Du sédévacantisme politique, par Paul-Raymond du Lac
Nous avons découvert récemment une position normalement intenable mais tenu par certains « royalistes » auto-déclarés qui pourraient se résumer en une expression : le sédévacantisme politique.
On se dit royaliste, mais sans roi, et on affirme que le trône est comme vide, et que donc qu’il n’y a pas de roi, et qu’il faudrait une « cinquième dynastie », et donc qu’au fond ou puisse choisir le roi, et, pourquoi pas, faire un coup d’état avec un « comité du salut monarchique »… C’est du bonapartisme politique, tout à fait révolutionnaire.
Le problème vient que ces gens se disent royalistes et catholiques…ils n’osent plus se dire légitimistes quand mêmes (ce qui pouvait exister à une époque).
Reprenons un peu le spectre de nos sédévacantistes politiques, qui ont autant de nuances et d’oppositions que les sédévacantistes religieux.
Nous tentons dans ce présent papier d’analyser un peu la situation, et de redéfinir le « providentialisme », car ici il ne s’agit pas tout à fait de la même chose.
Le providentialisme, dans son acception négative, est l’erreur qui consiste de trop compter sur la Providence au point de refuser l’action et les charges qui nous incombent. En politique, il s’agirait, au prétexte de « tout confier à Dieu », de ne plus rien faire et d’attendre une restauration qui ne vient donc jamais.
Ces providentialistes peuvent être de tout bord politiques, et même en monarchie : à la limite un orléaniste pourrait être providentialiste, s’il abdiquait toute action pour ne compter que sur Dieu et se prostrer en prières, idem il pourrait être légitimiste, et certains sont tentés par ce quiétisme politique.
Mais la plupart des « providentialistes » sont en fait des sédévacantistes politiques avec plusieurs nuances en fonction de leur radicalité dans l’éloignement de la doctrine politique saine et légitime.
Certains, prônant la vacance du siège, ne se prononcent pas sur qui doit occuper le trône, et soit sont des sortes d’agnostiques royalistes, soit des croyants au « grand monarque », qui viendra on ne sait quand.
Nous restons ici dans le quiétisme politique, mais qui s’arrime néanmoins sur une foi souvent solide, quoique déséquilibrée.
Puis nous avons les providentialistes activistes, ceux que nous évoquions en début d’article : qu’ils prônent un coup d’état, une cinquième dynastie, ou des prétendants imaginaires (les survivantismes en ce sens ont font partie), ils se laissent aller à un bien plus grand degré que les premiers quiétistes à leur fantaisie, qui déguisent souvent une ambition cachée, ou au moins un orgueil affirmé « de celui qui peut décider qui est le roi ou pas » comme le sédévacantisme religieux décide qui est le pape ou pas, et s’il est là ou non…
Ces positions sont intenables – nous avions déjà expliqué pourquoi pour le providentialisme et le survivantisme en tant que tel ainsi que d’autres articles de ces colonnes1 – car elles vont contre la vertu de prudence, qui est pourtant la vertu fondamentale en politique, et pêchent en ayant la présomption de décider des règles et des traditions, au lieu de tout simplement se soumettre aux règles et aux traditions, et ici en particulier aux lois fondamentales, qui ne laissent aucun doute sur la personne du roi (Louis XX), ni sur l’ordre de succession.
Nous soulignerons au passage que ces sédévacantistes politiques, quand par exemple ils attaquent Louis XX, sont malhonnêtes, car ils ne vont pas chercher le suivant sur la liste de succession – ce que ferait un légitimiste, et c’est ce qui fait notre force – mais ils disent qu’il n’y a pas de roi. Ils usent de procédés polémiques et évitent le vrai débat de fond : rien ne pourrait les convaincre.
Pourtant le droit coutumier français est clair, et les maximes l’explicitant sont connus : « Le roi est mort, vive le Roi ! », « Le Roi ne meurt jamais en France ». Il n’y a jamais de vacance du trône en France.
Ce qui explique que la restauration fut si aisément réalisée en 1814 et 1815, et qu’Henri V faillit monter sur le trône, et que nous existions toujours en tant que légitimiste aujourd’hui deux siècles après.
Tous les pays n’ont pas cette chance, et certains sujets d’autres couronnes, où le monarque est bien sur le trône, inquiets de l’avenir de leur pays, sont déjà venu nous débaucher pour leur faire des cours sur la loi salique, et sur le comment et le pourquoi du mouvement légitimiste en France – car ils se disent qu’en cas de crise, de révolution ou d’urgence, il faut se préparer pour eux aussi à conserver et protéger la famille régnante malgré une révolution ou un événement terrible.
Répétons-le encore : le droit coutumier qui gère la succession dans le royaume de France est limpide. Il n’y a jamais de vacance du trône. Tout sédévacantisme politique est ainsi invalidé d’avance. La seule position qui pourrait être tenable ce serait sur l’ordre de succession, ou un doute sur un droit de succession, mais certainement pas sur le fait qu’il y ait un roi ou pas : les orléanistes eux-mêmes, pourtant incohérents et inconséquents, argumentent sur le traité d’Utrecht, mais n’ont jamais osé dire -car historiquement ils connaissent le sujet d’expérience – que le droit ancien n’existait pas ou n’était pas tel qu’il est.
Le seul problème c’est que le comte de Paris, même s’ils avaient raison, est très loin sur la liste des successibles.
Non, un sédévacantiste politique se trompe profondément. Et alors de deux choses l’une : soit il est de bonne volonté et il ne pourra rester longtemps sédévacantiste politique, soit cela cache quelque chose : le confort orgueilleux d’avoir raison contre tous, d’être seul ? La possibilité de faire du démocratisme révolutionnaire au nom du royalisme, puisqu’au fond on peut décider qui est le roi moyennant des constructions fumeuses théoriques comme aiment à le faire les révolutionnaires et les philosophes modernes ? Voire, pire, cela permet de cacher une ambition personnelle à devenir « roi », en fait un néo-Napoléon révolutionnaire et tyran au nom d’une cinquième dynastie ?
Le sédévacantisme est ainsi bien pire, quand on y réfléchit, que le sédévacantisme religieux.
Pour le Pape, à chaque succession, il y a une vacance du trône pontificale de facto. Et l’autorité en place ne cesse de poser des actes qui choque le sentiment catholique du fidèle, ce qui peut permettre de comprendre psychologiquement comment une âme faible, mais de bonne volonté, peut se laisser aller à la facilité, un peu comme notre providentialiste politique non sédévacantiste de façon positive.
Disons-le nous, nous ne sommes que de pauvres hommes, et notre fierté c’est de se soumettre ! Se soumettre à l’autorité des traditions, des lois fondamentales, des principes politiques et de notre Foi. Et cette soumission nous amène aux pieds de Louis XX, tout simplement !
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac