Ex-libris. « Le Baptême qui a fait la France », par Renée Mussot-Goulard
Renée Mussot-Goulard, Le Baptême qui a fait la France : de Blandine à Clovis, 1996.
Il existe de nombreux livres traitant de Clovis et des Mérovingiens. Le sujet, comme l’époque, est tout à fait essentiel pour comprendre la France, tant par les enjeux de mémoire que d’herméneutique historique. De plus, la vie de Clovis est bien plus romanesque que n’importe quel roman, et l’histoire bien réelle foisonne de plus de péripéties, de surnaturel et de petites histoires que n’importe quel livre de fiction.
Notons que, du point de vue des faits historiques, Clovis et sa vie ne contiennent plus grand-chose d’inconnu. Notons encore que de nombreuses sources ont été réhabilitées ces dernières décennies, après avoir été trop longtemps rejetées par l’école historiciste et positiviste allemande, suivie par trop de Français pour des raisons fallacieuses. Entre autres, l’important testament de saint Rémi, mais aussi de nombreuses Vita, dont celle de saint Martin et celle de sainte Geneviève[1].
Comme nous l’avons dit, les livres sur ce sujet sont pléthores. Nous aurions pu tout simplement conseiller la source première et principale sur Clovis, l’œuvre de Grégoire de Tours, Historia Francorum, qui n’a pas pris une ride et qui se suffit à elle-même sur de nombreux points, ou encore le magistral Clovis de Michel Rouche, qui permet de faire un point précieux sur toutes les sources et l’état de la recherche. Nous avons pourtant décidé de recommander aujourd’hui un autre livre, qui se lit très bien : Le Baptême qui a fait la France. L’auteur, Renée Mussot-Goulard, a aussi commis un Clovis dans la collection « Que sais-je ? », mais c’est dans ce second livre qu’elle développe toute sa thèse, de façon juste, concise et claire.
Le titre dévoile tout le livre : Le Baptême qui a fait la France et non pas « Le Baptême de la France », comme nous le verrons, car le fond de la Gaule était déjà profondément catholique, fidèle à la foi apostolique confirmée par Nicée et loyale aux autorités légitimes. Ce baptême fut bien en revanche celui qui a fait la France. Tout le mystère Clovis repose dans cette conversion qu’aucune raison politique ne pouvait vraiment justifier. Ce fut un pari plus que risqué dans un monde encore majoritairement païen et dominé par les barbares ariens. Clovis était, en outre, profondément loyal et fidèle à la religion de ses ancêtres. Il trouva néanmoins une plus grande légitimité dans le Christ et son Église.
« L’événement du baptême de Clovis et des guerriers francs prend place dans la vie d’un pays déjà profondément christianisé. S’il revêt une importance d’histoire, s’il marque d’un sceau durable la foi reconnue et exprimée par la foule dense des fidèles, c’est parce que si l’histoire du christianisme occidental a suivi un chemin difficile, le choix religieux des Gaules, comme celui de Clovis, fut conscient, volontaire. »[2]
Nous apprécierons dans ce livre le choix fait de traiter avant tout ce baptême sous l’aspect de la foi religieuse, et cela en partant de l’histoire de la christianisation des Gaules. Sans omettre les autres aspects, le fil conducteur — à notre sens le plus juste —, c’est-à-dire le rôle de Clovis comme sauveur de la foi catholique et réunificateur des Gaules, permet véritablement de définir ce roi comme le premier roi de France, même si le titre n’existait pas encore. À partir de là, des bases sont posées, et l’histoire ne fera que développer ces prémices sous les dynasties successives, héritières proclamées de Clovis et de sa foi — et encore même dans la France révolutionnaire qui, au fond, ne fait que nier terme à terme cette fondation, négation qui renforce paradoxalement sa place fondatrice.
La France est un pays royal fondé par une dynastie franque qui protège et professe intégralement une foi catholique légitime et vraie. Son action, à travers Clovis et contre toute attente, a permis de sauver l’Église et la Foi, en particulier en Europe occidentale.
« La voie ouverte en Gaule par le baptême conduit à l’unité territoriale par l’unité de foi. La conquête du royaume visigothique a été sa première étape. C’est dire que le baptême fut à l’origine de l’unité du royaume. D’autre part, de l’union entre Clovis, ses guerriers, les Gaulois, devait naître une communauté dont un seul mot pouvait donner la mesure humaine et religieuse : le royaume. Enfin la référence franque portée par Clovis, référence de liberté ancrée dans son baptême comme sa propre histoire, a permis la première réalisation d’un pouvoir autonome, le point de départ d’une souveraineté qui devait prendre appui sur le terme « franc » et donner naissance à la France. »[3]
Ce livre a la grande force de retracer l’histoire de toutes les grandes figures chrétiennes de la Gaule antéclovisienne, de sainte Blandine à sainte Geneviève en passant par saint Martin, en soulignant particulièrement le souci constant de cette Gaule et de ses prélats de conserver une foi intégrale, apostolique et légitime, dans tous ses aspects.
Nous avons, de plus, apprécié la pédagogie du livre, qui rappelle quelques fondamentaux salutaires sur le baptême, la foi et l’Église, toutes choses sans lesquelles on ne peut rien comprendre de l’époque, et qui sont devenus bien méconnus pour de nombreux Français, à commencer par les catholiques eux-mêmes.
C’est en bref un bon résumé de la connaissance de base à avoir sur le sujet, interprété justement et clairement. Concluons avec notre auteur sur ce beau mot : « Le baptême qui a fait la France n’est pas une historiette légendaire mais, pour des dizaines de millions d’hommes, un témoignage respectable, un souvenir de famille. »[4]
Rémi Martin
Table des matières
- Sommaire
- Introduction
- Première partie : Terre de chrétienté
- Deuxième partie : Un seul baptême
- Troisième partie : Le Royaume
- Conclusion
[1] Comme l’affirme Michel Rouche, autorité reconnue sur Clovis.
[2] Renée Mussot-Goulard, Le Baptême qui a fait la France, Perrin, Paris, 1996, p. 7.
[3] Ibid., p. 19.
[4] Ibid., p. 180.