Sermon sur la vocation de célibataire
Il y a différents états de vie auxquels Dieu appelle les hommes. Dieu a établi le mariage pour la multiplication du genre humain. Il y a donc la vocation au mariage, c’est-à-dire que Dieu appelle des hommes et des femmes à cet état de vie. Dieu a établi le sacerdoce en Jésus-Christ pour communiquer ses grâces aux hommes. Il y a donc la vocation sacerdotale à laquelle Dieu appelle certains hommes. Dieu est notre Créateur et Il a droit à ce que les hommes soient entièrement à son service et à sa louange. Il y a donc la vocation religieuse, c’est-à-dire que Dieu appelle des hommes et des femmes à se consacrer entièrement à Lui par les trois vœux de pauvreté, chasteté et obéissance.
La dernière fois que je suis allé en France, une jeune femme m’a demandé s’il y a une vocation à être célibataire dans la vie ordinaire. Cette question est intéressante et a pris de l’importance à notre époque. Aujourd’hui je voudrais donc y répondre.
L’existence de la vocation de célibataire
Dieu nous a créé dans le but de nous faire partager sa vie éternelle et son bonheur infini. Puisque nous ne pouvons atteindre ce but par nos propres forces humaines, Dieu Lui-même établit un plan pour chacun de nous afin de nous y faire parvenir. Dieu conduit chacun de nous par une voie qui lui convient en propre, à l’amour parfait de Dieu, à l’amour de soi et du prochain en Dieu. Le plan de Dieu sur chacun de nous est un plan d’amour. Il est important de ne jamais oublier cette grande vérité, surtout dans les moments de souffrance. Dieu découvre à chacun sa voie vers la vie éternelle de différentes manières : par l’enseignement de l’Église, par des inspirations intérieures, à travers ce que nos supérieurs nous commandent, et le plus souvent par les circonstances de la vie.
Or certaines personnes ne se sentent appelées ni à fonder une famille, ni à devenir prêtre ou religieux. Il n’y a en ces personnes ni égoïsme ni peur des obligations du Mariage. D’autres ne trouvent pas à se marier malgré leur désir et restent célibataires, forcés par les circonstances. À travers les circonstances de leur vie, Dieu les place dans la voie du célibat car c’est dans cet état de vie qu’elles atteindront la sainteté. Voici ce que disait le pape Pie XII en 1945 : « La jeune chrétienne, qui malgré elle, reste sans se marier, mais qui croit fermement en la Providence de Dieu le Père […] renonce à avoir un compagnon fidèle dans la vie, à fonder une famille. Et, devant l’impossibilité du mariage, elle entrevoit sa vocation ; alors, le cœur brisé mais soumis, elle se consacre elle aussi entièrement aux multiples œuvres de bienfaisance. » (Message aux Femmes, 21 octobre 1945).
Il existe donc une vocation de célibat dans le monde, distinct de la vocation de célibat consacré dans la vie religieuse.
La vocation du célibat et la vocation de la maternité
Au sujet du célibat des femmes surtout, il y a une question qui se pose. Dieu a créé les femmes différentes des hommes en raison de la mission spécifique qu’Il leur donne, à savoir la maternité. La femme, physiquement, spirituellement, est faite pour la maternité. N’est-il donc pas contradictoire de parler de vocation de célibataire pour une femme ? Non, car il y a la maternité physique et la maternité spirituelle.
La maternité spirituelle consiste à donner ses soins aux âmes pour qu’elles deviennent enfants de Dieu, et grandissent en cet état. Chez une mère catholique fidèle à sa mission de mère de famille, la maternité physique et la maternité spirituelle sont unies. Non seulement elle donne à ses enfants la vie physique et subvient à leurs besoins physiques, mais aussi elle veille à faire d’eux des enfants de Dieu par le Baptême et une éducation catholique solide.
Cependant la maternité spirituelle n’est pas nécessairement associée à la maternité physique. Plus que cela, la maternité spirituelle s’élargit par le renoncement volontaire à la maternité physique quand Dieu le demande. Quand Dieu nous demande le renoncement à la fécondité physique, ce n’est pas pour nous condamner à la stérilité, mais
c’est pour nous associer davantage à sa fécondité spirituelle. Dieu est essentiellement fécond ; Il veut nous communiquer sa Vie Divine. La vie intime de Dieu en la Sainte Trinité est toute d’amour parfait d’amitié. Or l’amour d’amitié fait qu’on se donne aux autres pour leur faire du bien. Dieu est essentiellement fécond parce qu’Il est Charité. Quand donc nous nous unissons à Dieu par l’acceptation volontaire de sa volonté, nécessairement nous devenons participants à sa fécondité spirituelle. Un Père dominicain disait : « Accepter la volonté Divine est toujours la loi des grandes fécondités ». (Père Carré, o. p.)
Ce que je viens de dire s’applique aussi aux hommes et à la paternité spirituelle. La vocation de célibat dans le monde n’est donc pas contradictoire avec la vocation de maternité des femmes, ni avec la vocation de paternité des hommes.
Les buts de la vocation du célibat dans le monde
La question est maintenant celle-ci : quel est la raison d’être de la vocation du célibat dans le monde ? Saint Paul a répondu dans son épître aux Corinthiens : « Celui qui n’est pas marié a souci des choses du Seigneur, il cherche à plaire au Seigneur ; celui qui est marié a souci des choses du monde, il cherche à plaire à sa femme, et il est partagé. De même la femme, celle qui n’a pas de mari, et la vierge, ont souci des choses du Seigneur, afin d’être saintes de corps et d’esprit ; mais celle qui est mariée a souci des choses du monde, elle cherche à plaire à son mari. » (I Cor 7 ;32). La raison d’être du célibat est d’être davantage à Dieu. Autrement dit, le renoncement à la fécondité physique est un moyen établi par Dieu pour certaines personnes pour atteindre une perfection à laquelle Il les appelle.
Quand Dieu fait suivre la voie du célibat à quelqu’un, cela signifie qu’il appelle cette personne à une plus grande intimité avec Lui-même. Dieu se réserve la capacité d’amour de cette personne. C’est pourquoi cette personne doit donner à Dieu une place centrale dans sa vie. Le célibat sans Dieu est un non-sens ; il ne peut être vécu dans la rectitude et littéralement supporté qu’avec Lui. Sans Dieu, la solitude est un fardeau insupportable. Le célibataire qui ne donne pas à Dieu cette place centrale dans sa vie ne correspond pas au plan de Dieu sur lui, et il ne peut que sombrer dans le déséquilibre affectif. Un célibataire dans le monde n’est pas un religieux. Il ne lui est pas demandé de réciter le bréviaire et d’accomplir tous les exercices spirituels d’un religieux, mais « il faut que la prière, l’oraison, la méditation de l’Évangile, la réception des Sacrements soient considérées par lui comme les aliments mêmes de son activité, les garants de son équilibre. » (Père Carré, o. p.)
Quand Dieu fait suivre la voie du célibat à quelqu’un, cela signifie aussi qu’Il appelle cette personne à une fécondité spirituelle spéciale sur les autres. Comme je l’ai dit, Dieu est fécond. Plus on est uni à Lui, plus on participe à sa fécondité spirituelle. Le renoncement volontaire à une famille propre, accepté selon la volonté de Dieu, n’entraîne pas le repliement sur soi ou l’égoïsme. Au contraire, il permet au célibataire d’étendre son attention et sa charité à un nombre de gens plus grand que les membres de sa propre famille. Dans la vocation de célibataire, toutes les ressources d’une nature, d’un tempérament, d’une intelligence, d’une affectivité se trouvent convoquées pour la fécondité spirituelle. À un célibataire, Dieu demande de l’aimer dans les autres, avec un cœur humain qu’aucun autre amour ne vient partager. Et ainsi se réalise, non seulement pour les prêtres et les religieux, mais aussi pour les célibataires dans le monde, cette parole de Notre-Seigneur : « Quiconque aura quitté, à cause de mon nom, ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres, ou ses maisons, recevra le centuple, et héritera de la vie éternelle. » (Mt 19 ;29).
Conclusion
Chers Amis, être célibataire dans le monde ne signifie pas avoir raté sa vocation ou sa vie, contrairement à ce que certains pensent. La vocation de célibataire dans le monde existe selon le plan de Dieu. Le pape Pie XII n’hésite pas à dire que Dieu appelle davantage de personnes à cette vocation. En effet, de nos jours plus que jamais, l’Église a besoin de ces vocations de célibataires pour lutter contre la déchristianisation du monde et œuvrer au salut des âmes.
Un prêtre missionnaire
Illustration : Saint Faustin à cheval, par Moretto (Rotonda de Brescia, v. 1515). Saint Faustin, fêté le lendemain de la Saint-Valentin, est le saint patron des personnes célibataires malgré elles.