Le Carême vient de commencer
On appelle « Carême » la période de quarante jours (quadragesima) réservée à la préparation de Pâques, et marquée par l’ultime préparation des catéchumènes qui doivent recevoir le baptême le jour de Pâques. Depuis le IVème siècle, on commence à le constituer comme temps de pénitence et de renouvellement pour toute l’Église, avec la pratique du jeûne et de l’abstinence. Conservée avec vigueur dans les églises d’Orient, la pratique pénitentielle du Carême s’est assouplie en Occident, mais on continue à y observer un esprit de pénitence et de conversion. On essaie en tous cas.
« L’Église s’unit chaque année par les quarante jours du Grand Carême au mystère de Jésus dans le désert ». Le Carême est une retraite collective de quarante jours pendant lesquels l’Église propose à ses fidèles l’exemple du Christ pendant sa période au désert, se prépare à la célébration des solennités pascales, dans la purification du cœur, la pratique parfaite de la vie chrétienne et une attitude de pénitence. La pénitence, traduction latine du mot grec metanoia qui signifie « conversion » (littéralement « changement d’esprit ») du pécheur, désigne tout un ensemble d’actes intérieurs et extérieurs en vue de la réparation du péché commis, et l’état de fait qui en résulte pour le pécheur. Littéralement « changement de vie » se dit de l’acte du pécheur qui revient vers Dieu après s’être éloigné de lui, ou de l’incroyant qui reçoit la foi…
Dans son message pour le Carême 2015, face à la « mondialisation de l’indifférence », le pape François exhorte les chrétiens à changer leurs cœurs et à penser à l’autre : « Envers son prochain et envers Dieu, elle est une tentation réelle, même pour nous, chrétiens. C’est pour cela que nous avons besoin d’entendre, lors de chaque Carême, le cri des prophètes qui haussent la voix et qui nous réveillent », indique-t-il après avoir précisé que le Père, Lui, n’est « pas indifférent à nous » et « porte chacun de nous dans son cœur ». Avant de rentrer dans le cœur de son message, François propose également cette belle méditation évoquant la place de l’Église au milieu des souffrances : « L’Église est comme la main qui maintient ouverte la porte [entre le ciel et la terre] grâce à la proclamation de la Parole, à la célébration des sacrements, au témoignage de la foi qui devient efficace dans la charité ».
Considérant que le monde tend à s’enfermer sur lui-même, le successeur de Pierre rappelle aussi que « la main, qui est l’Église, ne doit jamais être surprise si elle est repoussée, écrasée et blessée ». Puis le pape focalise sa réflexion sur trois pistes de méditation. La première lettre aux Corinthiens : « Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance » (1 Co 12, 26). Pour François, quand nous recevons les sacrements, « nous devenons ce que nous recevons ». Alors « cette indifférence qui semble prendre si souvent le pouvoir sur nos cœurs, ne trouve pas de place ».
Outre un appel à la prière et à poser des gestes de charité, François invite à vivre ce temps de Carême comme une « formation du cœur », une expression déjà apparue sous la plume de Benoît XVI dans l’encyclique Deus Caritas est (2005). Ce message s’achève par une reprise des litanies du Sacré Cœur de Jésus où François prie le Christ, citant la formule latine : « Fac cor nostrum secundum cor tuum » (« Rends notre cœur semblable au tien »). Le jeûne, la prière et l’aumône expriment la conversion par rapport à soi-même, par rapport à Dieu et par rapport aux autres. « Dans l’Église universelle, tous les vendredis de l’année et le temps de Carême sont des jours et des temps de pénitence. » (Code de droit canonique, 1250). En souvenir du jour de la mort de Jésus-Christ sur la sainte Croix, « pendant tous les vendredis, à moins qu’ils ne coïncident avec une solennité, on doit observer l’abstinence de viande, ou de tout autre aliment déterminé par la Conférence épiscopale ; on gardera jeûne et abstinence le mercredi des Cendres et le Vendredi Saint. » (Code de droit canonique, 1251).
L’Église nous demande de faire du Carême un temps de retraite spirituelle dans lequel l’effort de méditation et de prière doit être soutenu d’un effort de mortification personnelle, laissée à la libre générosité de chacun. Se convertir veut dire se réconcilier avec Dieu, s’éloigner du mal, pour établir une relation d’amitié avec le Créateur. Ces temps de Carême sont particulièrement appropriés pour les exercices spirituels, les liturgies pénitentielles, les pèlerinages en signe de pénitence, les privations volontaires comme le jeûne et l’aumône, le partage fraternel (œuvres caritatives et missionnaires) ». (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1438)
Durant le Carême, le jeûne consiste à faire un seul repas pendant la journée, avec une alimentation frugale le matin et le soir. On ne doit rien manger entre les repas, sauf cas de maladie. La loi du jeûne oblige tous ceux qui sont majeurs et en bonne santé. L’abstinence est le fait de se priver de viande (rouge, blanche ou dérivée). On ne doit pas vivre le jeûne ou l’abstinence comme une imposition, mais plutôt comme un moyen concret par lequel l’Église nous invite à croître dans le véritable esprit de pénitence. Le temps du Carême est un temps liturgique fort, dans lequel toute l’Église se prépare à la célébration des fêtes pascales. La Pâque du Seigneur, le Baptême et l’invitation à la réconciliation, moyennant le sacrement de la Pénitence, sont ses grandes coordonnées.
Que faire pendant le Carême ? Faire un Chemin de Croix et méditer la Passion du Christ chaque vendredi de Carême, ce qui nous permet de faire revivre les évènements de la passion de Jésus et nous fait réfléchir à la signification de ces évènements. On pense aux souffrances du Christ et on fait l’expérience de l’amour que révèle son attitude. Cette méditation éveille en nous un sentiment de compassion et de gratitude envers le Seigneur qui nous a aimé jusqu’au bout. Cette cérémonie nous fait vivre avec amour notre propre croix. “Celui qui veut marcher derrière moi, qu’il se renonce lui- même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive“, nous a dit Jésus. Nous trouvons dans l’exemple du Christ l’attitude que nous sommes invités à vivre à notre tour. C’est ainsi que nous participons à la croix du Christ. Le chemin de croix est une dévotion catholique. Il ne fait pas partie de la liturgie de l’Église, mais c’est une dévotion très recommandée par les papes. Il est fortement conseillé : d’aller adorer le Christ Eucharistie pendant une heure chaque jeudi de Carême, de faire un Examen de Conscience détaillé chaque soir avant de se coucher, pour vérifier si nos efforts sont bien suivis, et prier Dieu de persévérer. Si les horaires du travail le permettent : s’engager avec le Secours Catholique dans sa paroisse, pour la soupe populaire ou le soutien scolaire ! Prendre le temps de parler chaque jour avec une personne isolée, sans-abri ou en difficultés que l’on croise sur le chemin de l’école ou du travail ! Participer à la préparation des célébrations de la Semaine Sainte avec notre paroisse ; enfin, ouvrir la porte et les fenêtres de son cœur à Dieu.
Quand on songe au châtiment qui attendait le consommateur de lard pendant le Carême, à savoir la prison (1525, avec Clément Marot), on se dit que vraiment on est passé d’un extrême à un autre, dans cette société où on commence à mettre en vente des chocolats pendant le Carême, et à s’alimenter sans scrupule et que si nombreux sont ceux qui ne savent plus ce qu’est le Carême, encore moins le mercredi des cendres, que nous ne devons pas être fiers de l’héritage spirituel de nos enfants, petits-enfants et amis. Peut-être pourrions-nous profiter de ce temps de réflexion pour trouver comment réparer ce qui relève du miracle ! Comment avons-nous pu descendre si bas dans l’oubli de nos fondations chrétiennes pour laisser la place à d’autres ?
Solange Strimon
NB : les prochaines chroniques auront lieu les 8 et 29 mars 2015