Les 800 ans de Saint-Louis : ne rien oublier
Penser à Saint-Louis, c’est continuer à l’imaginer 800 ans plus tôt rendant la justice sous un chêne à Vincennes. Cette première belle image est à nuancer. Contrairement aux idées reçues, il ne rendait pas lui-même la justice, mais il donnait cette mission à un membre de son entourage, habilité à le faire, judicieusement choisi et assis à ses côtés. Par contre, les souverains européens n’hésitaient pas à en faire l’arbitre de leurs différents, donnant à Louis IX, dit Saint-Louis, une grande marque d’estime.
Le chêne, considéré comme le roi de la forêt, est bien l’arbre des rois et des guerriers, occupant une place d’honneur dans l’imaginaire européen aux côtés de l’aigle, de l’ours et de la hache. Il symbolise sagesse, force, éternité, solidité, puissance, longévité, hauteur tant au sens spirituel qu’au sens matériel. Alors oui, Saint-Louis mérite bien de figurer sous cet arbre.
Avant de poursuivre, précisons que le futur Saint-Louis, cinquième enfant du prince Louis (futur Louis VIII) et de Blanche de Castille, est né le 25 avril 1214 au château de Poissy. Il est considéré à juste titre comme l’une des personnalités les plus attachantes du Moyen-âge. L’histoire nous présente ce roi comme étant très beau, de grande taille, dépassant ses chevaliers d’une tête, « l’air angélique, le visage plein de grâce, les yeux de colombe ». Toutes les bonnes fées s’étaient penchées sur son berceau, sans permettre à une sorcière de lui jeter un sort. Tout lui a réussi, enfin presque. Avant son accession au trône de France, c’est la reine Blanche de Castille qui gouvernera à sa place puisqu’il n’a que 11 ans à la mort de Louis VIII en 1226. Cette mère intelligente lui rendra le pouvoir lorsqu’il aura 21 ans, mais elle restera de bon conseil jusqu’à sa mort en 1252.
Si la vie de Saint-Louis nous est si précieuse et si vivante dans nos cœurs, il est bien des domaines où il a excellé. Question justice, ce Roi-Chevalier, canonisé dès la fin du XIIIème siècle, s’est révélé particulièrement doué et inspiré. L’ordonnance de 1256, écrite au retour de sa première croisade, reste extraordinairement d’actualité : « Nul ne sera privé de son droit sans faute reconnue et sans procès ». Cette ordonnance sera mise en application dans tout le royaume pour l’exercice d’une vraie justice. Au moment de sa mort, il donnera à son fils un vade-mecum pour que celui-ci n’oublie pas que « le pouvoir royal doit vérifier que les villes font bien appliquer la justice ».
La justice reste un thème majeur chez ce roi. Tout en prônant la présomption d’innocence, une nouvelle conception très chrétienne, Saint-Louis installe le premier parlement et reconnaît les décisions qui seront prises en son royaume par les organismes concernés. Saint-Louis veut que la justice ne soit rendue que par des juges et qu’elle soit la même pour tous, petits et grands. On raconte volontiers l’histoire d’Enguerrand de Coucy qui apprendra à ses dépens que le roi ne fait pas d’exception. En 1259, trois jeunes nobles qui chassaient le lièvre s’égarent et se retrouvent sur les terres du seigneur de Coucy. Pas de pitié, celui-ci les fait pendre sans autre forme de procès. Justice expéditive ! Apprenant cette histoire par les abbés, Saint-Louis convoque de Coucy et le fait enfermer. Suite à une supplication des amis de ce dernier, le roi acceptera de libérer celui-ci sous certaines conditions. Le seigneur de Coucy versera 10 000 livres d’amende, partira trois ans en croisade, après avoir fait construire deux chapelles et donné l’assurance que des prières seront chantées tous les jours pour le repos de l’âme de ces jeunes hommes.C’est ce que l’on pourrait appeler des travaux d’utilité publique !
Il est à l’origine de la cour des comptes. En effet, dans une ordonnance de 1256, Saint-Louis exige des mayeurs et prud’hommes (maires) de Haute-Normandie qu’ils lui rendent des comptes chaque année. Cette commission deviendra la Chambre des comptes, puissant organe de la monarchie, puis notre actuelle Cour des comptes.
L’histoire de Louis IX de France, dit Saint-Louis, nous est contée avec infiniment de détails par l’un de ses compagnons, le Sire de Joinville (Le Livre des saintes paroles et des bons faits de notre saint roi Louis). Bien entendu, de très nombreux livres ont été consacrés à ce roi devenu une légende. Nous avons choisi le dernier ouvrage de Philippe de Villiers, qui résume la personnalité de ce roi d’exception en quelques lignes : « Saint-Louis est un roi donné, un roi qui s’offre, un roi sacrificiel, un roi hostie. On le voit s’élever comme un ange dans les éthers mais il choisit de mourir dans l’extrême dénuement, comme un nomade, battu par les vents de sable à Tunis, allongé dans une longue chemise de lin trempée, les bras en croix, sur un lit de cendres, pour être configuré au Roi des rois ».
Quelques faits significatifs, notamment : il fit frapper une monnaie d’or stable et de bon aloi ; il s’assura la paix avec ses voisins et signa avec le roi d’Angleterre le traité de Paris, non sans lui donner quelques gages de sa sincérité ; il fonda de multiples asiles et hospices, comme celui des Quinze-Vingt pour les aveugles.
Saint-Louis était d’une très grande piété et sa vie de chrétien au quotidien ressemble fort à celle d’un religieux. Il partit en croisade contre les « Infidèles » qui détenaient le tombeau du Christ. A propos de ses deux croisades (1248 et 1270), un article entier doit leur être consacré, au même titre que les reliques (nous rédigerons en avril). Tout le monde sait par exemple que la couronne d’épines, longtemps conservée dans la Sainte Chapelle qu’il a fait construire spécialement, est aujourd’hui à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Cette relique avait été achetée à l’empereur de Constantinople.
Si Saint-Louis a mis en place le système judicaire, il a su allier avec diplomatie l’exercice de son pouvoir surnaturel de souverain avec le respect des institutions terrestres. Il est le souverain qui considérera la justice comme son premier devoir. Sous son règne, le droit canonique, droit de l’Eglise, est clarifié par écrit. Saint-Louis veut garder les droits de justice sur les laïcs, mais il reconnait le droit de l’Eglise sur les ecclésiastiques. Le roi affirme que les idéaux moraux sont au-dessus des personnes humaines, fussent-elles puissantes. Saint-Louis a contribué à faire évoluer le droit. Il n’a jamais exercé dans l’absolutisme.
Pour commencer à savoir ce qui va se passer au cours de cette année Saint-Louis, vous pouvez consulter le site www.saint-louis2014.fr . Le calendrier des manifestations commencera le 25 avril, date de sa naissance et du lancement par la Poste d’un timbre anniversaire. Elles se poursuivront jusqu’aux journées du patrimoine les 21 et 22 septembre. Tout n’est pas encore dévoilé, mais il paraît intéressant de s’y intéresser dès maintenant.
Puissiez-vous avec Vexilla Galliae vous réjouir de pouvoir participer à certaines d’entre elles. Avec un tel héritage, soyons assurés que la France se remettra toujours de ses blessures et des coups bas que lui portent les actuels gouvernants…
Solange Strimon
NB : nous vous informons que la prochaine chronique dominicale de Solange Strimon sera consacrée au carême « Tout savoir sur le carême, ou presque… »