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La Mission divine des parents à transmettre la vie

Avant de le publier dans Vexilla Galliae en ce jour de Noël, j’ai prononcé le texte de cette conférence au Japon, le dimanche 17 décembre dernier, journée par ailleurs consacrée à la prière pour la vie des enfants à naître. Je dédie donc ce texte aux enfants qui sont en danger d’être avortés, et vous appelle à prier pour eux, mais ce n’est pas tout à fait le sujet que je traiterai ici, bien que la question du jour soit fortement liée à celle des enfants à naître.

En effet, je vous rappellerai aujourd’hui l’origine et la nature du mariage et la mission divine que les époux reçoivent de transmettre la vie ; la vie naturelle d’abord, mais aussi la vie surnaturelle.

Le contrat de mariage

Dieu créa le premier homme directement : « Dieu forma l’homme de la poussière du sol, et il souffla dans ses narines un souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. » (Gen 2 ;7). Il créa aussi la première femme directement : « Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme, qui s’endormit, et il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. De la côte qu’il avait prise de l’homme, Dieu forma une femme et il l’amena à l’homme. » Mais pour la création des autres êtres humains, Dieu décida de S’associer les hommes. L’homme étant composé d’un corps et d’une âme, dans la formation d’un nouvel être humain, Dieu donna aux hommes le soin de préparer le corps de ce nouvel être, et Lui se réserva le soin de créer son âme. Cette participation des hommes à la création d’un nouvel être humain s’appelle la « procréation ».

Dieu a organisé l’œuvre de la procréation de telle sorte qu’elle se fasse par l’union d’un homme et d’une femme qui se donne l’un à l’autre par amour. Pourquoi faire ainsi ? Parce que Dieu est amour, Il donne gratuitement l’existence et la vie à toute sa création par bonté. Il veut donc que les hommes qui participent son œuvre créatrice le fasse aussi dans un acte d’amour, de don gratuit. Cet acte d’amour, c’est l’union conjugale, reflet de l’Amour divin.

« L’intime et éternelle fécondité qui est dans le sein de Dieu se reflète en quelque sorte active et bienfaisante, chez les fils des hommes élevés à la très haute dignité et au devoir de procréateurs. » (Jean XXIII, au Tribunal de la Rote, le 25 octobre 1960).

Dieu a décidé que cette union de l’homme et de la femme et l’œuvre procréatrice se feraient seulement selon certaines conditions. Ces conditions sont définies dans un contrat, qu’on appelle le contrat de mariage, institué par Dieu tout-de-suite après la création d’Ève. Selon les termes de ce contrat, un seul homme et une seule femme peuvent s’unir ; leur union dure jusqu’à la mort ; l’homme et la femme se promettent une assistance mutuelle dans la vie de tous les jours et dans l’éducation des enfants. Ainsi Notre-Seigneur Jésus Christ dit dans l’Évangile :

« N’avez-vous pas lu que Celui qui les créa, au commencement, les fit mâle et femelle, et qu’il dit : À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni! » (Matthieu XIX, 3-9)

Le mariage est une collaboration des époux à l’œuvre du Créateur. Voici ce que disait aux jeunes époux le Pape Pie XII :

« Vous vous êtes unis devant son autel non seulement pour vous alléger le poids de la vie, mais pour collaborer avec Dieu à la continuation de son œuvre créatrice, conservatrice et rédemptrice. En même temps qu’il recevait et bénissait vos promesses, Dieu vous a conféré une grâce spéciale pour vous rendre toujours plus facile l’accomplissement de vos devoirs nouveaux. » (Pie XII, Discours aux jeunes époux, 8 novembre 1939).

« L’éternel amour de Dieu a tiré du néant le monde et l’humanité ; l’amour de Jésus pour l’Église engendre les âmes à la vie surnaturelle ; l’amour de l’époux chrétien pour son épouse participe à ces divines effusions alors que, selon la volonté formelle du Créateur, l’homme et la femme préparent l’habitation d’une âme où le Saint-Esprit vivra avec sa grâce. Ainsi les époux, dans leur mission providentielle, sont les vrais collaborateurs de Dieu et de son Christ ; leurs œuvres elles-mêmes ont quelque chose de divin ; ils peuvent se dire, même ici « divinae consortes naturae » [« participants de la nature divine »] (Pie XII, Discours aux jeunes époux, 3 octobre 1940).

« Dieu a établi que coopèrent à la fin essentielle et primaire du lien conjugal, qui est la génération des enfants, le père et la mère, et cela par une collaboration librement consentie et voulue, en se soumettant à tout ce que pourra imposer de sacrifices un but si magnifique, pour lequel le Créateur fait pour ainsi dire participer les parents à la puissance suprême, dont il se servit pour former du limon de la terre le premier homme, tandis qu’il se réserve à lui-même d’infuser le spiraculum vitae, le souffle de la vie immortelle, se rendant ainsi dans l’œuvre du père et de la mère souverain collaborateur, de même qu’il est cause de toute activité et qu’il agit en tous ceux qui agissent. » (Pie XII, Discours aux jeunes époux, 18 mars 1942).

La Mission divine des époux de procréer

De tout ce qu’on a dit, il est clair que le but premier du mariage est la procréation des enfants. Le but second du mariage est l’assistance aimante et dévouée que les époux se donnent l’un à l’autre. L’acte conjugal a été établi par Dieu premièrement comme étant le moyen de la procréation, secondairement comme un moyen pour les époux de fortifier leur amour mutuel.

Mais il ne suffit pas de dire que le but premier du mariage est la procréation des enfants. Il y a plus. Dieu Lui-même en a fait une mission pour ceux qui se marient. Il dit à Adam et Ève : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre. » (Genèse I, 28). Par le contrat de mariage, les époux acquièrent le droit à l’acte conjugal parce qu’ils ont une mission à remplir : avoir des enfants afin qu’ils vivent éternellement au Ciel. C’est une mission divine, donnée directement par Dieu. Écoutons encore le Pape Pie XII :

« Mais la famille chrétienne a une mission presque divine celle de transmettre et d’allumer la vie, comme se propage le feu sacré en passant de l’un à l’autre dans les mèches des cierges qui se dressent sur l’autel. Époux, parents et enfants : mystère de l’amour terrestre. Eucharistie : mystère de l’amour divin, qui alimente et perfectionne la vie spirituelle, qui fait fleurir ce parterre choisi de la famille, haussant jusqu’à la cime la plus sublime, la fonction du ménage qui consiste à remplir la terre d’enfants de Dieu, dans le balbutiement desquels le Père Tout-puissant et Éternel devra reconnaitre la voix de son divin Fils ». (Pie XII, au Congrès Eucharistique de Bolivie, le 30 janvier 1949).

« La bénédiction qui descend de Dieu, est toute-puissante un seul mot de Dieu, et voilà que du néant sortent le ciel et la terre, des ténèbres le soleil, de la terre et des eaux la multitude des vivants. Alors, par l’opération divine, l’homme se lève de la poussière pour recevoir un esprit immortel, un souffle de la bouche du Créateur, et pour entendre avec sa compagne, sa semblable tirée de son flanc, ce commandement béni : “Croissez et multipliez-vous sur la terre”. Pour vous, jeunes époux, qui avez cru au nom du Christ, notre Sauveur et Rédempteur, vous avez été, au pied des autels, bénis en ce Nom, afin que par vous s’accroisse le peuple des enfants de Dieu et se complète le nombre des élus. C’est à ces hautes fins du mariage, institué par Dieu comme devoir de nature et élevé à la dignité surnaturelle d’un sacrement, que le Seigneur a daigné vous appeler par le lien indissoluble dont il a uni vos cœurs et vos vies ». (Pie XII, Discours aux jeunes époux, 20 août 1941).

« Et vous, à votre foyer domestique, vous servez Dieu par la propagation du genre humain et des enfants de Dieu, et cela jusqu’à l’héroïsme de la maternité. » (Pie XII, Discours aux jeunes époux, 22 juillet 1942).

« Le premier vagissement du petit au berceau ravit la mère, transporte le père, réjouit les parents et amis, et voilà qu’à cette aurore d’une première vie se manifeste pour la première fois l’autorité du père et après lui de la mère : ils ont conscience de leur obligation d’assurer le baptême de leur enfant, et ils s’empressent d’accomplir ce devoir, afin que ce sacrement fasse de lui un fils de Dieu, efface en lui le péché originel, lui communique la vie de la grâce, lui ouvre les portes du paradis, car le royaume des cieux est pour les petits ». (Pie XII, Discours aux jeunes époux, 24 septembre 1941).

« Les enfants que Dieu vous accordera n’ont pas de destinée différente de la vôtre. À leur naissance, l’eau du baptême les attend pour les rendre comme vous enfants de Dieu et un jour citoyens du ciel. Même si un nouveau-né venait à mourir aussitôt après sa naissance et son baptême, ne dites pas qu’elles sont vaines les espérances, les douleurs, les peines et les fatigues de la mère. » Et le Pape de continuer de façon émouvante : « O Mère, accablée de souffrance et tout affligée par la perte de ton enfant, ne pleure pas sur ce petit corps : tu pleures un ange du paradis qui te sourit du haut du Ciel et qui te sera éternellement reconnaissant de la vie bienheureuse dont il jouira devant la face de Dieu, auprès duquel il t’attend là-haut avec ses frères et avec sa famille. Ne sont-ce pas là les suprêmes consolations de la Foi ? » (Pie XII, Discours aux jeunes époux, 5 mai 1943).

Le nombre d’enfants dans une famille

Parce que les époux ont reçu la mission divine de collaborer avec Dieu dans la création de nouveaux êtres humains, et parce que Dieu dans sa bonté veut donner le bonheur éternel à un grand nombre d’humains, les époux sont moralement tenus d’avoir autant d’enfants que possible. Je ne parle pas de possibilité physique, comme d’avoir un enfant tous les ans. Je parle de possibilité morale : par exemple si Dieu donne aux époux la force physique, la force morale et les moyens matériels d’avoir 5 enfants, alors cela veut dire que la mission divine de ces époux est d’avoir 5 enfants.

C’est pourquoi des jeunes gens qui veulent se marier ne peuvent pas définir à l’avance le nombre d’enfants qu’ils auront. Cela dépendra des circonstances de leur vie. Ils doivent simplement avoir l’intention de donner la vie à autant d’enfants que le Bon Dieu voudra. Cette volonté de Dieu se manifeste à travers les circonstances de la vie, comme on a dit. Quant aux personnes mariées, la question d’avoir un nouvel enfant se repose continuellement jusqu’à ce que les circonstances de leur vie leur indiquent clairement qu’ils n’ont plus la capacité d’accueillir un nouvel enfant chez eux. Cela veut alors qu’ils ont rempli leur mission sur ce plan-là.

Malheureusement les époux qui se refusent à donner la vie à un nouvel enfant alors qu’ils en ont les moyens ne sont pas rares à notre époque. Il y a deux raisons pour cela qui sont souvent avancées.

  • La première, c’est la carrière professionnelle de l’épouse. Avoir des enfants signifie mettre fin à une carrière professionnelle, au moins dans une certaine mesure. Que faut-il dire à cela ? Que donner la vie à un enfant et en faire un enfant de Dieu est une œuvre bien plus glorieuse et de longue durée que faire de la politique, du business ou même marcher sur la lune… Abandonner une carrière professionnelle, c’est certainement un sacrifice, mais c’est un sacrifice qui paie et qui ne sera pas regretté pour l’éternité, bien au contraire.
  • La deuxième raison qui est invoquée pour n’avoir qu’un nombre limité d’enfants, ce sont les projets que les parents forment pour leurs enfants. Ils visent pour eux les plus grandes écoles, très coûteuses : et donc ils prévoient qu’ils ne pourront pas payer les études de plus d’un ou deux enfants. Que dire à cela ? Que c’est une vue bien mondaine de la vie et que c’est un raisonnement absurde. D’abord ce n’est pas de faire de grandes écoles qui mène à la vie éternelle. La Mission divine des parents, c’est de peupler le Ciel pour l’éternité, non pas de peupler les universités prestigieuses de Tokyo ou d’ailleurs pendant quelques années… Ensuite qui garantit aux parents que leur enfant sera capable de faire de telles études ? Que leur enfant voudra faire de telles études ? Que leur enfant ne mourra pas avant d’atteindre l’âge de faire ces études ?… Autrement dit, en se basant sur des suppositions qu’ils ne maîtrisent absolument pas, les époux refusent de donner la vie à des enfants… C’est absurde.

La mission des époux d’éduquer

La Mission divine que Dieu donne aux époux, ce n’est pas seulement de procréer. C’est aussi d’éduquer leurs enfants. Éduquer veut dire former les enfants à la connaissance de la Vérité et au bon usage de leur liberté. Autrement dit, éduquer, c’est apprendre aux enfants à choisir le bien, au prix-même de leur vie.

Sur ce sujet, je voudrais simplement attirer pour aujourd’hui votre attention sur un point particulier. Le devoir d’éducation appartient aux parents et à personne d’autre. L’État civil doit donner aux parents tous les moyens possibles de bien remplir leur devoir, mais certainement pas de prendre leur place. Pourtant c’est la tendance actuelle : l’État prend les enfants à leurs parents le plus tôt possible. C’est une agression très grave que les Papes ont clairement dénoncée, une agression contre laquelle vous les parents devez vous défendre autant que possible.

« Dans l’ordre naturel, Dieu communique immédiatement à la famille la fécondité, principe de vie, donc principe du droit de former à la vie, en même temps que l’autorité, principe d’ordre. Le Docteur angélique dit avec son habituelle clarté de pensée et sa précision de style : « Le père selon la chair participe d’une manière particulière à la notion de principe qui dans son universalité se trouve en Dieu… Le père est principe de Ia génération, de l’éducation et de l’instruction et de tout ce qui se rapporte au perfectionnement de Ia vie humaine » (IIa IIae Q.102, art.1).

La famille reçoit donc immédiatement du Créateur la mission et conséquemment le droit de donner l’Éducation à l’enfant, droit inaliénable parce qu’inséparablement uni au strict devoir corrélatif, droit antérieur à n’importe quel droit de Ia société civile et de l’État, donc inviolable par quelque puissance terrestre que ce soit.

De cette inviolabilité, le Docteur angélique donne la raison suivante :

« Le fils, en effet, est par nature quelque chose du père… ; il s’ensuit que, de droit naturel, le fils, avant l’usage de la raison est sous la garde de son père. Ce serait donc aller contre la justice naturelle si l’enfant, avant l’usage de la raison, était soustrait aux soins de ses parents ou si l’on disposait de lui en quelque façon contre leur volonté (IIa IIae Q.10, art.12). Et puisque les parents ont l’obligation de donner leurs soins à l’enfant jusqu’à ce que celui-ci soit en mesure de se suffire, il faut admettre qu’ils conservent aussi longtemps le même droit inviolable sur son éducation. La nature, en effet, poursuit le Docteur angélique, ne vise pas seulement à Ia génération de l’enfant, mais aussi à son développement et à son progrès pour l’amener à l’état parfait de l’homme en tant qu’homme, c’est-à-dire a l’état de vertu. » (IIIa Q.41, art.1).

Partant, la sagesse juridique de l’Église s’exprime ainsi sur ce sujet, avec précision, clarté et entière plénitude de sens, dans le Code du Droit canonique (CIC 1917, canon 1113) :

« Les parents ont la très grave obligation de veiller, selon tout leur pouvoir, à l’éducation tant religieuse et morale, que physique et civique de leurs enfants ; ils doivent aussi pourvoir à leur bien temporel ». (Pie XI, Divini illius Magistri, 1929).

« Pour le chrétien, il y a une règle qui lui permet de déterminer avec certitude la mesure des droits et des devoirs de la famille dans la communauté de l’État. Elle est ainsi conçue : la famille n’est pas pour la société ; c’est la société qui est pour la famille » (Pie XII, Discours aux pères de famille, 18 septembre 1951).

Ce disant, Pie XII ne faisait que reprendre l’enseignement constant de ses prédécesseurs : « La société domestique instituée immédiatement par Dieu pour sa fin propre a pour cette raison une priorité de nature, et par suite une priorité de droits, par rapport à la société civile », écrivait Pie XI. Et déjà Léon XIII prenait, contre le socialisme, la défense de la famille, « société très petite sans doute, mais réelle et antérieure à toute société civile, et à laquelle il faudra dès lors de toute nécessité attribuer certains droits et certains devoirs absolument indépendants de l’État » ; et il concluait que « c’est une erreur grave et funeste de vouloir que le pouvoir civil pénètre à sa guise jusque dans le sanctuaire de la famille ». (Lettre de la Secrétairerie d’État, 9 juillet 1957).

Conclusion

Je finirai en disant ouvertement les conclusions pratiques de ce qui a été dit :

  • Que les jeunes gens qui pensent à se marier comprennent bien qu’on ne se marie pas pour se faire plaisir, mais pour remplir une mission magnifique : participer à l’œuvre créatrice de Dieu en donnant la vie, et participer à l’œuvre rédemptrice de Jésus-Christ en faisant de ses enfants des Chrétiens.
  • Que les gens mariés se demandent devant Dieu si c’est sa volonté qu’ils aient un nouvel enfant ou pas.
  • Que les parents en général défendent leurs droits quant à l’éducation des enfants contre les invasions de l’État. Éduquez vos enfants à la maison aussi longtemps que possible.
  • Que tous les éducateurs se rappellent la grandeur de leur mission : former l’âme des enfants à l’amour de Dieu pour en faire des citoyens du Ciel.

Que la Sainte Famille vous guide dans ces missions. Passez un saint et joyeux Noël ! Amen.

Un prêtre missionnaire au Japon

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