Un signe du Ciel dans le ciel du Roussillon. Lettre aux membres et amis de la Confrérie Royale, par M. l’Abbé Christophe Lefebvre
Bien chers amis,
À quelques jours de la date anniversaire de la mort du roi Louis XVI, il m’incombe de vous adresser la lettre mensuelle de notre Confrérie. Prêtre à Perpignan et membre du Cercle légitimiste Hyacinthe-Rigaud, je ne résiste pas au désir de vous partager l’histoire d’un signe providentiel survenu le 21 janvier 1793 à quelques kilomètres de Perpignan dans le ciel du Roussillon.
Le Roussillon avait été annexé au royaume de France en 1659 par le traité des Pyrénées. Une minorité y était très favorable, la majorité de la population manifestant au contraire une grande défiance. L’adhésion très minoritaire se mua en une adhésion beaucoup plus consensuelle pendant tout le XVIIIe siècle. Les circonstances servirent l’apaisement et l’acceptation de la monarchie française, notamment après l’installation des Bourbons à Madrid. Les familles de la noblesse locale se rallièrent finalement de bon cœur. C’est un événement survenu dans une de ces familles dans la tourmente révolutionnaire que je viens ici vous compter.
Lorsque le régicide venait de se consommer à Paris et était ignoré de la province, une noble famille roussillonnaise demeurée fidèle à la monarchie et qui vivait anxieusement dans sa maison de campagne de Saint-Féliu-d’Amont fut avertie de la mort de Louis XVI par un singulier prodige. Plus tard, elle considéra celui-ci comme un signe donné en confirmation des paroles que l’abbé Edgeworth de Firmont avait prononcées au pied de l’échafaud : « Fils de saint Louis, montez au Ciel ! ».
Le père, Jean-Baptiste de Balanda, ancien viguier de Roussillon et Vallespir, s’était vu dans l’obligation de quitter Perpignan pour se soustraire aux tracasseries et aux persécutions auxquelles il était en butte. La prudence l’avait conduit à suivre cette recommandation de la Sainte Écriture : « Viens, mon peuple, entre dans tes chambres et ferme tes portes sur toi. Cache-toi pour un petit moment, jusqu’à ce que l’indignation soit passée » (Es. 26, 20). Royaliste sans ostentation comme la plupart de ses compatriotes, par-dessus tout profondément catholique, il avait accueilli avec déplaisir une révolution qui, non contente de le priver de sa charge, portait atteinte à sa conscience. Il avait compris que le soi-disant « esprit des Lumières », qui avait préparé la destruction de la France dans ses loges, prônait tant la haine des rois que celle de l’Église. Un Diderot n’avait-il pas déclaré : « Avec les derniers boyaux des prêtres, nous serrerons le cou du dernier des rois » ? Il s’était montré néanmoins très exact à payer les lourdes contributions qui pesaient sur les riches et, après avoir quitté la ville pour la campagne où il était plus en sûreté, il avait rempli non moins exactement ses devoirs de garde national à Saint-Féliu-d’Amont tout en se faisant suppléer à Perpignan pour le même office et en se tenant soigneusement à l’écart de la politique. En dépit de sa conduite irréprochable, il fut vite rangé parmi les suspects ; à diverses reprises la populace pilla ses biens et il ne fut pas plus tranquille à Saint-Féliu qu’à Perpignan.
L’histoire extraordinaire qui allait à tout jamais marquer sa famille nous est connue par la copie d’une lettre adressée sous la Restauration à Marie-Thérèse, duchesse d’Angoulême et fille de Louis XVI, par le fils de l’ancien Viguier, comme lui prénommé Jean-Baptiste, garde d’honneur du duc d’Angoulême pendant son séjour à Perpignan.
« Le 21 janvier 1793, expose Jean-Baptiste de Balanda, feu mon cher père, Jean-Baptiste de Balanda, viguier du Roussillon et Vallespir, vivait avec sa famille à sa campagne. (…) À cette époque, aussi triste que mémorable, j’étais un enfant et j’aurais pris peu de part à l’affliction générale sans l’événement extraordinaire qui me fit apercevoir de midi à une heure au firmament un petit nuage de la forme d’une tête dont les cheveux sont bouclés. La figure de cette tête était si distincte et si remarquable qu’elle frappa ma vue, à l’âge de 7 ans, pendant ma récréation aussi innocente que mon âge. L’empressement que je mis à appeler toute la famille fit que trois de mes sœurs accoururent sur une terrasse. Mon père et ma mère s’y rendirent par complaisance à ma sollicitation et tous admirèrent la tête dont mon esprit enfantin était étonné. »
La dame Arenys, tante du petit Jean-Baptiste, accourut elle aussi pour voir le petit nuage, « mais à peine l’a-t-elle aperçu qu’il lui prend des transports de désespoir et s’écrie par des sanglots : ‘‘Les scélérats ont consommé le crime : le Roi est mort !’’ ». Madame de Balanda, effrayée de ces propos et de ces clameurs, fit rentrer tout le monde dans la maison et imposa un rigoureux silence. M. de Balanda avait pris soin de noter le jour et l’heure du prodige. Le sinistre courrier qui, dans les jours suivants, couvrit la France d’effroi, confirma en effet la nouvelle.
Lorsque le pape Pie VII fit recueillir dans le greffe de la Congrégation de Miraculis les faits qui pourraient servir à la glorification du roi Louis XVI, Jean-Baptiste de Balanda fils décida d’établir la relation de cet événement que la famille avait honoré pendant 24 ans. Il ne restait alors avec lui que Marie de Guardia, sa mère âgée de 64 ans, trois de ses sœurs et deux vieux domestiques, pour attester qu’ils avaient tous aperçu le nuage « miraculeux » qui dessinait parfaitement la tête du roi martyr, ce même profil connu par les monnaies et les gravures et qui avait contribué à l’arrestation de Varennes.
Si l’on admet la bonne foi des témoins, on sera pourtant peut-être tenté d’attribuer l’apparition à une coïncidence ou une hallucination collective. Mais s’il y a coïncidence, il faut reconnaître qu’elle est aussi étonnante que le prodige contesté, les témoins étant à ce moment-là dans l’ignorance totale de la condamnation à mort et de l’exécution de Louis XVI. En outre, rappelons que « l’apparition » dura une bonne heure, chose invraisemblable pour un simple nuage.
Jean-Baptiste confiera que jamais l’image sainte ne s’est effacée de sa mémoire et que mille fois dans son enfance, on lui avait fait raconter cette précieuse anecdote. Marqué par cet évènement, il écrira même à la duchesse d’Angoulême : « J’ai été des premiers à mêler mes larmes innocentes aux larmes de douleur que Votre Altesse Royale a versées pour le meilleur des rois que la France retrouve heureusement dans son auguste fille. J’ai toujours répété la même chose et, je puis l’affirmer, pieuse Princesse, que depuis que l’âge a développé les sentiments de mon cœur, j’ai pris pour mon protecteur votre auguste père que j’ai invoqué dans l’adversité sous le nom de saint Louis le martyr ».
Le pape Pie VI ne dit pas autre chose dans l’éloge funèbre qu’il fit de Louis XVI :
« La religion devait compter cet infortuné monarque au nombre de ses martyrs. (…) Nous avons la confiance qu’il a heureusement échangé une couronne royale et des lys qui se seraient bientôt flétris contre cet autre diadème impérissable que les anges ont tissé de lys immortels ».
Ce même Pontife a fait en outre remarquer qu’on a confondu la mansuétude du roi avec de la faiblesse. Qu’importe finalement le jugement humain porté sur Louis XVI. Comme l’a dit l’abbé Beauvais dans son sermon du 21 janvier 2009 : « Mauvais ou grand roi, bonté ou faiblesse du roi ? Ce qui compte c’est l’âme de ce prince profondément désireux de donner le bonheur à son peuple, mais qui rougissait à l’idée d’avoir à le commander et plus encore à le rudoyer ». On peut légitimement espérer que Louis XVI partage déjà la gloire avec saint Louis, son aïeul.
Que du Ciel ils entendent nos présentes supplications ! En ces temps tragiques pour la France, il n’est quasiment plus aucun politique pour s’opposer à la destruction de la civilisation chrétienne, où la vie est désormais clairement menacée par la constitutionnalisation de l’avortement et l’inique et imminent projet de loi sur la fin de vie, Au nom d’une prétendue « éthique de responsabilité » due à leurs fonctions, nos politiques, même catholiques, n’hésitent pas à balayer les convictions personnelles dont ils se réclamaient. Telle une femme qui vient, pour devenir ministre, d’accepter le baiser du diable qu’elle dénonçait naguère chez ses compères, ou d’autres qui pour le même poste renient leur participation à la Manif pour tous… Comment faire confiance à des personnes qui ne respectent pas leurs propres convictions ? Nous pouvons être sûrs qu’ils ne défendront pas les nôtres.
Toutes les valeurs sont en train de s’inverser : le mal devient le bien et vice versa. Toutes les tentatives d’éradiquer soi-disant le mal ont abouti, en particulier au siècle dernier, aux idéologies les plus meurtrières. Ce qui nous revient aujourd’hui, ce n’est pas d’éradiquer le mal, c’est simplement déjà de le combattre et de promouvoir le bien : c’est ainsi qu’à notre humble place nous pouvons contribuer à la réconciliation du Ciel et de la Terre. Puisse le digne fils de saint Louis hâter le retour effectif de notre Roi au Royaume des Lys, et de la civilisation qui lui est consubstantielle.
Abbé Christophe Lefebvre
Premier vicaire de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Perpignan
Merci pour ce récit. Que Saint Louis le Martyr veille sur nous, ses enfants de France. Qu’il nous donne la force et garde notre pays de sombrer dans l’obscurité.