Jean-Paul II, premier Pape polonais de l’Histoire
Ainsi, nous allons assister à la canonisation de deux Papes ce 27 avril 2014 : celle de Jean XXIII dont il fut question dans la précédente édition et celle de Jean-Paul II, à qui nous consacrons cette chronique. Le père Jozef Kloch, également porte-parole de l’épiscopat polonais, avait annoncé après cette grande nouvelle : “Ce sera un grand jour pour l’Eglise dans le monde entier, pour l’Eglise de Pologne et pour notre pays tout entier” puis“Pour nous les Polonais, ce sera également une occasion particulière » : le Pape canonisé deviendra le patron des préparatifs des prochaines Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) en 2016 à Cracovie, ville dont Karol Wojtyla fut archevêque, avant de devenir Pape en 1978.
Il aura connu – avant d’occuper les plus hautes fonctions dans l’Eglise catholique – toutes les épreuves des guerres. Karol Wojtyla est né à Wadowice (près de Cracovie) le 18 mai 1920, second fils d’un père militaire et d’une mère institutrice. Il a connu une enfance marquée par les deuils avec une mère qui décède quand il a 9 ans, puis ce fut le tour de son frère ainé quelques années plus tard et en 1941 celui de son père.
A ces drames familiaux s’est ajouté celui de la Pologne qui perd son autonomie en 1939 et qui subira le totalitarisme communiste jusqu’en 1989. C’est pourquoi dès le début de son pontificat en 1979, le Pape Jean-Paul II visitera la Pologne, puis en 1983 et enfin en 1987. Il a non seulement soutenu Solidarnosc mais certainement largement contribué à la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Dans sa première encyclique de 1979, Jean-Paul II déclarait : “La paix se réduit au respect des droits inviolables de l’homme […], tandis que la guerre naît de la violation de ces droits et entraîne encore de plus graves violations de ceux-ci”. Jean-Paul II aura tout tenté pour éviter la guerre en Irak par les Etats-Unis. Tout le monde se souvient de sa déclaration le 13 janvier 2003 devant le corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège : “Non à la guerre ! Elle n’est jamais une fatalité. Elle est toujours une défaite de l’humanité“.
Jean-Paul II aura eu le temps au cours de son long pontificat (26 ans, 5 mois et 18 jours), le troisième plus long de l’histoire de l’Église après celui de Saint Pierre et Pie IX (31 ans 7 mois et 23 jours) de mener tous les combats qui lui étaient chers : la paix, la famille, la jeunesse et la culture. En devenant le premier Pape non italien, depuis le Pape hollandais Adrien VI (en 1520) et le premier Pape polonais de l’histoire de l’Église, Jean-Paul II a profondément enrichi l’Eglise par une expérience extraordinaire de vie au milieu des autres. Il savait de quoi il parlait quand il mettait en garde, après le communisme, contre une forme radicale de capitalisme: “La solution marxiste a échoué, mais des phénomènes de marginalisation et d’exploitation demeurent dans le monde, spécialement dans le tiers-monde, de même que des phénomènes d’aliénation humaine, spécialement dans les pays les plus avancés… ».
Par ses origines, ses études de lettres à l’université Jagellon de Cracovie, son vécu en tant qu’ouvrier dans une carrière de pierre, puis dans une usine chimique, travail imposé par le régime nazi de 1940 à 1944, et enfin par son immense culture personnelle, Karol Wojtyla a fortement contribué à apporter un souffle nouveau à l’église.
La culture, un axe majeur de son pontificat, restera toute sa vie une priorité, ce pourquoi Jean-Paul II créera en 1982 « le Conseil pontifical pour la culture », et en 1993, il lui intégrera le Conseil pontifical pour le dialogue avec les non-croyants (déjà mis en place par Paul VI en 1965), présidé par le cardinal français Paul Poupard. Il a voulu dynamiser la culture, sans laquelle nous n’avons pas de recul sur les évènements du passé et pas d’ambition pour l’avenir. Si les progrès en informatique et autres techniques paraissent fulgurants, il semble toujours bien difficile de faire progresser les mentalités. L’ordinateur court à perdre haleine et nous, nous nous essoufflons dès qu’un changement intervient dans le cours de notre vie.
Jean-Paul II aimait voyager, partir à la rencontre des jeunes, transmettre sa foi. Il a parcouru plus de 129 pays, vu plus de cinq cents millions de personnes, créé les grands rassemblements comme les Journées Mondiales de la Jeunesse, béatifié 1 340 personnes et canonisé 483 saints, soit plus que pendant les cinq siècles précédents. Jean-Paul II aimait les saints, témoigner de ce que certains hommes (et femmes) laissaient de leur vie.
Si ce Pape a eu autant de succès chez les catholiques traditionnels et a soulevé autant d’enthousiasme, il est bien évident que la sincérité et la puissance de tous ses combats résonnent encore dans les cœurs. Il suffit de l’imaginer lors d’une de ses apparitions, principalement lors des rendez-vous avec la jeunesse pour réaliser l’amour qu’il leur portait. Pour la petite histoire, et c’est ce qui le rend particulièrement attachant, Karol Wojtyla avait joué au théâtre, dans la clandestinité, écrit en tant que poète, donc déjà « élu de Dieu », quelque part. Sa pièce de théâtre « La boutique de l’orfèvre » publiée en 1960, un hymne à l’amour conjugal, est toujours jouée. Il osera en tant que Pape publier un recueil de poèmes : « Triptyque romain » en 2003. Chez ce Pape, la poésie est une prière, qui se situe dans cette zone intime de l’être, le « cœur du cœur » qui conduit à un « cœur à cœur » avec Dieu. Il s’agit bien d’une quête spirituelle à la fois mystique et intellectuelle. Mais revenons aux grands dossiers.
Pour mémoire : il a été le premier Pape à visiter la grande synagogue de Rome le 13 avril 1986 au cours de laquelle Jean-Paul II avait qualifié les juifs de “frères aînés des chrétiens ». Des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Israël ont été établies à partir du 15 juin 1994. La prière du Pape au Mur Occident du Temple de Jérusalem le 26 mars 2000 aura fait couler beaucoup d’encre au même titre que son discours à Yad Vashem (mémorial de la Shoah, à Jérusalem). Toujours au nom de la paix, le Pape a demandé pardon pour les fautes de l’Eglise, notamment à l’égard du “peuple de l’Alliance et des bénédictions”. Ça s’est passé le 12 mars 2000. Certains – nous nous en souvenons – n’ont pas compris pourquoi le Pape s’infligeait cet acte de repentance.
Dans la vie, il y a un temps pour tout : essayer de comprendre un comportement en le replaçant dans son contexte historique et social ; essayer d’admettre que des erreurs ont pu être commises, lesquelles et pourquoi ; essayer de réparer ce qui peut l’être ; demander enfin pardon quand c’est possible. Un acte qui demande une certaine humilité, ne nous voilons pas la face. Il est toujours difficile de pardonner à qui nous a causé du tort, a détruit la famille, le couple, l’avenir. Ne commençons-nous pas notre journée tous les jours par un « Notre Père » ? Ne demandons-nous pas pardon pour nos offenses au Père, « comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Il doit être plus facile au Père Tout-Puissant de tout pardonner, Lui, le Créateur, qui règne dans les cieux, alors que nous ne sommes sur terre que des petits êtres de chair et de sang, faibles, fragiles, vulnérables.
Aux participants des “JMJ” de Rome en 2000, Jean-Paul II avait déclaré : “Il ne vous sera peut-être pas demandé de verser votre sang, mais de garder la fidélité au Christ, oui certainement ! […] En l’an 2000, est-il difficile de croire ? Oui, c’est difficile ! On ne peut pas le nier. C’est difficile, mais avec l’aide de la grâce c’est possible.” Il avait réussi à pardonner les séquelles, les souffrances, suites de l’attentat dont il fut victime le 13 mai 1981. Ce dramatique épisode, il le portera toute sa vie dans son corps. Actuellement, 200 millions de chrétiens ne peuvent vivre leur foi librement. Lors de la 6ème nuit des témoins, qui a été suivie à la cathédrale Notre-Dame à Paris et à la basilique de Sacré-Cœur à Marseille, il a été rappelé que les religieux et les chrétiens qui vivent en Syrie, en Irak, au Liban, en Egypte, sont persécutés, versent leur sang, perdent tout. Le Pape François disait récemment que « les martyrs d’aujourd’hui sont plus nombreux que dans premiers siècles de l’Eglise ». Et qu’il faut prier pour eux.
Difficile de résumer en quelques lignes l’extraordinaire parcours de Karol Józef Wojtyła, prêtre polonais dès 1946, après des études à Rome et en France, évêque en 1958. En plus de son parcours et intellectuel exceptionnel, il maîtrisait plusieurs langues. Il a rédigé tellement d’ouvrages que nous vous laissons faire votre choix.
Paul VI a certainement décelé tout de suite chez Karol Wojtyla ses nombreux talents. Au cours du concile, le 13 janvier 1964, il le nomme archevêque de Cracovie, puis cardinal le 28 juin 1967. Paul VI meurt le 6 août 1978. Mgr Wojtyla devient cardinal électeur et prend part au conclave : Jean-Paul Ier, élu le 26 août 1978, meurt le 28 septembre 1978. Karol Wojtyla, devenant Pape le 16 octobre 1978, se fixera comme objectif la mise en œuvre du concile Vatican II. Il a réformé le droit de l’Église catholique par la promulgation du nouveau Code de droit canonique en 1983. Il a proposé un exposé des fondamentaux de la foi catholique par la publication du Catéchisme de l’Église catholique en 1992. Il a donné de nombreux signes d’ouverture au dialogue interreligieux. Tout le monde ne peut pas, ou ne veut pas, accepter le fait que toutes les religions doivent cohabiter ensemble en bonne intelligence. Certains préfèrent l’isolement. La paix n’a pourtant pas de prix. On se souvient de sa rencontre avec de jeunes musulmans au grand stade de Casablanca, en 1985, de sa visite à la mosquée des Omeyyades à Damas, le 6 mai 2001, et de ses deux rencontres de prière interreligieuse à Assise, en 1986 et en 2002. Lors de la première réunion internationale interreligieuse d’Assise en 1986, il a réuni plus de 194 chefs de religion. Il est considéré par certains comme l’un des leaders les plus influents du XXe siècle. Jean-Paul II avait plus que tout autre conscience de cet impératif : faire entrer l’Eglise catholique dans le IIIème millénaire.
Ayant été très impliqué dans la vie active, tellement conscient de la nécessité d’interpeller les jeunes dans un grand rassemblement catholique festif, joyeux, pour leur parler d’évangile, le Pape Jean-Paul II a eu cette idée géniale d’inviter des milliers de jeunes à participer à un « Jubilé international des jeunes », qui a eu lieu en 1984 lors du dimanche des Rameaux au Vatican. Ce fut un tel succès que, suite à la proclamation par l’ONU d’une Année Internationale de la Jeunesse en 1985, Jean-Paul II proposera officiellement un grand rassemblement international des jeunes. Celui-ci aura lieu pour la première fois à l’étranger, l’année suivante, lors des JMJ de Buenos Aires en 1987. Le Pape se rendra ensuite à Saint-Jacques de Compostelle (Espagne, 1989), à Czestochowa (Pologne, 1991), Denver (États-Unis, 1993), Manille (Philippines, 1995), Paris (France, 1997), Rome (Italie, 2000) et Toronto (Canada, 2002). Jean-Paul II devient ainsi le « Pape des Jeunes » et si aujourd’hui en 2014, l’Eglise catholique vit un tel renouveau, c’est bien grâce à cette jeunesse conquise, notre avenir. Le pèlerinage des jeunes nous invite à renforcer notre foi et à ne pas oublier que nous avons été jeunes et nous aussi débordants de dynamisme et de volonté de changement.
Canonisé neuf ans seulement après sa mort, Jean-Paul II sera le 27 avril plus présent que jamais dans le cœur des fidèles qui l’ont connu ou qui ont découvert à l’occasion de cette canonisation l’exemplarité de sa vie et l’immensité de son œuvre. Il a vraiment été un inspiré de Dieu. Par sa vie, ses écrits et ses actions, Jean-Paul II, défenseur de la dignité humaine est également qualifié de “nouveau Saint-Paul” pour son œuvre d’évangélisation dans le monde entier, ou encore de « grand missionnaire » par le Pape François. Il méritait plus que quiconque d’entrer dans la grande famille des saints.
Lectrices et lecteurs de Vexilla-Galliae, ayant le bonheur d’assister à cette extraordinaire journée du 27 avril, nous vous associerons naturellement à nos prières, en espérant même qu’un miracle se produira sur place…
Solange Strimon
NB : nous vous informons que la prochaine chronique dominicale de Solange Strimon sera consacrée au sujet suivant : « Le dimanche des Rameaux et la Grande Semaine »