L’impertinence n’est pas morte
Avant toute chose je tiens à présenter mes condoléances à tous les proches des victimes de l’attentat de mercredi.
Je connaissais Charlie Hebdo comme tout le monde. Malgré la tristesse de ces événements, je ne me dédirai pas : je n’appréciais pas tout le temps les caricatures qu’ils faisaient ; je trouvais que cela manquait parfois de finesse. Notamment lorsque les chrétiens étaient la cible de leurs dessins.
Mais ce n’était qu’un avis de lecteur occasionnel et ce qu’ils faisaient permettait aussi de créer le débat là où certains le refusent. L’ironie est une pratique visant à tourner en dérision le réel pour le dénoncer. Dans une certaine mesure, je pense que la religion peut être l’objet de cette ironie ; d’autres ne le pensent visiblement pas.
C’était un combat intellectuel, non un combat armé. Et je pense qu’au fond le but recherché était de questionner par la dérision, mettre en perspective par la moquerie. En tant que chrétien, je combattais cette ironie par l’ironie ; j’acceptais ce combat intellectuel et tout en condamnant les excès, je ne prenais pas l’attaque pour un blasphème mais comme une invitation au débat des idées et je souriais toujours à l’impertinence des dessinateurs.
L’attentat contre Charlie Hebdo est une attaque à tout cela. En abattant les caricaturistes, ces hommes refusaient paradoxalement le seul combat qui vaille : celui des idées. Mais cet attentat n’a pas été qu’un acte contre la liberté d’expression, ce fut une attaque directe à notre légèreté. Ceux qui sont morts sont ceux qui aimaient tourner en ridicule le réel.
Or c’est, je pense, cette légèreté qui fait notre identité à nous Français. Cette capacité à vivre pleinement sa vie, accepter le tragique qui l’accompagne et donc pouvoir le tourner en dérision. Cette impertinence du cœur qui fait que l’on ne craint pas la mort ou les affres de la vie.
Cette impertinence est l’âme de la France. De tout temps et en tous lieux, des Françaises et des Français se sont levés grâce à cette impertinence.
C’est ainsi que la petite paysanne Jehanne, contre toute attente, alla au devant du Roi, ranima le courage des Français et bouta les Anglais hors du Royaume.
C’est ainsi que Cambronne, cerné de toute part à Waterloo, n’ayant de futur que la mort ou la capture, préféra charger face à l’ennemi avec le doux mot que l’on connaît.
Les Français sont impertinents et de cette légèreté nous en avons tiré un courage, une force. Ce panache blanc du « Bon roy Henri » est le nôtre et nous ne devons pas le laisser à nos ennemis. Ne laissons pas non plus la peur nous rendre fous et nous retourner contre les mauvaises personnes.
C’est ainsi que je peux dire : « Mordious ! Virez-moi tous ces jean-foutres du royaume ! »
Edgard Comte