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Lettre d’un émigré – La mamelle de la Restauration : considérer l’essentiel comme essentiel et l’accessoire comme accessoire

L’erreur moderne par excellence se résume le plus souvent dans une vision mono-maniaque, uniforme et unidimensionnelle de la réalité. L’erreur moderne n’est en cela pas systématiquement fausse en soi, même si les médiocrités républicaines des derniers siècles, et encore plus aujourd’hui, ont passé le cap de la simple erreur pour s’enfoncer dans l’affirmation du faux comme vrai, du mal comme bien, et de l’injuste comme juste. Beaucoup d’erreurs pèchent en fait par une absence de distinction entre l’essentiel et l’accessoire, qui se mélangent, se brouillent dans la première phase subversive de la révolution, puis s’inverse jusqu’à l’extinction de l’essentiel en dernière instance. L’erreur peut vite se produire dans l’omission de la vérité en entier, dont une parcelle seule devient une erreur, et conduit au faux, même si elle n’est pas fausse en soi et prise dans la vérité entière.

Une autre façon de le dire en termes plus familiers consiste dans la perversion de la relation entre fins et moyens. L’invitation révolutionnaire, diabolique, cherche à rendre d’abord floue les fins éternelles, que l’on appelle Dieu en Occident, puis à réduire ces fins à des parcelles limitées, qui restent fins en soi mais perdent leur synthèse et ont donc tendance à tomber dans l’erreur, par omission, puis à effacer les fins et à transformer de simples moyens en fins – ce qui donnent les -ismes, comme le matérialisme et la « recherche du bonheur » purement matériel – dans l’effacement de toute spiritualité et la réduction de l’humain à la matière et à la logique, ou à la raison, qui n’est plus subsumé à la Foi, dont la fin est Dieu et la dirige ainsi en la canalisant, mais devient une fin en soi, dans une course effrénée et aveugle vers nulle part, dans un vide interstellaire humain qui refuse de voir le plein de Dieu qui l’entoure pourtant mais qu’il ne veut plus voir.

Distinguer l’essentiel et l’accessoire, là est la clef de l’esprit restaurateur par excellence, sans lequel la plupart des actions, pour ne pas dire toutes, sont vaines. Une fois l’essentiel, la source bien solidement respectée, une fois le tronc fermement amarré, il est possible de s’occuper de l’accessoire, des fleuves qui viennent de la source ou des branches qui font les fruits. L’image du tronc est parlante : notre temps est pris d’une démesure folle qui croit pouvoir faire pousser des fruits sur une branche arrachée de son tronc… Seuls le flétrissement et l’asséchement l’attendent pourtant, et un fleurissement dans les premiers temps n’est que l’action de la sève vitale encore présente dans la branche mais qui a tôt fait de mourir. Il est vain de vouloir s’atteler à faire pousser des fruits sur une branche morte. Notre mission de restaurateur est avant tout de rattacher la branche au tronc, et de prendre soin de ce tronc pour que ses racines plantent fort profondément, condition sine qua non pour œuvrer efficacement, utilement, et surtout avec sens, dans une action divinement humaine.

Prenons quelques exemples : la pseudo-charité des œuvres pastorales qui n’est plus adossée à l’esprit vivifiant des sacrements et de la sainte messe est vouée à l’échec au mieux, aggrave le mal au pire, les 40 dernières années de l’Eglise racontent cette histoire, et on pourrait s’amuser, cela n’est peut-être chose aisée et néanmoins certaine dans les faits, à montrer le rapport de causalité entre évaporation du tronc de la sacralité et affaiblissement et évanouissement de l’efficacité des œuvres, qui ont tendance à ne devenir que de la solidarité au mieux, du grand n’importe-quoi au pire, comme favoriser l’invasion de l’Europe sous couvert de charité sans même favoriser les chrétiens face aux autres « réfugiés » ou « migrants ».

Nous retrouvons le même phénomène absurde en économie par exemple, où la seule fin existentielle devient la sacro-sainte « croissance », sans que l’on sache pour quoi, en faisant d’ailleurs de l’économie l’objectif ultime alors qu’elle n’est que l’accessoire de la Politique, alors que l’économie devrait être dirigée par les principes supérieurs spirituels. On pourrait d’ailleurs dire que ce que le monde moderne appelle « économie » est bien loin de la « gestion de la maison » chez les grecs, ou, mieux, de la signification nipponne « gestion du pays pour le salut du peuple経国救民 », et se réduit en fin de compte à des techniques financières ou autres, coupées de toute préoccupation de la source. Des morts qui travaillent sur des morts, c’est morbide.

Ne parlons même pas de la pseudo-politique, comble du comble du n’importe quoi, où officiellement tout est inversé dans les principes, mais où la médiocrité du démocratisme n’aidant pas, on arrive dans un esclavagisme à et de l’opinion où tout se mêle dans la superficialité et le mensonge, la vanité et la pose, sans plus rien d’incarné, de vivant et de réel.

La restauration commence ainsi par le rétablissement à leur place de l’essentiel et de l’accessoire, du tronc et des branches, de l’amont et de l’aval. On a beau dire que l’eau monte, dans la réalité, et tant que nous vivons sur terre, l’eau descend, et ne pas reconnaitre ces vérités naturelles et fondamentales ne peut que faire entrer dans le mur, pour notre plus grand malheur – pas celui du mur, qui lui reste en place…

Notre source, Dieu. Nos racines, Dieu. L’essentiel, Dieu. Nos affluents, nos ancêtres et les ancêtres royaux, notre tronc, le Roi lieutenant de Dieu sur terre, l’essentiel, la royauté Jésus-Christ sur terre à travers son réalisateur le Roi, l’amont, l’Église. Nos branches, les œuvres et nous-mêmes, l’embouchure, le salut et la prospérité par les œuvres, l’aval, les œuvres pastorales, l’accessoire – important néanmoins une fois arrivé dans cet ordre – toutes nos œuvres avec les diverses techniques et sciences et toutes nos vies, dans l’accomplissement desquelles les principes divins et royaux s’incarnent et s’accomplissent.

En bref, selon la vision chrétienne, la paix reste l’essentiel, au sens du monde bien ordonné – et pas la paix comme absence de guerre, qui peut-être bien moins paisible qu’une importante guerre, comme le montre notre époque où la guerre revient aussi visiblement, là où elle semblait invisible pendant longtemps, mais bien réelle.

Tournons-nous donc vers le Roi.

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France,

Paul de Beaulias.

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