De notre saint roi Clovis le Grand. Lettre mensuelle aux membres et amis de la Confrérie Royale à l’occasion de Noël
Le dimanche 25 décembre 496, au cours de la nuit de Noël, le Saint Roi Clovis Ier le Grand reçut quatre sacrements et un sacramental.
I – Le Baptême
Le premier sacrement, pour lequel il était venu, fut le baptême.
Le Roi, nouveau Constantin, prêché depuis son avènement en 481 par l’archevêque de Reims Saint Remy et depuis son mariage en 493 par son épouse Sainte Clothilde de Bourgogne, muni des trois fleurs de lys célestes par l’ermite de Joyenval et converti par le miracle divin de la victoire inespérée à Tolbiac peut-être le 14 février 496, catéchisé par Saint Waast, qu’il nomma ensuite évêque d’Arras, confirmé dans sa résolution au tombeau tourangeau de Saint Martin le 11 novembre 496, conforté, dans ses craintes de n’être pas suivi par son peuple, par la résolution de ses guerriers de « croire dans le vrai Dieu immortel que prêche Remy », s’avança résolument dans la future primatiale Notre-Dame de l’Assomption de Reims pour être baptisé par Saint Remy : – « Est-ce là le Royaume de Dieu que vous m’avez promis ? » – « Non, c’est le début du chemin par lequel on y va ».
Le baptême donne un caractère indélébile dans l’âme du baptisé. Saint Clovis y fut fidèle, consacra la France à Saint Michel à Tolbiac, à Saint Martin à Tours, à Notre-Dame à Reims, prit conseil des évêques (comme il avait à son avènement déjà accepté ceux de Saint Remy), convoqua en 511 le concile d’Orléans qui scella l’union du Trône et de l’Épiscopat, construisit la basilique Saint-Pierre et Saint-Paul pour y inhumer Sainte Geneviève dont il avait accepté aussi les conseils et à qui il consacra lors la France, commença la reconstruction des cathédrales Notre-Dame de l’Assomption de Paris et Notre-Dame de l’Assomption de Strasbourg, fut fidèle dans son ménage, s’efforça d’adoucir ses mœurs dans une époque encore rude (il suffit de comparer avec les rois voisins païens ou ariens), et fut pour ce motif considéré comme saint à l’abbaye Sainte-Geneviève de Paris, à l’abbaye Saint-Pierre de Moissac et à la collégiale Sainte-Marthe de Tarascon, et invoqué notamment par le roi Louis XI.
Le Roi, qui n’était pas plus que ses contemporains un libéral adepte de la séparation de l’Église et de l’État, avait bien l’intention d’engager ainsi son Royaume, et fut conforté par la résolution de ses trois mille guerriers. Il n’y a certes pas dans ce baptême moral d’un pays un caractère proprement physique, mais certainement moral : il engageait la France pour toujours. Tous les Rois y furent fidèles ; même Henri IV, entraîné enfant dans l’hérésie par ses parents, resté presque catholique dans sa croyance, et toujours modéré dans ses guerres, prit dès le lendemain de son avènement l’engagement de se convertir.
Ce sont les révolutions de 1792 et de 1830 (sans compter l’intermède de Cent Jours en 1815) qui abolirent la religion catholique de l’État, et l’on a entendu naguère des chefs de la République « le refus de la loi morale primant sur la loi civile », « la nocivité de l’hypothèse de Dieu » et « le droit au blasphème ».
À nous de rester fidèles au baptême que nous avons reçu (au besoin prenons la résolution de le recevoir avec la grâce de Dieu) et à celui de notre pays. La catholicité de l’État ne sera pas restaurée sans notre conversion personnelle, comme le disait Henri V.
II – La Confirmation
Le deuxième sacrement, qui suivit le baptême, fut la confirmation, complément du baptême.
Le Roi, nouveau Théodose, homme politique résolu (on l’avait vu avec les derniers faibles représentants de l’autorité romaine en 486), homme droit (on l’avait vu à propos du vase de Soissons qu’il voulait rendre à l’Église de Reims en 486), convaincu par la victoire de Tolbiac que la seule force véritable était celle du vrai Dieu, vint résolument recevoir du Saint-Esprit la confirmation de sa foi par les mains de Saint Remy. « Ah ! si j’avais été là avec mes Francs ! », avait-il dit au récit de la Passion du Sauveur.
La confirmation donne un caractère indélébile dans l’âme du confirmé. Saint Clovis y fut fidèle, prit la protection des catholiques maltraités par les ariens, et, avec l’aide de Saint Martin (qu’il vint prier à son tombeau) et de Saint Hilaire (qui de son tombeau fit s’élever une colonne de lumière), vainquit le roi arien wisigoth Alaric II à Vouillé, peut-être le 20 juillet 507, envoya en hommage au pape la couronne reçue alors de l’empereur byzantin Anastase Ier, et fut considéré comme le véritable fondateur de la Royauté catholique française : son nom, modernisé en Louis, passa ainsi de règne en règne jusqu’à nos jours et sans doute au-delà.
Le roi savait que le nouveau Fils Aîné de l’Église était devenu le protecteur du Saint-Siège et de la Sainte Église et l’artisan de la dilatation du Règne de Dieu sur la terre. Il n’y a certes pas dans cette confirmation morale d’un pays un caractère proprement physique, mais certainement moral : il engageait la France pour toujours dans cette tâche.
Tous les Rois y furent fidèles. De Saint Childebert Ier et Thibert Ier en 539 à Arnoul de Carinthie en 896, huit rois de France allèrent en Italie défendre le Saint-Siège. Et à partir de Saint Etienne IV en 754, innombrables furent les souverains pontifes qui vinrent chercher refuge auprès du roi de France. Par les mariages, nos Rois convertirent les Wisigoths d’Espagne et les Anglo-Saxons ; par les prédications les derniers païens de France, la Germanie, la Scandinavie et les Normands de France ; par les missions de nombreux peuples des deux Indes Occidentales et Orientales. Ils défendirent par les croisades la Chrétienté attaquée : de Louis VII en 1145 à Charles X en 1830, vingt-trois rois furent croisés ou organisèrent des croisades.
En notre époque révolutionnaire, même l’aide traditionnelle aux chrétiens d’Orient est à peine visible, et l’on a entendu naguère un chef de la République ne pas oser qualifier de chrétiens ceux qui venaient d’être assassinés pour leur foi par des musulmans.
À nous de rester apostoliques, appuyés sur notre confirmation et sur celle de notre pays. La France ne redeviendra apostolique et forte que par ses membres.
III – Le Sacre royal
Le sacramental qui suivit la confirmation fut le sacre royal, complément de la confirmation pour un Roi.
Le Roi, nouveau David, déjà religieux d’une religion naturelle comme sont tous les païens (à la différence des États modernes), persuadé de la souveraine Majesté du vrai Dieu lors de la bataille de Tolbiac, fut par l’initiative de Saint Remy sacré roi à l’imitation de Saint David dans l’Ancien Testament, par l’onction de l’onguent de la Sainte Ampoule apportée, comme le dit un répons du sacre, par le Saint-Esprit (et qui venait de servir exceptionnellement au baptême et à la confirmation, le saint-chrême manquant). À Tolbiac il avait invoqué celui que son conseiller Aurélien lui avait dit être « le Roi des rois et le Dieu du ciel et de la terre ».
La marque de la fidélité au Roi des rois et à son Royaume est l’anneau : il est difficile de savoir si Clovis l’a reçu, mais il fut donné au moins très rapidement à ses successeurs. Saint Clovis fut fidèle à cette union à son Royaume : il assura la protection de l’Église, fut soucieux de la justice, première vertu royale, qui fut l’une des raisons de la convocation du concile d’Orléans, et apprit à y joindre la miséricorde, nouveauté chrétienne (il reconnut notamment le droit d’asile des églises). Ces vertus valaient pour tous ses sujets, même non catholiques, car tous étaient ses enfants, et son exemple royal en convertit beaucoup. Ce fut le même onguent de la Sainte Ampoule qui sacra tous ses successeurs jusqu’à Charles X, en attendant le sacre suivant, car « nous l’avons encore », comme a dit l’archevêque de Reims Saint Hincmar.
Le roi savait qu’il était devenu l’Oint du Seigneur et qu’« évêque du dehors », il se devait à son Royaume et à la protection de l’Église. Le pacte de Reims engageait pour toujours la France dans l’union à Dieu et au Roi, lequel ne pouvait renoncer à cet engagement, comme disait Jacques Ier. Tous les rois y furent fidèles, même ceux qui ne purent, par l’âge, la prison ou l’exil, être sacrés. Le vénérable Louis XVI préféra le martyre à l’infidélité au serment de son sacre. Louis XIV, Louis XV et Louis XVIII rappelaient encore qu’ils étaient les pères de leurs sujets. Et les Français savaient qu’ils avaient un père aimant en leur roi donné par Dieu (même avant le sacre).
En notre époque de laïcisme triomphant, nul homme politique français n’ose prononcer le nom de Dieu, ce qui pourtant changerait la conception de la vie politique, même pas le mot du bien commun. Comme l’a reconnu un récent chef de la république, au nom du laïcisme l’on a fait et fait encore la guerre à l’Église.
À nous de n’avoir pas honte de notre foi religieuse et royale et de garder notre fidélité filiale à Louis XX. À force de prononcer le nom du Roi, dit-on, le roi reviendra.
IV – La Communion
Le troisième sacrement, qui suivit le sacre royal au cours de la messe, fut la communion, qui scella les sacrements et le sacramental précédents.
Le Roi, nouveau Salomon, jouissant déjà dès sa jeunesse d’une sagesse naturelle à laquelle s’adressa Saint Remy lors de son avènement, ayant apprécié la sagesse et la charité surnaturelles de son épouse Sainte Clothilde même quand il ne suivait pas ses conseils de se faire baptiser, subjugué par la sagesse et la charité divines de Saint Remy lors de ses dernières instructions, assista religieusement en la future primatiale de Reims au Saint-Sacrifice de Jésus-Christ qui offrit sa Vie pour l’amour de nous et la rédemption de nos péchés, et y reçut la communion eucharistique des mains du saint archevêque pour s’unir en son âme à son divin Sauveur. Union indicible du nouveau Roi Très-Chrétien néophyte à son divin Roi, qu’aucun chroniqueur ne put en effet exprimer.
La fidélité de l’âme par la communion souvent renouvelée est tout intérieure. Saint Clovis fut fidèle à cette communion à son Dieu, s’efforça d’éviter le péché et de bannir peu à peu celui-ci de ses terres par son exemple et ses décrets, devenu naturellement le phare des rois terrestres, comme le reconnurent pour lui et ses successeurs le pape Saint Grégoire Ier le Grand et la plupart des rois étrangers au cours des âges.
Le roi savait qu’en s’unissant à son Dieu, il unissait son Royaume à Jésus-Christ pour toujours dans la foi, l’espérance et la charité, et lui procurait les grâces divines, par la médiation de celui qui était devenu « un autre Christ ».
Tous les Rois y furent fidèles, malgré leurs faiblesses humaines : amour de Dieu, de l’Église, du prochain, de leurs sujets. Dieu rappela cette union intime qu’il avait avec le Fils Aîné de son Sacré-Cœur lors des sacres de Charles VII et d’Henri IV et sous Louis XIV. Encore le 6 juin 1830, Sainte Catherine Labouré vit Jésus-Christ dépouillé de ses ornements royaux et il lui fut signifié que c’était le roi de la terre, Charles X, qui allait en être dépouillé : Notre-Seigneur s’est donc identifié au Roi Très-Chrétien jusque dans sa déposition, car, en chassant Charles X, c’est bien Dieu que l’on voulait chasser, comme on le vit par la suppression de la religion catholique de l’État et les lois contre la religion et la morale qui suivirent.
En notre époque de subjectivisme et d’égoïsme généralisés jusque dans la vie politique, la désunion des citoyens rejetant leur Père céleste a remplacé l’union commune autour de Dieu, les opinions diverses et opposés ont pris la place du bien commun qui unit, la loi implacable a chassé la miséricorde (ce fut un des arguments en faveur de la république dans les années 1870).
À nous de garder la charité et l’union entre Français. La charité attire souvent là où la raison échoue.
V – Le Mariage
Un autre sacrement fut reçu discrètement ce jour-là : le mariage, en conséquence du baptême.
Le Roi, nouveau Josias, ayant certes été légitimement marié avec Sainte Clothilde, toutefois d’un mariage naturel puisque l’un des époux n’était pas baptisé, ayant admiré pendant toutes ces années l’amour, les vertus et la foi de son épouse, était ainsi prêt à recevoir le sacrement du mariage. Il n’y eut probablement pas de cérémonie explicite, mais c’était implicite dans le sacrement du baptême de l’époux jusque-là non-baptisé. La marque de la fidélité des époux est l’anneau : il est néanmoins difficile de savoir s’il y en eut alors. Saint Clovis fut fidèle à cette union, eut les mœurs pures, et demanda au concile d’Orléans de porter des canons pour la sanctification du mariage. Le roi entendait, ce faisant, engager ses sujets dans la soumission aux lois de Dieu et de l’Église. Il savait que de bonnes familles forment un bon Royaume, comme le dira plus tard le serviteur de Dieu Louis XIII.
Tous les Rois furent fidèles à sanctifier paternellement leurs peuples. Leur législation fut continue pour sanctifier les individus, les familles et toute la société. Mais dès la chute du Roi-Martyr en 1792, la Révolution instaura le mariage civil et le divorce, qui est la ruine des familles. Et la Ve République s’est faite la spécialiste des lois immorales de tout genre, jusqu’à l’avortement des petits sans défense. La société moderne laïcisée conduit ses chefs et ses sujets à oublier, bon gré mal gré, la Loi de Dieu. Henri VI, Alphonse II et Louis XX ont particulièrement attiré l’attention sur les nombreux crimes divers commis contre les enfants de nos jours.
À nous de garder la fidélité aux commandements de Dieu et de l’Église, ainsi qu’au Lieutenant du Christ, comme celui-ci est toujours fidèle à Dieu, à l’Église et à ses sujets. Sanctifions-nous et par notre exemple sanctifions le prochain.
Conclusion :
À défaut de pouvoir nous recueillir devant le tombeau de Saint Clovis le Grand, actuellement sous « la rue Clovis » percée par la Révolution à la place de l’ancienne abbatiale Sainte-Geneviève (quelle ingratitude envers la Patronne de la capitale et le Fondateur de la France !), sachons l’invoquer chaque 27 novembre (son jour natal au ciel) pour le remercier des sacrements reçus le 25 décembre 496 et des grâces ainsi reçues par la France depuis plus de quinze siècles, et pour notre conversion et celle de notre pays, dans la foi catholique, dans la force apostolique, dans la fidélité royale, dans la charité française et dans la sanctification familiale. Mère de la sainte Espérance, convertissez-nous. Reine de France qui trônez au Puy, priez pour la France, priez pour le Roi, priez pour nous.
Abbé Gabriel Equin
Clovis ne fut jamais sacré, le premier roi sacré fut Pépin le bref.