Benoît XVI d’un point de vue légitimiste, par Antoine Michel
Feu le pape Benoît XVI, de glorieuse mémoire, s’est présenté au Juge le jour de la fête d’un de ses illustres prédécesseurs, Saint Sylvestre, qui présida le concile de Nicée et aurait octroyé le baptême à l’empereur Constantin.
Nous prions pour son âme, et nous lui sommes gré de son œuvre. Nous ne doutons pas non plus qu’il fut personnellement charitable et doux.
Les hommages s’enchaînent dans les milieux catholiques plus ou moins conservateurs. Je les entends, et, malgré de bons commentaires et de justes remarques, je ne peux m’empêcher de ressentir un malaise face à ce qu’on dit de ce Pape, comme s’il était déjà au Ciel, un saint sans reproches…
Certes, nous ne souhaitons que paix à son âme et l’on peut penser sans peine qu’il a bien fait pénitence lors de sa retraite, par les grandes souffrances qu’il a subies en constatant chaque jour combien souffrait l’Église qu’il aurait dû diriger. Les scandales incessants et les crises de la foi, de la liturgie et des mœurs ont certainement été une croix immense pour lui, servant à accomplir sa pénitence dès ce voyage terrestre.
Certes, il permit via Summorum Pontificum l’expansion de la liturgie de toujours au cœur de l’Église.
Certes, il défendit des positions « traditionnelles » sur des sujets pratiques et moraux, voire dogmatiques.
Pour que les choses soient bien claires, j’ai aujourd’hui 32 ans, et j’ai commencé à côtoyer la Sainte Messe traditionnelle de façon régulière à partir de 2015 seulement, après être retourné à la Messe tout court (en commençant avec la messe de Paul VI) en 2012-2013. La Providence a voulu que je rencontre la Fraternité Saint-Pie X assez vite — qu’Elle soit bénie.
Pour moi, donc, Vatican II, Ecclesia Dei, Summorum Pontificum ou même la levée des excommunications des évêques de la FSSPX me sont des événements plutôt étrangers et indifférents : ce n’est pas grâce à Benoît XVI que je suis revenu à la Foi.
Autant je n’avais pas d’avis au début de ma conversion, autant à force d’étudier l’histoire de l’Église, et l’histoire du concile, je ne peux m’empêcher de ressentir un malaise sur ces hommages a priori unilatérales concernant Benoît XVI, pape légitime, et certainement le meilleur des papes contemporains — ce qui n’est pas difficile, le borgne étant roi au royaume des aveugles…
On entend toutefois, à l’occasion des nombreux hommages, quelques informations provoquant le malaise : de formation moderniste, le futur cardinal Ratzinger fut l’un des acteurs, lors du concile, du putsch initial qui évacua les schèmes très classiques proposés par la curie ; par ailleurs, jamais, jamais, il ne renia le concile et, imbu de sciences bibliques, il pensait, comme toute sa génération, que des quasi-dogmes pouvaient changer… dans un « progrès du dogme » si l’on peut dire. En fin de compte, la fameuse « herméneutique de la continuité » du pape Benoît XVI est une compromission dangereuse : l’eau et le feu ne peuvent cohabiter ensemble. Soit l’eau s’évapore, soit le feu s’éteint.
J’ai presque l’impression que cette voie moyenne — qui n’est pas un juste milieu mais plutôt un en même temps (sans que cela présume d’une mauvaise volonté) — arrangeait surtout beaucoup de catholiques attachés à la tradition, mais aussi attachés au confort mondain de ne pas être persécuté, ni rejeté… quitte à ne vouloir plus combattre les erreurs contenus dans le concile Vatican II, et oublier que, quoi qu’on en dise, ce concile a une intention révolutionnaire, et ne fut pas simplement déformé par le théâtre médiatique. Et qu’on ne vienne pas me dire que la plupart des textes du concile peuvent être compris traditionnellement ! Ils peuvent tout autant être compris de façon révolutionnaire, c’est là le problème ! De plus, il faut rappeler que la plupart des textes restent à peu près passable, parce que des évêques résistants, menés à l’époque par Mgr Lefebvre, se sont battus pour que le pire soit évité dans les textes proposés afin de permettre une interprétation traditionnelle… Ainsi, Benoît XVI et les catholiques « classiques » ou « tradis mous » ne peuvent se revendiquer d’une « herméneutique de la continuité » (dans le progrès) que grâce au combat de Mgr Lefebvre… N’est-ce pas comique ? Les voies de la Providence sont impénétrables…
Certes, certes, la Providence a fait bien les choses, et ces compromissions ont servi à la restauration de la tradition, qui avance, en particulier dans la jeunesse, donc tout finit bien et tout finira bien. C’est de Foi. Comme toujours, le diable porte pierre, mais si le mal n’avait pas été fait initialement, il y aurait eu que moins de tribulations. Il est donc légitime de souligner les compromissions et les erreurs commises, pour ne pas recommencer d’une part, et pour éviter de grands dégâts — tout finira bien mais, entre temps, de nombreuses âmes auront subi de nombreux dégâts collatéraux…
Tout cela, vous me direz, est connu, et finalement ne nous concerne pas tellement comme légitimistes à strictement parler — bien qu’il ne faille pas étudier longtemps pour se rendre compte que tous les grands noms de la Légitimité post-conciliaire (Brancourt, Augé, Polin, Saclier de la Bâtie, etc.) sont aussi des combattants de la Tradition sans compromis, mais passons…
J’aimerais ici souligner ce qui me pose le plus gros souci en tant que royaliste concernant le « pape émérite » : son abdication, justement. Et, bizarrement, personne, ou si peu, n’en parle dans les hommages qui lui sont rendus… peut-être car il serait un peu plus difficile de lui rendre hommage. Soyons très clair : cette abdication est non seulement une erreur politique profonde, mais un scandale et une faute catastrophique pour l’Église.
Elle va contre toute tradition (une seule abdication dans l’histoire), et c’est une fuite scandaleuse des responsabilités données par Dieu dans la société parfaite de constitution divine qu’est l’Église. Ce n’est pas rien ! Et qu’on ne me sorte pas l’histoire des loups qui l’entouraient et qui lui rendaient la vie impossible ! Ce serait plus honteux encore. D’aucuns appelleraient cela de la lâcheté. Que diriez-vous d’un capitaine qui sauterait à l’eau — ou qui s’enterrerait dans une cabine en fond de soute — par « peur des loups » et confierait la barre au chef de la meute ? C’est malheureusement ce qu’a fait Benoît XVI…
En tant que souverain pontife, il aura à en répondre devant son commanditaire, Dieu. Nous voyons donc déjà sa punition personnelle ; le plus grave est qu’elle retombe sur tous les catholiques : l’élection du pape François est un châtiment divin. Une nouvelle fois, le Créateur nous montre la vérité de notre nature politique : les fautes du chef retombent toujours sur ses subalternes.
Cette abdication est d’autant plus scandaleuse qu’elle représente une insulte à la Providence : on a préféré prendre une décision humaine plutôt que d’accepter le décret de la Providence. Pis encore, cette abdication tend à humaniser encore un peu plus dans les esprits l’organisme hiérarchique de l’Église. C’est la porte ouverte à d’autres abdications, et donc à la manipulation des élections pour que le Pape retiré choisisse son successeur : c’est semble-t-il le plan de François. Prions pour que la Providence ne l’y autorise pas. La structure monarchique à la succession claire est ébranlée : pour la première fois depuis des siècles, est de nouveau ouverte la porte à la possibilité institutionnelle et pas du tout divine d’avoir plusieurs papes en exercice en même temps — la dernière fois, ce ne fut pas pour le meilleur !
On me dira que je suis dur : j’essaie d’être réaliste. Si personne ne mentionne le problème de fond dans l’affaire Benoît XVI (sa compromission avec la modernité sur le fond, et l’abdication qui va contre le droit légitime de l’Église instituée par Jésus-Christ Lui-même), ce n’est pas demain que la restauration se réalisera dans l’Église.
Alors oui, prions pour Benoît XVI, faisons dire des messes pour le repos de son âme, car, comme nous tous, il en a besoin, et certainement plus que nous tous, en raison de ses fonctions et son sacerdoce.
Antoine Michel
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !
En ce qui concerne les Droits de l’homme, Benoît XVI est allé encore plus loin que Paul VI. C’est une question de définition politique, et toute l’évolution de l’Église sur le plan théologique comme sur le plan moral, est déterminée par des choix politiques, à partir d’une impulsion du cardinal Consalvi (1757- 1824).
Merci pour cette analyse juste, et honnête intellectuellement. Ma famille et moi étions aussi étonnés de voir les hommages pleuvoir, alors qu’il avait été compromis au Concile et pas si repenti, que son herméneutique ne tient pas debout….et que son pontificat avait été si mouvementé tant dans les médias, que dans les paroisses.(de notre point de vue de simple fidèle)
Encore bravo à Vexilla de porter un regard critique là où d’autres n’osent point.
Commentaire assez honnête, bien que superficiel, ce qui nous intéresse c’est le point de vue catholique….Mgr Lefebvre le surnommait le “serpent”….
Superficiel ? Là, il va falloir développer…