Petit historique à propos des reliques chrétiennes (2/2)
Commençons par une définition. Qu’entendre par le mot reliques, du latin reliquiae : restes ? Tout simplement ce qui reste d’une personne honorée comme un saint (éléments corporels, objets lui ayant appartenu.) Ce culte de respect et non d’adoration (réservée à Dieu seul) s’adresse aux saints. Il remonte aux martyrs des premiers siècles. Les fidèles venaient prier et écouter la messe sur leurs tombeaux.
Les chrétiens ne sont pourtant pas les seuls à respecter les reliques. Celles-ci existent dans le monde entier et concernent les personnages les plus emblématiques, les plus caractéristiques, les plus connus, admirés, aimés, respectés. Les fidèles aiment vénérer les reliques ! Encore faut-il s’assurer de leur authenticité en agissant avec la prudence pastorale requise dans ce genre de situation. Il faut aussi empêcher la division excessive des reliques, qui ne respecte pas la dignité du corps humain. Les normes liturgiques prévoient que les reliques doivent être “assez grandes pour qu’on puisse comprendre qu’elles sont les restes de corps humains”.
Les différents actes de la dévotion populaire envers les reliques des Saints doivent être accomplis avec une grande dignité, et dans un climat de foi authentique. Il faut éviter dans tous les cas d’exposer des reliques sur la table de l’autel, car celle-ci est réservée au Corps et au Sang du roi des martyrs. Il convient de respecter le sens religieux du peuple chrétien qui de tout temps a entouré la vie sacramentelle de l’Église par de telles formes de piété légitimes. Et si certains ont souhaité – comme Luther – s’éloigner de toute représentation, leur position n’empêchera personne d’accourir en masse pour vénérer les reliques, bien au contraire. A Rome où nous étions récemment, les deux nouveaux saints saint Jean XXIII et saint Jean-Paul II – et leurs reliques – ont déjà attiré la foule. Et qui sait si de nouveaux miracles ne vont pas intervenir ! Qui osera dire que le culte des morts n’a pas été un des critères décisifs d’hominisation ? Et qui veut prendre le risque de ne rien obtenir ?
Au Moyen-âge, les reliques font l’objet de tant de convoitises qu’il devient difficile de savoir lesquelles sont vraies, lesquelles sont fausses (cf le roman d’Ellis Peters « Trafic de reliques », née le 28 septembre 1913 dans le comté de Shropshire, en Angleterre et célèbre pour ses romans policiers historiques médiévaux mettant en scène le sympathique frère Cadfael) . Aux XV° et XVI° siècles, s’est imposée « la grande époque des saints » et avec elle le culte grandissant des reliques. Les auteurs célèbres ne manquent pas !
Les grandes invasions barbares favorisèrent la dispersion des reliques, chacun ayant à cœur d’emporter dans sa fuite les restes vénérables des saints fondateurs pour les soustraire à la profanation. La fin des croisades se solda par une véritable rafle de reliques. Tout ce qui était rapporté de Terre Sainte était considéré comme un trésor inestimable. Les guerres de religion amenèrent le pillage et la dispersion d’innombrables reliques. La Révolution française amena son lot de fureur destructrice et de profanation. Par la même occasion, elle fit aussi de nouveaux martyrs et donc autant de nouvelles reliques potentielles !
Les œuvres d’art permettent aussi de situer certaines histoires dans leur contexte. Le tableau montrant sainte Praxède et sainte Pudentienne allant au péril de leur vie récupérer pieusement quelques débris de leurs frères dévorés par les fauves, qu’on avait affamés avant de les lâcher dans l’arène et ailleurs, ne manque pas d’intérêt ! Ce culte de récupération était tellement insupportable aux païens qu’ils s’acharnaient sur les corps des martyrs pour être sûrs qu’il n’en restât rien. Les chrétiens pouvaient se contenter de peu pourvu qu’il appartînt à leurs martyrs. Un débris d’ongle pouvait suffire. Il faut aussi s’imaginer la scène de violence, de souffrances inouïes infligées aux persécutés pour comprendre combien il était important de pouvoir tenir dans ses mains quelque chose de ce futur saint pour obtenir plus tard leur intercession. La coutume très ancienne de célébrer l’eucharistie sur le tombeau des martyrs se prolonge en quelque sorte aujourd’hui avec les autels consacrés qui contiennent, enchâssées dans la pierre, des reliques de saints.
Où trouver les saints et leurs reliques ? Tout semble bon pour s’adresser aux saints dans différents lieux, comme les petites chapelles, les niches aux carrefours des chemins, les sources, les pierres, les croix, les bois sacrés, etc. Les saints les plus réputés sont les saints guérisseurs (st Fiacre, st Sébastien…). Ils reçoivent une attention très particulière de la part des fidèles comme des neuvaines, des cierges, et des exvotos en remerciement lorsqu’une grâce est intervenue. Dans les campagnes, les nouveau-nés reçoivent le prénom du saint qui règne sur la localité. Dans le Velay (43), les registres d’état civil, du XVII° siècle au XIX° siècle, permettent de recouper le prénom de Régis en l’honneur de saint Jean-François Régis, apôtre missionnaire du Velay et du Vivarais.
Le Concile Vatican II rappelle que “selon la Tradition, les saints sont l’objet d’un culte dans l’Église, et l’on y vénère leurs reliques authentiques et leurs images”. L’expression “reliques des Saints” indique surtout les corps – ou des éléments significatifs de ces corps – de tous ceux qui, par la sainteté héroïque de leur vie, se révélèrent sur cette terre des membres éminents du Corps mystique du Christ et des temples vivants de l’Esprit Saint (cf. 1 Co 3, 16; 6, 19; 2 Co 6, 16). De plus, les objets qui ont appartenu aux Saints sont aussi considérés comme des reliques : il s’agit des objets personnels, des vêtements, des lettres, et des objets qui ont été mis en contact avec leurs corps ou leurs tombeaux (huiles, morceaux d’étoffe (brandea)), et aussi des objets qui ont touché les images vénérées du Saint.
Le Missel Romain rénové recommande de “garder l’usage de déposer sous l’autel à consacrer des reliques de saints, même non martyrs”. Cette place des reliques, par rapport à l’autel, indique donc que le sacrifice des membres de l’Église a pour origine et prend tout son sens, à partir de l’unique sacrifice de la Tête de cette même Église. De plus, les reliques expriment symboliquement la communion de toute l’Église à l’unique sacrifice du Christ, et donc la mission qui est confiée à cette Église de témoigner, même au prix du sang, de sa fidélité à son Époux et Seigneur.
Toute l’antiquité témoigne des signes que Dieu accorde en présence des saintes reliques. Les récits de miracles foisonnent. La Bible, une source indiscutable raconte quels prodiges s’opérèrent avec le manteau d’Elie (2 Rois 2,14) ou encore avec le cadavre d’Élisée (2 Rois 13,21). Saint Thomas d’Aquin (†1274) écrira : « Celui qui est affectionné pour quelqu’un vénère aussi les choses que cette personne a laissées d’elle-même après sa mort ».Cela part du bon sens le plus élémentaire. Aussi comprend-on plus facilement combien nous avons besoin de vénérer le corps d’un saint, membre de Jésus- Christ, le temple et l’instrument de l’Esprit-Saint, promis à la résurrection.
Nous lisons dans les actes du Martyre de saint Polycarpe (†156) la déclaration suivante : « Le centurion fit brûler le corps de Polycarpe. Ainsi nous ensuite, ramassant les ossements plus précieux que les gemmes de grand prix et plus épurés que l’or, nous les avons déposés en un lieu convenable.»
Saint Jean Damascène (†749) prend appui sur Dieu qui fait jaillir l’eau d’un rocher au désert, et pourrait donc tout aussi simplement faire jaillir un torrent de grâces du corps des saints.
Saint Jérôme (†420) explique que nous honorons les reliques des martyrs afin d’adorer Celui pour lequel ils ont accepté de devenir martyrs. Tous les Pères de l’Église appuient de leur autorité et éclairent de leur science un culte si estimable. Saint Augustin (†430) encourage la vénération du corps des fidèles « qui ont servi d’instrument et d’organe au Saint-Esprit pour toutes sortes de bonnes œuvres ». Saint Thomas d’Aquin affirme que l’histoire de l’Église prouve que Dieu accomplit des miracles en présence des reliques des saints. Enfin, à propos de la vénération des saintes images, le concile de Nicée II (787) trancha la question en écartant toute accusation d’idolâtrie car « l’honneur rendu à l’image s’en va au modèle original et celui qui vénère l’image vénère en elle la personne de celui qu’elle représente ».
Pour en terminer avec les reliques, les croisades, Louis IX, devenu « saint Louis de France », par deux homélies prononcées à Orvieto les 4 et 11 août 1297, donnant à la monarchie capétienne un maximum de prestige, il nous faut bien admettre que nous dépendons avec bonheur de ces reliques, porteuses de miracle et d’espérance.
Aujourd’hui, si saint Louis reste présent dans nos cœurs, il nous appartient, à nous royalistes et sympathisants, de veiller à entretenir sa mémoire et de profiter de cet anniversaire de 800 ans pour que son nom illumine le présent et le futur. Saint Louis est le saint patron des coiffeurs, des passementiers, du diocèse aux armées françaises, de celuis de Versailles mais aussi de la France et des “tertiaires franciscains”. Saint Louis, nous te remercions de veiller sur la France. Excellente semaine à toutes et à tous…
Solange Strimon
NB : nous vous informons que la prochaine chronique dominicale de Solange Strimon sera consacrée au sujet suivant : « Les hauts lieux de pèlerinage »