Une bonne vieille blague sous un jour nouveau
Une des bonnes vieilles blagues des marché financiers est de dire qu’un billet de banque, c’est une obligation « zéro-coupon perpétuelle ».
Les non-initiés auront du mal à sourire, alors petite explication :
Une obligation normale donne lieu au paiement d’intérêts (on parle alors de « coupon ») selon une périodicité définie, par exemple, annuelle et, bien sûr, au remboursement du capital, par exemple en une fois à la maturité de l’obligation (on parle alors de remboursement « in fine »).
Une obligation « zéro-coupon », en revanche, ne donne lieu qu’à un seul et unique paiement : elle est remboursée en une fois, capital et intérêts, à maturité. Pas de versements périodiques d’intérêts. En d’autres termes, il faut avoir confiance, car on ne revoit la couleur de son argent qu’à la fin.
Une obligation « perpétuelle », elle, donne lieu à paiement d’intérêts périodiques, mais n’a pas de maturité : le capital n’est jamais remboursé et les intérêts courant perpétuellement sont le seul moyen de revoir la couleur de son argent.
Vous voyez où je veux en venir ?
Une obligation « zéro-coupon perpétuelle » ne produit aucun intérêt et n’est jamais remboursée…
La politique monétaire qui se généralise actuellement nous fait apprécier sous un jour nouveau cette bonne vieille blague. Cette politique monétaire a un nom : « Quantitative easing », autrement dit, en français : « Assouplissement quantitatif ». En quels termes choisis ces choses-là sont dites !
Rassurez-vous, c’est très facile à comprendre :
Imaginez-vous que vous êtes à la tête d’un État surendetté au point de ne plus pouvoir rembourser. Vous ne pouvez plus augmenter les impôts car tous vos concitoyens sont aux abois et vous ne pouvez pas faire des économies et mener une politique d’austérité parce que, sinon, vous ne serez pas réélu. Que vous reste-t-il ?
Eh bien il vous reste le « Quantitative easing » qui consiste à ordonner à votre banque centrale (pas si indépendante que ça, donc) d’émettre massivement de la monnaie avec laquelle cette même banque centrale va racheter votre propre dette, bien sûr, mais aussi les actifs dévalorisés qui plombent le secteur bancaire. C’est simple, il suffisait d’y penser…
Ainsi, les États-Unis émettent 85 Mds de dollars par mois (si, si : vous avez bien lu milliards !), dont 40 consacrés aux seuls bons du Trésor. Même politique en Europe (1600 Mds d’euros injectés dans l’économie depuis 2008), en Angleterre et au Japon.
Petite remarque au passage : à présent, non seulement les banques centrales maîtrisent les taux court terme (qui sont aux alentours de… 0 % !) mais aussi, au travers des rachats massifs d’obligations, les taux long terme, qui sont ainsi artificiellement maintenus sur des plus bas historiques…
La première question qui vient alors à tout esprit cartésien est : où cela va-t-il nous mener ?
Tout d’abord, rappelons que les grands argentiers, tout comme les fameux experts, n’en ont aucune idée. Ils commencent même à l’avouer à demi-mots, car cette situation est inédite, du moins dans de telles proportions. Elle ne rentre donc dans aucune des cases des désormais poussiéreuses théories économiques.
Un peu de prospective[1] donc pour tenter d’identifier les « points de ruptures », en vous engageant à contester vigoureusement tout ce que je m’apprête à formuler.
Première conséquence rationnelle : inflation, voire hyperinflation se traduisant dans un premier temps par une flambée des prix des matières premières telles que le pétrole, l’or et l’argent métal, ou les produits agricoles (ce que l’on constate déjà), mais aussi du marché des actions (CAC 40 : +15 % en 2012).
Deuxième conséquence logique : une défiance généralisée de la monnaie papier et notamment du dollar, conduisant à une volonté de plus en plus affirmée d’organiser un nouveau « Bretton Woods » pour redessiner le paysage monétaire et financier mondial débouchant sur…
Troisième conséquence : un leader de moins en moins cheap centré sur l’Asie avec une Chine qui, tout doucement, sans faire de bruit, se déleste de son stock d’emprunts d’État américains et se constitue la première réserve mondiale d’or, préparant ainsi de la meilleure des façons l’inéluctable convertibilité du Yuan.
Et osons, pourquoi pas :
Quatrième conséquence : un retour à une économie du troc, d’abord entre les états (comme au bon vieux temps de la guerre froide avec l’URSS, qui a fait la fortune du milliardaire rouge Jean-Baptiste Doumeng), puis entre particuliers par l’intermédiaire de plateformes Internet (ça existe déjà…)
Ce scénario ne doit pas être tant que ça de la science fiction, puisque la production mondiale n’a jamais été aussi élevée, les stocks d’or de la Russie et de la Chine (tous deux appartenant au club des 5 pays les plus gros producteurs), explosent, que l’Allemagne rapatrie dans ses coffres son or détenu par les Banques de France (375 tonnes), d’Angleterre (450 tonnes) et des Etats-Unis (1500 tonnes).
Et la France dans tout ça ?
AC
[1] Voir mon article précédent : « Tout est possible à celui qui ose »