise qui aboutit à la recomposition de l’économie. En l’espèce rien de trop grave, un mouvement de panique est vite passé… sauf quand la crise boursière est accentuée par une crise bancaire. Les banques créent de l’argent qu’elles n’ont pas pour le prêter aux entreprises, si on leur demande de rembourser tout d’un coup, en cas de crise, alors celles-ci déposent leurs bilans et l’économie perd un de ses financements. Pire : les petits porteurs perdent aussi leurs économies et leurs financements et ne peuvent plus intervenir dans le système boursier.
C’est 1929, c’est 2008.
Quel est le recours dans des temps si difficiles ? Les citoyens se tournent invariablement vers l’État. Et l’État, composé de citoyens pour la plupart du temps, préoccupé par sa réélection, décide de relancer l’économie.
La solution est en théorie très simple: relancer l’activité industrielle par une politique de bas salaire, trouver de nouveaux débouchés économiques de masse à l’étranger…
Mais aujourd’hui, l’OMC et la désindustrialisation sont deux freins qui ne permettent pas de sortir de la crise.
De plus, un pays qui sort de la crise le fait forcément aux dépens des autres qui luttent eux aussi pour leur survie.
Naît alors le spectre des tensions interétatiques et l’idée selon laquelle une bonne guerre totale permet de relancer une industrie forte de manière magistrale tout en justifiant des salaires peu élevés, une intervention massive de l’État dans l’économie, et une fermeture des frontières à tout ou partie du commerce international.
Rien de mieux pour sauver un pays.
C’est ce qu’il manque aux États-Unis, pays capitaliste s’il en est : une troisième guerre mondiale pour solder la crise.
On comprend mieux pourquoi Alexandre Arbatov, conseiller de Mikaïl Gorbatchev, disait en 1989 :
« Nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d’ennemi ! »
Roman Ungern