L’isoloir
Dans la pénombre de l’isoloir
Le pénitent confesse son pêché
Il veut le vivre le fameux « Grand Soir »
Pour lequel il a tant milité.
Derrière le rideau de l’isoloir
Dieu seul peut juger
De la désillusion ou de l’espoir
Par lequel son vote sera guidé.
Ne dirait-on pas un urinoir
Cette cabine d’un mètre carré,
D’où seuls les mollets se laissent à voir
Et les chevilles contempler ?
Tout comme les sanisettes des grands boulevards
Ruissellent des envies pressées,
Les urnes près de l’isoloir
Débordent des bulletins pliés.
Sur les réseaux sociaux l’orgueil ce soir
Se partage par centaine de milliers.
Le citoyen le fait savoir :
#hashtag « j’ai voté ».
A ceux qui le dimanche préfère boire
A la santé du roi que d’aller voter,
Et ainsi s’abstenir du religieux devoir,
Le citoyen de rétorquer :
« des gens sont morts c’est un devoir »,
Ou bien : « l’abstention est crime contre la liberté ».
Comment lui expliquer sans le décevoir
Que le vrai malheur c’est de l’écouter !
Il y a isoler dans isoloir,
« rendre comme une île » dit le Littré.
Voter, au fond, c’est croire
Qu’une bouteille à la mer va nous sauver.
Nicolas Schittulli