Chretienté/christianophobie

Silence, on tue à Kassab !

Il faut vraiment avoir l’ouïe fine pour entendre dans nos médias le terrible sort réservé à nos frères chrétiens en moyen orient et plus spécialement dans le cadre de la crise syrienne (qui ne fait plus depuis longtemps l’ouverture du 20 h télévisuel).

Dernière horreur en date, le drame qui s’est déroulé dans le village arménien[1] de Kassab tombé lors d’une attaque menée fin mars par les rebelles islamistes syriens.

Premier point important : Kassab est une localité adossée à la frontière turco-syrienne dans la province de Lattaquié (fief du régime du président Bachar al-Assad). Ce point de passage était l’un des deux derniers postes frontières officiels avec la Turquie encore aux mains de Damas.

Ainsi, 100 ans après, on assiste à un massacre de chrétiens dans ce qui est le seul village arménien de l’ancien Empire ottoman situé hors des frontières de la Turquie actuelle.

Comment ne pas imaginer dans ces conditions que l’enjeu dissimulé derrière cette bataille « officiellement » menée pour s’emparer d’un poste frontière, est tout autre ?

A l’évidence, les rebelles n’ont pas besoin de passer par ce poste frontière pour faire venir armes, munitions et drogues[2]. La prise du poste frontière n’est qu’un prétexte : nous sommes face à une stratégie d’épuration ethnique à l’égard de la population arménienne de Kassab…

Qui sont ces rebelles ? Des combattants islamistes, dirigés par le Front Al-Nosra (la branche d’Al-Qaïda en Syrie) tandis que le gros des troupes est composé de Turkmènes de la région.

D’où viennent-ils ? De Turquie… membre de l’OTAN, rappelons-le !

Les observateurs ont tous été surpris de la facilité avec laquelle ils se sont emparés du village et avancent l’hypothèse qu’ils ont bénéficié du soutien des autorités turques, ces dernières empêchant l’aviation syrienne d’épauler les combattants arméniens et l’armée régulière. Cité par l’AFP, Omar al-Jeblawi, un activiste anti-régime de la région, a déclaré que « le fait que la Turquie ait abattu un avion syrien prouve que, contrairement aux autres fois, les rebelles sont soutenus ».

Le gentil Erdogan a besoin de montrer à ses électeurs qu’il reste ferme sur le dossier syrien. Le problème est que ce sont à nouveau les Arméniens qui payent, rappelant une des pages les plus sombres de l’histoire de la Turquie.

Bien évidemment, les trois églises chrétiennes arméniennes de Kassab ont été profanées. Mais plus grave encore, les mêmes observateurs relataient, sans pour autant être repris par les médias, que 80 chrétiens qui n’avaient pas pu fuir à temps ont été massacrés, dont 13 décapités !

Ce n’est que le 31 mars que le ministère des Affaires étrangères s’est fendu d’un communiqué laconique sur la « situation à Kassab » : « Nous suivons avec inquiétude la situation à Kassab où de nombreux habitants ont été contraints à la fuite. Nous condamnons les bombardements menés par le régime et appelons au respect par toutes les parties du droit international humanitaire ».

Le « nombreux habitants »  est cocasse car c’est bel et bien toute la population qui a fui, à l’exception des 80 chrétiens massacrés et de quelques familles qui demeureraient otages des islamistes ! « contraints » ? Par qui ou pourquoi ? Mutisme du Quai d’Orsay…

Tentative d’analyse :

A l’heure actuelle, c’est un fait que l’Amérique et la France s’attachent à entretenir d’excellentes relations avec l’Arabie Saoudite et les autres pays du golfe.

Ces monarchies pratiquent un islam sunnite wahhabite et entendent mener au niveau du moyen orient (et aussi dans le monde ?) une politique offensive d’hégémonie religieuse et idéologique, dont le fondement est l’application stricte de la charia. Voilà qui ne présage rien de bon pour les autochtones chrétiens qui refuseraient de se convertir : les saints martyrs d’Otrante sont là pour nous le rappeler !

L’Arabie saoudite soutient objectivement les mouvements islamistes agissant sur le territoire de la Syrie. Rappelons que cette même Arabie Saoudite a soutenu financièrement les mouvements islamistes que nos soldats ont combattus au Mali.

Alors qu’est-ce qui pousse les occidentaux à les ménager à ce point, nous qui sommes pourtant soi-disant si attachés aux Droits de l’Homme ?

La réponse tient en 4 lettres : IRAN, soutenu officieusement par les Russes et la Chine, pratiquant l’islam chiite… et donc la nécessité impérieuse de préserver la navigabilité du détroit d’Ormuz et par là même la sécurité de nos approvisionnements en pétrole[3]

Face à ces considérations, la vie des chrétiens d’orient compte pour bien peu de chose !

Si donc le silence des autorités occidentales trouve une explication rationnelle et que la Syrie est bel et bien le terrain de jeu de l’affrontement de deux mondes (axe de l’OTAN d’un côté, Chine-Russie de l’autre), qui reste-t-il pour dénoncer ces atrocités ?

J’appelle de mes vœux que notre bien aimé Pape François adresse au monde un message fort et clair car par définition libre de toutes considérations « géo-stratégico-polico-économico-diplomatiques »…

Arnaud de Lamberticourt

[1]Le peuple arménien est le premier à avoir adopté la religion chrétienne comme religion nationale.

[2]Non, les jihadistes ne se nourrissent pas principalement de la lecture du Coran : les saisies effectuées en Syrie montrent qu’en réalité, ils se droguent au Captagon. L’armée arabe syrienne a saisi en deux jours une voiture pleine de comprimés de Captagon et un camion-citerne en contenant une tonne. Le Captagon (Fénétylline chlorhydrate) est une amphétamine qui suscite une certaine euphorie et insensibilise à la douleur. Mêlé à d’autres drogues, comme du haschich, il constitue la ration alimentaire de base des jihadistes. Les combattants ne ressentent plus ni leurs souffrances, ni celles qu’ils infligent aux autres…

[3]Si on regarde bien les cartes des gazoducs, ce qui se passe en Ukraine (et s’est passé en Géorgie) tient aussi de l’approvisionnement en énergies fossiles…

NB : A Homs en Syrie, le père jésuite néerlandais Frans Van der Lugt, qui refusait contre vents et marées de quitter le monastère de Homs, où il vivait depuis une cinquantaine d’années, a été enlevé, battu, puis abattu de deux balles dans la tête. En janvier, ce religieux de 72 ans avait lancé un dramatique appel pour que la communauté internationale vienne en aide à la ville d’Homs touchée par la famine.

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