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Sermon sur les paroles « C’est dans la faiblesse que ma puissance se montre toute entière »

Introduction

St. Paul souffrait de quelque chose qui l’humiliait. On ne sait pas avec certitude de quoi il s’agissait. Les Pères de l’Église et les exégètes ont tour à tour pensé que St. Paul était victime d’une vexation diabolique sous forme de coups physiques, ou bien d’une maladie, ou bien de persécutions. Mais l’opinion la plus commune, c’est que par une permission de Dieu, le démon pouvait agir sur le corps ou l’imagination de St. Paul de telle sorte à exciter violemment en lui la concupiscence de la chair, afin de le faire tomber dans un péché mortel d’impureté. C’est très humiliant pour quelqu’un qui s’efforce de vivre saintement de subir de telles tentations. St. Paul demanda trois fois à Notre-Seigneur d’en être délivré. Et la réponse fut à chaque fois : « Non ». Notre-Seigneur ne refusait pas d’aider St. Paul à surmonter cette épreuve car Il lui donnait sa grâce, mais Il refusait de l’en délivrer. Et la raison qu’Il donna, c’est que sa Puissance à Lui Jésus se manifestait dans la faiblesse de Paul. St. Paul comprit tellement bien cette raison qu’il déclara dès lors se glorifier de sa faiblesse et misère « afin que la puissance du Christ habitât en lui. »

Pour nous la question est celle-ci : qu’est-ce que St Paul a donc compris pour changer si radicalement d’attitude, au point non seulement de ne plus demander à être délivré de sa misère, mais encore de s’en réjouir et s’en glorifier ?

1. Dieu est Amour miséricordieux

Dieu est Amour, nous dit St. Jean dans sa première épître (I Jn. 4;16). Aimer, c’est vouloir du bien à celui qu’on aime. Dire que Dieu est Amour, cela veut dire que Dieu par nature veut du bien aux autres, qu’Il est essentiellement bon. Cette réalité est manifestée clairement par l’œuvre de la création car Dieu n’avait aucun besoin ni des Anges ni des hommes pour être heureux. Cependant Il les a créés pour leur faire du bien, leur offrir la vie et le bonheur éternels. L’œuvre de la création manifeste également la puissance de l’amour de Dieu, puisqu’Il a tout créé à partir de rien.

Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus tout particulièrement, a eu le génie de mettre en lumière une précision sur ce qu’a dit St. Jean, à savoir que Dieu est Amour Miséricordieux. Dieu par nature veut faire du bien aux autres ; mais plus précisément, par nature Il veut faire du bien à ceux qui sont faibles, petits, dépendants, misérables, pécheurs. C’est sa tendance naturelle pour ainsi dire, de se pencher vers la faiblesse pour la secourir. Dieu trouve sa joie, sa gloire à élever ce qui est faible et petit et misérable car c’est là qu’Il peut déverser au maximum tous ses trésors de grâces. C’est logique : pour remplir un vase, il faut un vase vide ; pour que la puissance se manifeste, il faut un être faible à fortifier; pour que la grandeur se manifeste, il faut un être petit à glorifier ; pour que la miséricorde s’exerce, il faut un être dans la misère physique ou spirituelle à secourir. Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus résume les choses en disant: « Comprenez que plus on est faible, sans désirs ni vertus, plus on est propre aux opérations » de l’Amour Miséricordieux (Lettre 197).

Que Dieu est Amour Miséricordieux, cela se voit avec évidence : tout de suite après le péché originel, Dieu annonça qu’Il enverrait un Sauveur ; à travers les prophètes dans la Bible, Dieu répète des dizaines de fois qu’Il est miséricordieux ; pendant sa vie sur terre, Notre-Seigneur Jésus Christ, Dieu fait homme, a montré un amour particulier envers les miséreux, les petits et les pauvres : Il a guéri les malades, consolé les affligés, délivré les possédés, pardonné aux pécheurs, bénit les enfants.

Notre-Seigneur dit à St. Paul « c’est dans la faiblesse que ma puissance se montre tout entière ». Cette puissance « toute entière », c’est l’Amour miséricordieux. St. Thomas d’Aquin par exemple dit que « La toute-puissance de Dieu se montre surtout en pardonnant et en faisant miséricorde parce que cela montre que Dieu a le pouvoir suprême » (Ia Q.25 a.3 ad.3). L’Église dit la même chose au moment de l’Offertoire de la Messe. Quand le prêtre met la goutte d’eau dans le calice, il dit : « Dieu, qui avez admirablement fondé la dignité de la nature humaine et l’avez restaurée plus admirablement encore. » L’œuvre de la Rédemption qui est une œuvre de miséricorde, est une œuvre plus puissante que celle de la création.

2. Attitude conséquence à avoir : Se réjouir de sa misère

Quand Jésus dit à St. Paul : « c’est dans la faiblesse que ma puissance se montre tout entière », St. Paul comprend que Jésus parle de son amour miséricordieux. Et St. Paul en tire tout de suite la conclusion pratique, c’est-à-dire l’attitude prendre qui est de se glorifier de sa faiblesse. St. Paul comprend que le meilleur moyen d’attirer Dieu vers soi, c’est reconnaître sa faiblesse, de la mettre en avant devant Dieu et d’attendre en toute-confiance qu’Il nous secoure. Autrement dit de prendre la posture suppliante d’un petit enfant qui ne peut marcher et qui tend les bras vers sa maman. Comme son enfant fait ainsi, la maman ne peut pas y résister longtemps : elle le prend dans ses bras. C’est pareil avec le Bon Dieu. Bien des siècles après St. Paul, Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus se glorifiait de sa faiblesse en écrivant : « Oh que je suis heureuse de me voir imparfaite et d’avoir tant besoin de la miséricorde du Bon Dieu au moment de la mort ! »

Se glorifier de sa faiblesse, être heureux de son imperfection, cela ne veut pas dire se complaire dans le péché, dans les vices. Encore moins est-ce de commettre des péchés afin d’attirer sur soi l’Amour miséricordieux. Il est évident que Dieu ne se donne pas à qui le rejette, qu’Il ne pardonne pas à qui ne regrette pas ses péchés. Se glorifier de sa faiblesse, être heureux de son imperfection, cela veut dire ne compter en rien sur sa propre force, sur ses propres mérites, mais tout attendre de la miséricorde de Dieu.

C’est en soi très simple. Toute notre difficulté vient de notre orgueil : nous voulons être quelque chose par nous-mêmes. Dès que ça va bien, dès qu’on réussit une entreprise, dès que nous recevons des grâces particulières, nous tendons à nous croire forts. Même pour St. Paul : « de crainte que l’excellence de ces révélations ne vînt à m’enfler d’orgueil, il m’a été mis une écharde dans ma chair, un ange de Satan pour me souffleter ». Dieu permet nos souffrances, nos épreuves en tout genre, permet que nous retombions sans cesse dans des imperfections afin de nous aider à admettre sincèrement notre faiblesse, à nous tourner vers Lui avec confiance pour tout recevoir de Lui. Et c’est quand nous avons cette attitude que Lui, Amour Miséricordieux, se communique à nous pleinement et nous emmène dans les hauteurs de la sainteté. La Très Sainte Vierge en est le plus bel exemple.

Certains pourraient penser que se glorifier de sa faiblesse, être heureux de son imperfection, conduirait à un état d’esprit morbide, à la pusillanimité. Pas du tout, c’est tout le contraire. Quand nous nous glorifions de notre faiblesse, nous sommes alors bien tenus par Dieu, remplis de la force du Christ, et nous nous retrouvons dans la situation décrite par St. Paul : « d’être comme mourants, et voici que nous vivons ; comme châtiés, mais non mis à mort ; comme tristes, et pourtant toujours dans la joie ; comme pauvres, et pourtant enrichissant beaucoup d’autres ; comme n’ayant rien, et pourtant possédant tout. » (2 Cor 6;9-10). Voyez St. Paul qui est devenu l’Apôtre des Nations : relisez dans l’épître la liste impressionnante de tout ce qu’il a supporté : quelle force ! Voyez Ste. Thérèse qui est devenue la plus grande Sainte des temps modernes : lisez le récit de sa passion les derniers de sa vie : quelle force là aussi ! Le Père Eugène de l’Enfant-Jésus, Maître de la vie spirituelle, disait de Ste. Thérèse : « La grandeur de sa sainteté me donne le vertige… ». Et la Sainte Vierge Marie qui parle de sa « bassesse de servante », que dire de sa force au pied de la Croix ? Même le mot héroïque est encore trop faible.

Conclusion

Chers Fidèles, je reprends la question du début : qu’est-ce que St. Paul a compris pour changer si radicalement d’attitude, au point non seulement de ne plus demander à être délivré de sa misère, mais encore de s’en réjouir et s’en glorifier ? Il a compris que Dieu est Amour miséricordieux et que proclamer sa faiblesse était le meilleur moyen de s’attirer l’amour de Dieu. Imitons St. Paul Nous avons tous « une écharde dans la chair et un ange de Satan pour nous souffleter », c’est-à-dire nous avons tous des tentations propres, des souffrances et des épreuves personnelles, des faiblesses et des imperfections, des péchés dans lesquels nous retombons encore et encore malgré nos efforts. Eh bien, il ne faut pas décourager à cause de cela, mais il faut s’en servir. Il faut montrer notre faiblesse au Bon Dieu avec une confiance totale en son amour miséricordieux qui pardonne, qui purifie, qui sanctifie, qui relève.

Je conclue avec cette citation de St. Thérèse : « Qu’importe, mon Jésus, si je tombe à chaque instant, je vois par là ma faiblesse et c’est pour moi un grand gain. Vous voyez par là ce que je puis faire et maintenant vous serez plus tenté de me porter en vos bras… Si vous ne le faites pas, c’est que cela vous plaît de me voir par terre, alors je ne vais pas m’inquiéter, mais toujours je tendrai vers Vous des bras suppliants et pleins d’amour ! Je ne puis croire que Vous m’abandonniez. » (Lettre 89).

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