Saint Vincent de Paul, Apôtre de la charité : reviens vers nous !
En travaillant sur le sujet de ce jour, la fête de saint Vincent de Paul, nous n’imaginions pas nous retrouver dans une France dont la misère sociale retrouve les sommets du XVIIème siècle. 1,2 million d’enfants, soit un enfant sur dix, sont des enfants de familles pauvres : tel est le constat rappelé dans le rapport de la mission « Grande pauvreté et réussite scolaire » de Jean-Paul DELAHAYE, l’ancien directeur général de l’Enseignement scolaire, publié le 12 mai 2015.
La première partie du rapport décrit l’aggravation de la détresse sociale. La deuxième partie identifie quatre leviers pour faire réussir tous les élèves et combattre ainsi les inégalités au sein du système éducatif :
1) une concentration indispensable des efforts et des moyens pour mieux venir en aide aux enfants des familles pauvres, condition nécessaire pour une égalité des droits ;
2) une politique globale pour une école plus inclusive qui s’organise pour privilégier le « scolariser ensemble » au cours de la scolarité obligatoire et permettre à tous les élèves de réussir ;
3) une politique de formation et de gestion de ressources humaines pour réduire les inégalités ;
4) une alliance éducative entre l’école, les parents, les collectivités territoriales, les associations.
À propos de cet accablant rapport, avons-nous entendu la ministre de l’Éducation nationale déclencher une conférence de presse et proposer des actions pour remédier à cet état de fait insupportable ? Au fait, elle est où actuellement l’irresponsable et si dangereuse Mme Vallaud-Belkasem ? Évidemment, le sujet est peu porteur… sauf si on se donne les moyens de dénoncer, chiffres et exemples à l’appui, ce qui demande des compétences de la part des professionnels de la communication et suppose une générosité dont cette ministre ne semble pas disposer.
Il nous faut donc trouver un autre saint Vincent de Paul, une forte personnalité qui viendrait au secours de cette enfance maltraitée, abandonnée par l’État. La France, sixième puissance économique mondiale, ne voit donc pas les enfants qui ont faim, qui volent des goûters, du pain pour les jours sans école, qui arrivent sans chaussettes l’hiver, qui dorment dans des squats ou dans une chambre avec d’autres enfants. La principale d’un collège de Seine-Saint-Denis n’a pas manqué de souligner aux enquêteurs : «Nous constatons que de nombreux enfants n’ont aucune hygiène de vie: pas de petit déjeuner, peu de sommeil (10% arrivent en retard le matin), un manque d’hygiène corporelle, aucune activité physique (plus d’un quart de nos élèves sont en surcharge pondérale)».
Ô saint Vincent de Paul, redescends s’il te plait sur Terre, reviens à notre secours, trouve-nous une personne capable de mener tes actions ! Saint Vincent de Paul est assurément l’une des saintes figures emblématiques du XVIIème siècle. Sa vie est toute donnée au service de la charité et du salut des âmes des pauvres. Et son œuvre ne cesse de s’étendre aujourd’hui encore car la pauvreté n’a pas dit son dernier mot.
Saint Vincent de Paul est né dans une famille de paysans des Landes un 24 avril 1581 dans le village de Pouy, près de Dax. Après le collège de Dax, Vincent est orienté vers la prêtrise. A quinze ans, il part pour Toulouse étudier la théologie. Il est ordonné prêtre à dix-neuf ans. Il n’imagine pas encore ce que sera sa vie. Il arrive à Paris en 1608 et devient ami avec le secrétaire de l’ancienne reine, Marguerite de Valois. Nommé aumônier, chargé de distribuer ses libéralités, c’est au cours d’une visite auprès des pauvres malades de l’hôpital de la Charité qu’il découvre la pauvreté extrême. Vers 1610, il rencontre Pierre de Bérulle qui fondera, l’année suivante, la congrégation de l’Oratoire de France. Vincent le prend comme conseiller spirituel. Il se familiarise avec le mouvement de spiritualité, appelé plus tard l’École française de Spiritualité, qui marque si profondément la France religieuse du XVIIème siècle. Il y rencontre François de Sales. Il connaît bien des doutes quant à sa foi.
Son destin bascule quand il partage la vie et les exercices de l’Oratoire. Pierre de Bérulle le dirige vers une cure de campagne proche de Paris, à Clichy. Le jeune prêtre cherche à rendre la foi à ses six cents paroissiens ruraux. Le destin continue à le faire avancer là où il doit se rendre. Bérulle lui procure la charge de précepteur chez Philippe-Emmanuel de Gondi, Général des galères, l’une des plus riches familles de France. Outre ses obligations dans la famille, Vincent se met à évangéliser.
1617 est l’année décisive. Un jour de janvier, alors que Vincent accompagne madame de Gondi au château de Folleville, en Picardie, arrive la nouvelle qu’un paysan moribond désire le voir. Vincent lui fait faire une confession générale qui libère cet homme des fautes les plus graves de sa vie qu’il n’avait jamais avouées. Pour Vincent, c’est une révélation : il découvre la misère spirituelle des gens de la campagne qui représentent l’immense majorité de la population. Madame de Gondi constate et s’interroge : “Que d’âmes se perdent ! Quel remède à cela ?”. À Folleville, près d’Amiens, Vincent prêche sur la confession générale et y invite les fidèles. L’affluence est telle qu’il faut appeler d’autres prêtres à la rescousse.
Outre la misère spirituelle, c’est également celle du corps que Vincent découvre, tout comme le peu d’organisation des secours. Pour affronter la situation, il crée la première Confrérie de la Charité, avec des dames de diverses conditions sociales. De retour chez les Gondi, il va désormais s’adonner entièrement aux missions populaires. Son projet de service corporel et spirituel des “pauvres gens des champs” va donner un véritable sens à sa vie.
En 1619, Monsieur Vincent est chargé de l’aumônerie générale des galères. En 1625, grâce à la fortune des Gondi, il crée une société de prêtres missionnairesdont il sera le supérieur. Le but est simple : “Suivre le Christ, évangélisateur des pauvres”. La Congrégation de la Mission sera approuvée par l’archevêque de Paris en 1626 et par Rome en 1633. Comme ils sont installés depuis 1632 dans l’ancienne léproserie de Saint-Lazare, on appellera ces premiers missionnaires les lazaristes.
En juillet 1628, la préoccupation de l’évêque de Beauvais face à l’ignorance des prêtres le pousse à inviter Monsieur Vincent à réfléchir au meilleur moyen de régénérer le clergé de France. Il inaugure des retraites d’ordinands pour préparer les futurs prêtres à recevoir les ordres. En 1633, il met sur pied les Conférences des mardis, destinées aux prêtres souhaitant “s’entretenir des vertus et des fonctions de leur état”. ” En 1641, Monsieur Vincent ouvre un grand séminaire à Annecy. Avec lui, Louise de Marillac regroupe des jeunes filles simples en novembre 1633 ; ce seront les Filles de la Charité (appelées aussi sœurs de Saint-Vincent-de-Paul). Dès 1639, il recueille les enfants trouvés, crée un foyer pour les mendiants et un autre pour les vieillards. Il se lance dans des fondations en Irlande et en Pologne. Les terres non chrétiennes l’attirent : l’Afrique du Nord, puis Madagascar. La reine Anne d’Autriche l’appelle au Conseil de Conscience qui nomme évêques et abbés.
L’œuvre de Vincent de Paul s’est construite naturellement. Il a cherché à répondre aux besoins de son temps : les pauvres et le clergé. Il meurt, à 79 ans, le 27 septembre 1660. “Il a presque changé le visage de l’Église !”, résume Henri de Maupas du Tour dans son oraison funèbre. Vincent est béatifié, puis canonisé par le pape Benoît XIII en 1737 et déclaré patron des instituts de charité. Les prêtres de la Congrégation de la Mission et les Filles de la Charité travaillent aujourd’hui sur tous les continents. Partout des bénévoles réunis en confréries de la Charité, comme les Équipes Saint-Vincent, la Société de Saint-Vincent-de-Paul, fondée par Frédéric Ozanam, et bien d’autres, se mettent au service des plus pauvres pour évangéliser en paroles et en actes.
Qui sait si un jour prochain, nous ne retrouverons pas un futur Saint Vincent de Paul : tout est possible à Dieu. Excellente semaine à toutes et à tous, sans chaleur extrême, et que le présent et l’avenir vous paraissent doux et sucrés… !
Solange Strimon