Sermon sur l’Espérance et le titre marial de « Tour d’Ivoire »
Jeudi dernier, nous avons célébré la fête de l’Ascension de Notre Seigneur Jésus. Nous associons la vertu d’Espérance à l’Ascension. En effet l’Ascension de Jésus au Ciel est un gage de notre propre ascension au Ciel si nous observons son enseignement sur terre. D’autre part, pendant le mois de mai, nous prions chaque jour les litanies de la Sainte Vierge Marie. Aussi, en associant ces deux éléments, je voudrais parler aujourd’hui de la vertu d’Espérance et du titre de « Tour d’Ivoire » que nous donnons à la Sainte Vierge Marie.
La vertu d’Espérance
Par la Révélation, Dieu nous révèle qui Il est et Il nous invite à partager son bonheur. Mais comme il s’agit de réalités surnaturelles qui dépassent nos capacités naturelles de connaissance et donc qui ne nous sont pas évidentes ni par intuition ni par raisonnement, nous ne pouvons croire cette Révélation par nous-mêmes. Il est nécessaire que Dieu fortifie surnaturellement notre intelligence pour nous faire percevoir la vérité de la Révélation et y adhérer avec autant de force que si elle nous était naturellement évidente. Ce perfectionnement surnaturel de notre intelligence, c’est ce qu’on appelle la vertu surnaturelle de Foi. Elle nous est donnée avec la grâce sanctifiante, elle se fortifie avec le développement de la grâce sanctifiante dans notre âme.
Par la vertu surnaturelle de Foi, nous croyons donc en Dieu et son invitation à partager son bonheur éternel. Et cela suscite en nous un certain désir d’obtenir ce bonheur. Mais comment l’atteindre ? La vie de Dieu est radicalement différente et supérieure à la nôtre. Selon nos forces humaines, c’est impossible. Or quand nous voyons qu’une chose est impossible à réaliser, nous ne faisons rien parce que c’est inutile.
Prenons une comparaison : imaginons qu’on nous dise que des gens vivent sur une galaxie que nous ne pouvons atteindre. Cette information ne suscitera en nous aucune volonté de faire quoi que ce soit pour rencontrer ces gens, puisque nous ne pouvons les atteindre. De la même façon, la Révélation et la Foi nous font connaître Dieu et son invitation à la vie éternelle, mais comme il s’agit de réalités que nous ne pouvons atteindre par nos forces humaines, cette information par elle-même ne peut susciter en nous aucune volonté d’agir pour atteindre la vie éternelle.
C’est pourquoi, de même que Dieu fortifie surnaturellement notre intelligence pour nous rendre capable de croire fermement tout ce qu’Il nous révèle, de même Il fortifie surnaturellement notre volonté pour nous rendre capable d’agir pour atteindre la vie éternelle. Ce perfectionnement surnaturel de notre volonté, c’est ce qu’on appelle la vertu surnaturelle d’Espérance. Elle nous est donnée avec la grâce sanctifiante, elle se fortifie avec le développement de la grâce sanctifiante dans notre âme. Par la vertu d’Espérance, Dieu nous fait vouloir et prendre tous les moyens qu’Il a institué pour nous emmener au Ciel. Ces moyens sont la Foi en Jésus Christ, la prière, les Sacrements, l’obéissance aux Commandements de Dieu et de l’Église, la pratique des œuvres de charité.
Nous perdons la vertu d’Espérance quand volontairement nous cessons d’utiliser les moyens institués par Dieu pour nous mener au Ciel. Cela ou bien parce que nous ne croyons plus à l’efficacité de ces moyens, c’est alors le péché de désespoir. Par exemple, le traître Judas n’a pas cru à l’amour miséricordieux de Jésus. Ou bien parce que nous prétendons arriver à la vie éternelle indépendamment de ces moyens, c’est alors le péché de présomption. Par exemple, les Protestants prétendent aller au Ciel sans la Sainte Messe et le Sacrement de Pénitence.
Les symboles de la vertu d’Espérance
La vertu d’Espérance fortifie donc notre volonté pour nous faire agir en vue de la vie éternelle. Non seulement par elle, nous utilisons les moyens institués par Dieu pour notre salut éternel, mais aussi nous pouvons supporter patiemment toutes les épreuves de la vie, soutenir victorieusement tous les assauts de l’enfer, sans nous décourager, sans sombrer dans l’amertume et la tristesse. C’est pourquoi les symboles de la vertu d’Espérance sont l’ancre et la tour.
L’ancre est le symbole de la stabilité au milieu de l’agitation. Comme l’ancre fixe le bateau en un point et l’empêche d’être emporté par les flots, ainsi l’Espérance fixe notre volonté dans le désir du Ciel et nous permet de résister à toutes les pressions qui nous poussent loin de Jésus Christ. St Paul écrivit aux Hébreux que « L’Espérance [de la vie éternelle], nous la gardons comme l’ancre solide et ferme de notre âme » (Heb 6;19).
La tour est le symbole de la force défensive. Comme une tour permet aux soldats de se défendre contre les attaques de l’ennemi en se plaçant au-dessus d’eux, ainsi l’Espérance nous permet de résister aux attaques du démon, du monde et de la concupiscence en fixant notre volonté et nos désirs vers la vie éternelle.
Le titre de Tour d’Ivoire ou l’espérance de la Sainte Vierge Marie
Parlons maintenant de la Sainte Vierge. Dans les litanies de Lorette, nous donnons à Notre-Dame le titre de « Tour d’Ivoire ». A travers ce titre, nous célébrons l’Espérance héroïque de Marie pendant sa vie sur terre, et nous l’invoquons comme notre modèle d’Espérance.
La Sainte Vierge Marie a eu la vertu d’Espérance comme nous. Sa vertu d’Espérance s’est manifestée à travers ses paroles à l’Annonciation : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre sainte parole », et aux serviteurs de Cana : « Faites tout ce qu’Il vous dira ». En raison de son espérance, Notre-Dame a toujours voulu de toute la force de sa volonté tout ce que Dieu a voulu pour l’accomplissement de la Rédemption. Marie fut forte comme une tour élancée vers le ciel. Rien n’a pu l’ébranler. Ni la fuite en Égypte et l’exil dans ce pays païen, ni la pauvreté de sa vie à Nazareth, ni les persécutions contre son Fils Notre Seigneur Jésus, ni la Passion et la crucifixion de Jésus n’ont pu la faire seulement douter de la sagesse, de la puissance ou de la bonté de Dieu. Marie était debout au pied de la Croix. En raison de son Espérance, Notre-Dame avait la certitude de la victoire finale du Christ bien qu’Il semblât vaincu par ses ennemis ; la certitude que le pardon des péchés était obtenu par la Passion et le Sacrifice de la Croix ; la certitude qu’une gloire incommensurable était donnée à Dieu à travers l’œuvre de la Rédemption ; la certitude de son propre salut.
Maintenant demandons-nous pourquoi nous qualifions l’Espérance de Marie, symbolisée par la Tour, comme étant “d’ivoire” ? Pour qualifier les effets de l’Espérance en l’âme de Marie. L’ivoire est un matériau beau et précieux utilisé pour les beaux-arts : ainsi la vertu d’Espérance a rendu la Sainte Vierge belle en la tournant toute entière vers l’amour de Dieu, précieuse en lui faisant acquérir de nombreux mérites. L’ivoire est un matériau très dur : ainsi la vertu d’Espérance a rendu la Sainte Vierge forte au point de supporter sans défaillance toutes les souffrances de la corédemption. L’ivoire est un matériau incorruptible : ainsi la vertu d’Espérance a rendu Marie incorruptible en la conduisant vers la vie éternelle.
La victoire de Vienne
A travers le titre de « Tour d’ivoire », non seulement nous célébrons l’Espérance héroïque de Marie pendant sa vie sur terre, non seulement nous l’invoquons comme notre modèle d’Espérance, mais aussi nous proclamons qu’elle nous est un motif d’espérance. Toutes les victoires sont possible avec l’aide de la Sainte Vierge Marie. En illustration de cette vérité, je vous rappellerai simplement la bataille de Vienne en 1683.
Cette année-là, une puissante armée turque et musulmane envahit l’Europe pour détruire la chrétienté. Elle encercla la ville de Vienne, capitale de l’Autriche, et l’assiégea. Si cette ville était conquise, l’Europe entière était ouverte à l’armée musulmane. Alors, tous les chrétiens prièrent avec ferveur la Mère de Dieu de leur venir en aide et les protéger contre un tel danger. Le pape Innocent XI promit d’instituer une fête spéciale en l’honneur de la Sainte Vierge Marie si la victoire sur les Musulmans était accordée. Le pieux roi de Pologne, nommé Sobieski, réussit à mettre sur pied une armée pour affronter les Turcs. Mais son armée était bien moins puissante que la leur. Tout son espoir reposait donc sur la Sainte Vierge. Avant la bataille, Sobieski fit célébrer une messe, qu’il servit lui-même. Puis, la bataille s’engagea et ce fut une victoire totale pour l’armée chrétienne. L’armée turque fut taillée en pièces. Et le pape Innocent XI, fidèle à sa promesse, établit alors la fête du Saint Nom de Marie en commémoration de cette victoire miraculeuse.
Conclusion
Chers Fidèles, nous ne pouvons aller au Ciel par nos propres forces, mais par Jésus nous le pouvons. Notre-Seigneur veut simplement que nous lui donnions notre faible mais bonne volonté, et que nous lui demandions de nous fortifier par la vertu surnaturelle d’Espérance. Alors Il nous rendra forts, capables de vivre fidèlement en Catholiques, même dans la souffrance, et de résister aux ennemis de Dieu. Que la Sainte Vierge Marie, Tour d’Ivoire, soit notre modèle d’espérance ; qu’elle soit celle en qui nous mettions toute notre confiance car c’est par elle que Jésus nous sauve, c’est par elle qu’il vainc le démon et tous ses suppôts.
Un prêtre missionnaire