Le dimanche des Rameaux et la Semaine Sainte
Nous voici donc arrivés au dimanche des Rameaux et de la Passion qui précède la fête de Pâques. L’Église célèbre solennellement, avant la messe, l’entrée messianique du Seigneur à Jérusalem, telle que les quatre évangiles la rapportent : « La foule nombreuse venue pour la fête apprit que Jésus venait à Jérusalem ; ils prirent les rameaux des palmiers et sortirent à sa rencontre et ils criaient : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (Jn 12, 12-13). Si Jésus entre à Jérusalem sur l’ânon – symbole d’humilité, face au cheval ou à la mule – sous les acclamations de la foule, il sait Lui qu’il n’en ressortira que pour vivre sa Passion. Cette même foule demandera sa mort, ignorant que Jésus accomplit ce “grand passage” pour ressusciter. Personne – pas même ses apôtres – ne savait ce qui allait se produire. Les hommes prirent tous leurs vêtements et les étendirent sous ses pieds, en haut des marches. Ils sonnèrent du cor et crièrent : “Jéhu est roi !”.
La Semaine Sainte, appelée aussi Grande Semaine, est au centre de toute notre foi chrétienne et de notre liturgie. Nous sommes appelés à vivre le grand mystère de Pâques en célébrant la mort et la résurrection de Jésus, Fils de Dieu. La Semaine Sainte est ” la grande semaine ”, en raison de « la grandeur et de la sainteté des mystères que l’on y célèbre», disait Saint Jean Chrysostome. Chaque jour de la Semaine Sainte est déclaré Saint : Lundi Saint, Mardi Saint, Mercredi Saint. Ces trois jours conduisent au Triduum Pascal, qui va de la messe du soir le Jeudi saint au dimanche de Pâques inclus, le centre de gravité de l’année liturgique. Ce terme «Triduum» a été adopté en 1969, lors de la réforme liturgique. Le mot triduum, un mot latin signifiant « un espace de trois jours » (tres : « trois » et dies : « jour »), est un temps rythmé par trois liturgies importantes qui suivent la vie terrestre des derniers jours de Jésus.
La liturgie du Jeudi Saint nous permet de vivre un temps exceptionnel d’union et d’amour avec Jésus. Ce soir-là, Jésus et ses apôtres prennent le repas pascal. Ils mangent un agneau immolé, avec du pain non levé, symboles de ce qui s’était passé la nuit où Dieu avait libéré son peuple de l’esclavage des égyptiens. Mais le véritable agneau qui libère, “celui qui enlève le péché du monde”, c’est Jésus lui-même. Pour le signifier, il prend du pain : “Prenez, mangez, c’est mon corps livré”. Il prend aussi une coupe de vin : “Prenez, buvez, c’est mon sang versé pour la multitude en rémission des péchés”. C’est la première eucharistie, sacrement du corps et du sang du Christ, que nous renouvelons à chaque messe. Ce sacrement est remis entre les mains des apôtres : “vous ferez cela en mémoire de moi” (Lc 22/19). Faire mémoire du Christ, cela signifie reprendre ses gestes, mais aussi les accomplir dans le sens qu’il a voulu leur donner. Dans l’Évangile du lavement des pieds (Jean 13,1-15), cet acte a d’abord une signification de service mutuel dans l’humilité. Jésus s’est fait “serviteur”. A sa suite, il nous invite à l’imiter : “C’est un exemple que je vous ai donné, ce que j’ai fais, faites-le vous aussi”. Nous devons tous être serviteurs des autres. A la messe de la Cène du Seigneur, le soir du Jeudi Saint, nous rappelons l’institution de l’eucharistie et celle du sacerdoce avec le sens donné pour le futur à ces deux sacrements. Après la célébration, l’Eucharistie est transportée solennellement en un lieu que l’on nomme ”reposoir” où l’on peut se recueillir en méditant l’agonie de Jésus à Gethsémani et son appel “Veillez et priez”. C’est l’Adoration du Jeudi Saint.
Nous arrivons au Vendredi Saint : on célèbre la Passion et la Mort de Jésus sur la croix. C’est aussi le seul jour de l’année où on ne célèbre pas d’Eucharistie. Pendant la célébration du Vendredi Saint (la célébration de la croix) généralement à 15 heures, correspondant au moment de la mort du Christ, on lit l’évangile de la Passion selon Saint-Jean. Le cérémonial est toujours le même : la croix est amenée en procession puis proposée à la vénération des fidèles. Tout se passe dans le silence (rarement des chants). L’office du Vendredi Saint comporte une grande prière universelle et bien entendu, le jeûne et l’abstinence sont demandés pour s’unir aux souffrances du Christ.
Pour qui a eu le privilège extrême de faire le chemin de croix sur la Via Dolorosa, dans la vieille ville de Jérusalem, dans les pas du Christ, l’émotion est à son comble. En effet, suivre pas à pas les traces du Christ, revivre ce qu’il a vécu lors des derniers jours de sa vie terrestre, parcourir les étapes de notre rédemption là où elles ont réellement eu lieu : c’est une expérience de foi unique. Des milliers de chrétiens de tous les rites vont donc déambuler depuis l’aurore dans les ruelles de la vieille ville de Jérusalem pour finalement tous converger vers l’église de la Flagellation, en plein cœur du quartier musulman. Le parcours actuel, fixé à la fin du 19ème siècle, suite à l’installation de nombreuses communautés chrétiennes dans la Palestine ottomane, est emprunté aujourd’hui aussi bien par les orthodoxes que par les catholiques.
De quand date le chemin de croix ? Au XIV° et XV° siècle, les Franciscains décidèrent d’inviter les fidèles qui venaient en pèlerinage à Jérusalem pour participer à la passion de Jésus, en allant du tribunal de Pilate au Calvaire. A partir du XV°, pour les fidèles qui ne pouvaient aller à Jérusalem, ils firent des représentations des épisodes de la passion du Christ afin de leur permettre de méditer les souffrances de Jésus. Tout comme ils l’avaient fait pour la crèche de la Nativité, les Franciscains répandirent cette dévotion.
Le chemin de croix est une solennité qui nous fait revivre les évènements de la passion de Jésus et nous incite à réfléchir à la signification de ces évènements. Comment ne pas penser aux souffrances du Christ, réaliser l’immense amour dont il nous gratifia par ce chemin de croix ? Nous invitant par son exemple à en donner aux autres, le Christ nous rappelle qu’il nous a aimés jusqu’à la mort. La méditation de la passion pendant la célébration se concrétise en parcourant un trajet de stations, ce qui associe le corps à la méditation. Celle-ci est aidée aussi par les représentations (peintures ou monuments) des différentes stations. La marche et les récitations de formules soutiennent la pensée.
Les stations du chemin de croix sont les étapes du chemin parcourues douloureusement par Jésus lors de sa montée au Calvaire. Le nombre des stations varia jusqu’à la fin du XVII° siècle où il fut fixé à quatorze. Depuis la construction en 1958 d’un chemin de croix à Lourdes, on termine la cérémonie par une quinzième station “Avec Marie dans l’espérance de la résurrection du Christ”. Le pape Jean Paul II a terminé ainsi la cérémonie du Vendredi saint au Colisée. En 1991, lorsqu’il a fait la cérémonie sur le mont Palatin, Jean-Paul II a supprimé les stations sans référence biblique (les trois chutes de Jésus, sa rencontre avec sa mère et celle avec Véronique) et il les a remplacées par d’autres stations inspirées de l’Évangile : « Jésus au jardin des oliviers », « le reniement de Pierre » et « la promesse du Paradis au bon larron ». Il est recommandé de participer à la célébration le Vendredi Saint et les vendredis de Carême. Beaucoup de paroisses font la cérémonie tous les vendredis de Carême. Pendant le carême, un temps de pénitence et de prière, il faut méditer la passion du Christ pour se préparer à fêter sa résurrection. Plus intense sera la méditation, plus joyeuse la résurrection.
Si l’on en croit Anne Catherine Emmerich, le chemin de croix d’Ephèse n’a que douze stations, qui seraient éloignées les unes des autres de la même distance que sur le lieu de la Passion à Jérusalem. Les stations étaient gravées dans la pierre. Il y avait une ” éminence ” pour symboliser le Calvaire et une ” petite grotte dans un autre monticule ” pour figurer le ” saint sépulcre “. Les 13e et 14e stations ne sont pas identifiables.
Les souffrances de Jésus sont décrites avec une grande justesse par Max Gallo (« Jésus, l’homme qui était Dieu ») : « Pendant que Barabbas s’éloigne en titubant de joie, les soldats dénudent Jésus, l’attachent à une colonne. Les bourreaux de toutes leurs forces commencent à frapper avec leur fouet composé de chainettes de fer terminées par des osselets et des billes de plomb. Et la chair de Jésus, ce pain de vie, éclate sous les coups. Des stries ensanglantées comme autant de sillons de couleur sont creusées sur ses épaules, sa poitrine, son dos, sa nuque et des lambeaux de chair se détachent. Jésus n’est plus qu’une seule plaie. Le corps est comme haché». Difficile d’imaginer pires supplices !
Et nous arrivons au samedi saint, un jour de silence et d’attente. On ne célèbre ni baptême, ni mariage ce jour-là. La célébration de la résurrection commence le samedi soir à la Veillée Pascale. Étymologiquement, «Pâques» signifie «passage»: par ce passage de la mort à la Vie, le Christ a sauvé l’Homme du péché et l’a appelé à la vie éternelle. La Résurrection du Christ est l’accomplissement des promesses faites par Dieu à son peuple. C’est pourquoi la fête de Pâques est le sommet du calendrier liturgique chrétien, un jour marqué dans les églises par la couleur blanche ou dorée, symbole de joie.
Pour mémoire : le rameau du dimanche des rameaux célèbre une victoire intérieure, celle qui est remportée sur le péché, qui s’accomplit par l’amour et qui assure le salut éternel. C’est la victoire définitive et sans appel. Le rameau est symbole universel de régénérescence et d’immortalité ; acclamer les héros et les grands en brandissant des rameaux verts est une tradition orientale ; les rameaux verts symbolisaient l’immortalité de leur gloire. Dans la tradition chrétienne, les rameaux signifient l’hommage rendu au triomphateur. Le rameau d’olivier apporté par la colombe pour annoncer la fin du déluge devient un message de pardon, de paix retrouvée et de salut. Le rameau vert symbolise la victoire de la vie et de l’amour. Dans l’art médiéval, le rameau est l’attribut de la chasteté ou de la renaissance printanière. Un rameau de bois vert enflammé, c’est la pérennité d’un amour malgré la perte de l’espérance. Le rameau d’or est la branche de gui dont les feuilles se dorent à la saison nouvelle. Sa cueillette coïncide avec la naissance de l’année. Le rameau ne devait pas être coupé avec un tranchant de fer, l’usage du fer est interdit dans presque tous les rites religieux : il est censé chasser les esprits. Il ôterait au rameau de gui ses propriétés magiques. Le gui n’était cueilli qu’avec une faucille d’or. Le rameau d’or est symbole de la lumière qui permet d’explorer les cavernes sombres des enfers sans péril. Il est force, sagesse et connaissance. Virgile met un rameau d’or dans la main d’Enée pour sa descente aux enfers. Il peut ainsi visiter les enfers. (D’après “le dictionnaire des symboles”, Jean Chevalier et Alain Gheerbrant).
Il y aurait encore tant à écrire, mais nous avons essayé de vous donner ce qui nous semblait essentiel et… c’est peu, ayant par exemple oublié volontairement la célébration du Saint Chrême. Puissiez-vous au cours de cette semaine connaître l’émotion salvatrice d’un chemin de croix de qualité et peut-être entendre : la « Lecture de la Passion selon Saint Jean » liée liturgiquement au Vendredi Saint. Ce drame mis en musique par Heinrich Schütz, Jean-Sébastien Bach ou Joseph Haydn et tant d’autres grands compositeurs a suscité bien des vocations, également du côté des artistes peintres, des poètes ou des écrivains. Ne passons pas à côté de la Cène de Léonard de Vinci peinte au XVe siècle et à laquelle les artistes n’ont eu de cesse de se mesurer. Cette œuvre est significative de ce qu’on a appelé « la peinture des mouvements de l’âme ». Puisse la ferveur avec laquelle vous passerez cette semaine sainte en compagnie de Jésus contribuer à fortifier votre cœur et votre âme.
Solange Strimon
NB : nous vous informons que la prochaine chronique dominicale de Solange Strimon sera consacrée au sujet suivant : « A propos des traditions de Pâques »
PS : Au matin de Pâques, dimanche 20 avril, le pape François célèbrera la messe sur le parvis de la basilique Saint-Pierre, à partir de10h15. A la fin de la célébration, il donnera la bénédiction « Urbi et Orbi », à la ville et au monde, de la loggia centrale de la basilique. Cette bénédiction particulière, qui confère l’indulgence plénière, aux conditions habituelles prévues par l’Eglise, notamment de confession et de communion sacramentelles, y compris pour ceux qui suivent la bénédiction à la télévision, à la radio ou sur Internet, est donnée à Noël et à Pâques, ainsi qu’à l’élection d’un nouveau pape.