France-Pacifique
Non, il ne s’agit pas ici de discuter des velléités belliqueuses de la France en Syrie… mais de décoder ce qui se trame depuis déjà quelques années en Polynésie et en Nouvelle Calédonie…
Qu’avez-vous entendu et retenu des médias sur la question ? Pourquoi nos lecteurs métropolitains devraient-ils s’y intéresser ? Quels sont les enjeux pour la France ? Avons-nous les moyens d’asseoir notre présence sur ces terres lointaines ? Autant de questions auxquelles nous allons essayer de répondre.
Les médias n’ont que très discrètement couvert l’embarrassante victoire de Gaston Flosse et de ces amis aux élections législatives de 2012 (remportant les trois circonscriptions polynésiennes) et territoriales de 2013. Le 5 mai dernier, au second tour, la liste Tahoera’a a obtenu 38 des 57 sièges à pourvoir ce qui a permis à ce « bon vieux Gaston » d’être (ré-)élu président de la Polynésie française, malgré toutes ses casseroles (marmites serait plus approprié !)… le jour même (le 17 mai) de l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU d’une résolution, proposée par Oscar Temaru, président sortant, plaçant la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser !!
Décodage : dès leur arrivée au pouvoir en 2007, les équipes de Nicolas Sarkozy, jeunes et brillants comme il se doit, prenant en charge les questions ultra-marines, se sont empressées de proclamer la fin de la Chiraquie et le bannissement de tous ses copains et coquins, au premier rang desquels se trouvait Gaston Flosse. Au point d’enclencher un dialogue avec l’indépendantiste Oscar Temaru, qui en vieux crabe des sables à jouer le jeu de l’apaisement tout en réussissant en sous-main à enclencher le processus onusien avec l’appui des petites nations…
Mais à vieux crabe, vieux crabe et demi : Gaston sait bien lui que les polynésiens sont par raison attachés à la république française (mais pour combien de temps ?). Il a appuyé sa stratégie de campagne sur le fait que Temaru ne cherchait que l’indépendance, faisant tourner le scrutin en un véritable referendum. Merci chers Polynésiens : la Polynésie fait encore bel et bien partie intégrante de la France.
Voilà donc François Hollande et sa clique devant un dilemme : Soutenir les indépendantistes (qui sont apparentés PS !) comme il l’a toujours fait, ou laisser le clan Flosse (le gendre est de plus en plus puissant) préserver ce territoire dans le giron de la république.
Vu de la métropole, tout cela parait bien exotique et au final n’intéresse pas grand monde. Non mais allo quoi ??!! On se réveille !!
La Polynésie française permet à la France d’être la deuxième puissance mondiale de par sa zone économique exclusive derrière les Etats-Unis :
Polynésie = superficie de l’Eurasie !!
Une équation qui permet de bien mesurer l’importance géostratégique de la Polynésie française…
Imaginez que l’on y trouve des gisements importants de matières premières (au hasard nodules sous-marins polymétalliques), propre à exciter la convoitise des grandes puissances (au hasard la Chine), pensez-vous que la France aura le courage et les moyens de faire valoir militairement ses droits comme le fit l’Angleterre (une monarchie) avec les (petites) iles Falkland ? Poser la question…
Autre cas brulant de la France pacifique, la Nouvelle Calédonie, qui ne recèle en son ventre rien moins que 20% des réserves mondiales de nickel… Rappelez-vous : Jean-Marie Tjibaou, la grotte d’Ouvéa, Michel Rocard et les accords de Matignon…
Là aussi, l’ONU s’en est mêlée : Le 2 décembre 1986, l’Assemblée générale des Nations unies a voté (à la majorité des 3/5e de ses membres) la résolution 41/41A affirmant « le droit inaliénable du peuple de la Nouvelle-Calédonie à l’autodétermination et à l’indépendance » et inscrivant l’archipel sur la Liste des territoires « non autonomes selon l’ONU ».
Aujourd’hui, le long processus vers la souveraineté calédonienne est enclenché, laissant la porte ouverte vers l’indépendance (mot systématiquement proscrit dans tous les accords écrits) par voie de referendum successifs (tous les vingt ans dans la limite de trois referendums tant que les indépendantistes n’ont pas obtenu satisfaction)[1]… auxquels seule une certaine catégorie de ressortissants a le droit de participer (typiquement, si vous partez vous installer à Nouméa, vous n’aurez le droit de participer qu’aux élections locales).
Et il n’y a pas que le pacifique !
Océan indien avec l’archipel des Comores, au destin historiquement lié à Madagascar : En 1974, la France organise un référendum d’autodétermination dans l’archipel.
Bien que les Comores, constitué de quatre iles, soit une entité ayant opté à la majorité l’indépendance, Mayotte est maintenue dans le giron de la France car s’étant prononcée contre[2]. Les trois autres îles (Grande Comore, Anjouan et Mohéli) formèrent la République des Comores (aujourd’hui, Union des Comores).
L’Assemblée générale des Nations unies a, dès l’indépendance autoproclamée des trois îles, pris position contre le maintien de la présence française à Mayotte. La France a usé pour la première fois du droit du veto dont elle dispose en tant que membre du Conseil de sécurité des Nations unies[3], de manière à ce qu’aucune résolution la condamnant ne puisse être prise à son encontre sur ce sujet.
Persistant et signant, pour renforcer la position de la France à Mayotte, un référendum local pour sa départementalisation a été organisé en mars 2009 et 95,2 % des votants se sont prononcés pour le changement de statut, faisant de Mayotte le 5e département d’outre-mer (DOM) et le 101e département français en 2011.
Aujourd’hui, en haut lieu, vous trouverez de plus en plus de hauts personnages disant, mais « en off », que Mayotte est une erreur historique :
Population totalement islamique, ne parlant pas français, lois françaises pas appliquées car pas applicables, territoire peu stratégique[4], climat tropical très dur, intérêt touristique discutable[5], flux d’immigrants incessants et ingérables en provenance des trois autres iles, infrastructures dignes des plus misérables pays africains… où par conséquent il est impossible, sauf mobilisation de moyens considérables, d’appliquer les normes obligatoires attachées à une « région ultrapériphérique de l’Union européenne »…
Le soleil ne se couche jamais sur le royaume de France… mais les rayons palissent peu à peu. A moins qu’un Roi…
Arnaud de Lamberticourt
[1] Jean-Marc Ayrault a confirmé la tenue du premier référendum d’ici 2019 lors de sa visite dans l’archipel en Juillet 2013 dernier
[2] Notons que la Polynésie a retenu la leçon : Les textes prévoient que si la majorité se prononce pour, l’indépendance, aucune partition de telle ou telle zone s’étant prononcé contre ne sera possible…
[3] Au fait : le conservera-t-on encore longtemps ?
[4] Le canal du Mozambique ne représentant aujourd’hui que peu d’intérêt
[5] Beaux spots de plongée, certes, mais plages loin d’égaler celles de l’ile Maurice ou des Seychelles…