Vivons avec bonheur et joie ce temps si merveilleux de la crèche
La crèche est là devant nous, vivante, magnifiquement installée, de telle façon que toute personne entrant dans notre demeure la voit, la salue et respectueusement se mette à genoux devant cet enfant Jésus qui vient pour sauver notre monde. Pouvons-nous déjà lui confier nos malheurs, nos problèmes de travail, de logement, nos inquiétudes pour l’avenir, surtout celui de nos enfants ? N’est-il pas trop petit, trop fragile, cet enfant-roi, pour savoir tout ce qui se passe sur cette terre où l’homme ne respecte rien de la vie, ni celle des hommes, ni celles des animaux, de la nature, des océans, en réalité de ce qui se voit et de ce qui ne se voit pas.
La naissance de Jésus a eu lieu dans une grotte aménagée en étable, comme il en existait beaucoup en Palestine à cette époque. Dès le IIIe siècle, les chrétiens vénèrent une crèche dans une grotte de Bethléem, supposée être le véritable lieu témoin de la Nativité. Au Moyen Age, les pièces de théâtres et les représentations scéniques étaient très appréciées en Europe. Les premières crèches, ressemblant à celles que nous connaissons, font leur apparition dans les églises au XVIe siècle. Conscient du pouvoir de ces compositions, les Jésuites réalisent des crèches d’église, notamment à Prague en 1562, qui figurent parmi les plus anciennes connues. Progressivement les crèches entrent dans les maisons. Elles sont d’abord constituées de petites figurines de verre filé de Nevers, de porcelaine, de cire, de mie de pain ou de bois sculpté.
Au XVIIe siècle, les crèches quittent les églises pour décorer les fastueuses demeures aristocratiques de style baroque. Dans ce domaine, les crèches produites à Naples restent un modèle du genre. Elles sont riches, élégantes et sont très demandées dans toute l’Europe au XVIIIe jusqu’au milieu du XIXe siècle. Le raffinement atteint son apogée avec les crèches napolitaines dans lesquels tous les personnages sont richement ornés.
En France, l’interdiction, faite pendant la Révolution de présenter en public des scènes religieuses, favorise le développement des crèches domestiques et le commerce des petits personnages parmi lesquels des bergères aux joues roses en costume du XVIIIe siècle. Ne sommes-nous revenus à cette diabolique époque ? Puis au fur et à mesure, les crèches s’inspirent de la vie locale. Dans un style naïf, les artisans évoquent des personnages typiques de la région ou du village ou des défunts de la famille. A partir du XIXe siècle, la crèche provençale devient la plus populaire. Elle finit par représenter tous les métiers de l’époque en costume local des années 1820 à 1850.Ces petits santons rappelle la simplicité originelle de la grotte de Bethléem. Le nom des santons vient du provençal “santoun” qui signifie “petit saint”.
L’enfant Jésus est là, devant nous, si beau, si proche encore du ciel dont il descend, portant dans son cœur la beauté et la pureté de ce monde que Dieu le Père avait créé si parfait. Il est veillé par sa mère Marie et son père Joseph qui ne peuvent imaginer quel destin sera celui de cet enfant appelé à changer le monde. Mais nous, nous savons qu’Il n’ignore rien des épreuves auxquelles il sera confronté et combien les dernières années de sa vie comporteront de souffrances. Son père céleste ne l’aurait pas envoyé sur terre sans lui avoir confié tous les secrets de cette humanité qui détruit tout au nom du dieu Profit, autrefois appelé le veau d’or.
Bien sûr, Jésus arrive cette année au moment où la Conférence des Parties (COP21), autrement qualifiée de sommet sur le climat, s’est achevée le samedi 12 décembre, sur le site du Bourget en banlieue parisienne, par l’adoption d’un document “Convention-cadre” sur les changements climatiques de 39 pages. Mais Jésus connaît le cœur des hommes et leur attachement au pouvoir de l’argent et si ce document traduit bien un nouveau rapport de force entre les états, les multinationales, et les ONG dans lequel interfère désormais les conséquences de plus en en plus évidentes du réchauffement climatique, il n’a pas beaucoup d’illusions sur l’application des nouvelles règles établies, sur un rééquilibrage entre les puissants et les pauvres.
Nous avons donc installé la crèche dans nos demeures le 1er dimanche de l’Avent, si ce n’est pour la Saint Nicolas ou pour le dernier dimanche avant Noël. Il n’existe pas (du moins à notre connaissance) de date officielle. Nous avons aménagé un décor pour valoriser la Sainte Famille. D’année en année, cette crèche s’est enrichie de personnages selon la volonté des uns et des autres. Cette crèche restera en place jusqu’au 2 février, date de la présentation de Jésus au Temple. Entre temps, les Rois mages arriveront le 6 janvier, jour de l’Épiphanie. La crèche symbolise quelque part le triomphe de l’affirmation de la naissance de Jésus tous les ans, nous permettant de rester dans l’espérance d’une vie meilleure. Et durant quelques jours, la beauté de notre crèche nous interpelle pour nous rappeler que Dieu nous a envoyé Son Fils et nous redonner espoir.
La période de Noël ne peut nous faire oublier qu’au lendemain des attentats du 13 novembre, le Gouvernement a décidé d’appliquer l’état d’urgence, qui a été prolongé par le Parlement jusqu’à la fin du mois de février 2016. Dictée par le souci légitime de protéger la population d’une menace bien réelle, l’application d’une telle mesure pendant plusieurs mois fait peser de graves menaces sur les libertés publiques. L’état d’urgence n’est pas sans conséquences puisqu’il permet par exemple aux préfets d’autoriser des perquisitions, de prononcer des assignations à résidence, sans intervention du juge, et d’interdire les manifestations sur la voie publique. Mais ne nous laissons pas emporter par la terrible réalité de ce temps et revenons vers l’histoire de la crèche. Et le symbolisme de la cheminée qui me tient beaucoup à cœur pour diverses raisons.
La cheminée est le symbole des mystérieux canaux de communication entre les Cieux et les êtres. C’est le canal utilisé à la fois par les sorcières lorsqu’elles se rendent aux Sabbats et par le père Noël pour déposer les présents. Son symbolisme est lié à celui de l’Axe du Monde le long duquel descendent les influences célestes et remontent les influences terrestres. Un axe de communication entre les mondes des feux céleste et terrestre. La cheminée est aussi symbole du lien social. C’est autour d’elle que se tiennent les veillées où s’évoquent les coutumes des anciens et les esprits des contes. N’avez-vous été frappés de ces étranges similitudes entre le Christ et le Père Noël : Le Père Noël est barbu. Il a un habit rouge. On ne sait pas à quelle heure il va venir. Il pénètre dans les maisons à la manière d’un voleur, dans la nuit. Il appelle les enfants vers lui. Le Christ a une barbe. Il est revêtu d’une Tunique rouge. L’heure de Sa venue reste un mystère. Il va venir comme un voleur dans la nuit. Il veut que les enfants aillent vers Lui. Le Père Noël passe par la cheminée, symbole de Lumière et d’accès au Monde Divin. Il est ventru et heureux comme une femme enceinte, il est vêtu de rouge et de blanc, mais ce n’est pas une femme, et il est vieux. L’Enfant qu’il porte est spirituel. Cet Enfant est le fruit de sa Sagesse et de son Amour.
Cet Enfant, c’est la Vérité. Le Père Noël est donc affublé de plusieurs attributs identitaires disparates qui le rendent universel : un initiateur aux mystères de la nature et du Nord. Son âge lui octroie une expérience inégalable capable de concurrencer celle de l’Eternel dont la barbe est peut-être un peu plus volumineuse et surtout plus longue! Un psychopompe capable de vampiriser les forces des ténèbres se substituant à la lumière de plus en plus faible avec des journées qui s’écourtent de jour en jour. Un Roi régnant sur une communauté d’êtres qui vivent la nuit et dans la nature. Ce sont les lutins, elfes, gnomes, fées… un juge car il connaît les actions des enfants. Un chasseur. Son vêtement, bordé d’hermine, et son attelage, est celui des chasseurs du Grand Nord. Un druide prêtre capable de vivre à cheval entre notre monde et l’au-delà. Quelles merveilleuses histoires que celle de la naissance de Jésus, qui vient sauver le monde et celle de l’apparition du Père Noel qui nous donne des cadeaux, de l’essentiel ou du superflu, pour nous signifier à nous adultes que nous sommes toujours des enfants qui attendons des autres quelques attentions (petites ou grandes selon les possibilités).
J’espère vous avoir apporté un éclairage habituel et différent de la crèche. Ce temps est celui de la réconciliation, de la miséricorde très particulièrement, de l’amour, de la joie, de l’émerveillement, de la beauté, et de l’espérance. Si seulement nous pouvions prolonger cet heureux temps : essayons en tous cas d’y parvenir, pourquoi pas ? Et à l’année prochaine, si Dieu veut…
Solange Strimon