[CEH] Autour du livre « Zita, portrait intime d’une impératrice ». Partie 2 : Mère Virginia

23 janvier 2021 Vexilla Galliae

Autour du livre Zita, portrait intime d’une impératrice
(éd. du Cerf)

Par l’abbé Cyrille Debris

► Consulter la première partie du dossier – Introduction / Partie 1 : Sœur Marie-Hilaire

II – Mère Virginia

A – La glorification de l’Empereur Charles

Le 31 mars 1922, la veille de la mort du Bienheureux Charles, on avait écrit à Mère Virginia, mystique de Madère à la réputation de sainteté avérée, pour demander son intercession et obtenir la guérison de l’auguste malade. La Clarisse rapporte dans son manuscrit[1] :

« Le vendredi 31 mars 1922, je reçus un billet d’une dame qui me disait ainsi :

« Ma Sœur, je vous prie pour l’amour de Dieu, de bien vouloir demander dans vos prières au Cœur Immaculé de Marie qu’il obtienne du Divin Cœur de Jésus une amélioration de la santé d’un père de famille gravement malade. Il s’agit de l’ex-empereur d’Autriche, notre hôte. Je me confie à vos prières. Votre affectueuse sœur dans le Seigneur. »

La nuit, quand je fis le Chemin de Croix, je priai la Très Sainte Vierge pour que par les peines de son Cœur Immaculé elle obtienne du Divin Cœur de Jésus l’amélioration du patient recommandé. Dans ma prière du milieu de la nuit, la Très Sainte Vierge me visita et avec une âme pleine de joie pour une telle visite, je dis : « O Mère chérie, je ne vous laisserai pas partir sans que vous ne m’ayez concédé la grâce de la santé pour l’ex-empereur votre fil et ami : vous frapperez à la porte de la poitrine de Jésus pour cette grâce ? ». La Très Sainte Verge me répondit : « Non, ma fille chérie. Il doit mourir. Telle est la volonté de Dieu dans ses desseins d’amour. Jésus est le Seigneur de la vie et de la mort. Ce sera le bras de Dieu qui lui donnera la mort et non pas le bras vengeur et inconnu. Des espions le recherchent avidement. » Quand j’entendis la certitude de sa mort, je m’offris si c’était nécessaire pour le soulagement de son âme. Alors la Très Sainte Vierge me dit : « Cette âme sera bienheureuse parce qu’il m’était sincèrement dévoué. Il voulait toujours me servir et m’aimer ».

Je priai : « Mère chérie : Comptez-le au nombre des âmes privilégiées de votre Cœur Immaculé ». « Oh, ma fille, pour l’âme de l’empereur, ce privilège n’est pas nécessaire parce que son âme sera suffisamment portée en suffrage. Mais je recevrai tes sacrifices et lui montrerai mes regards miséricordieux. Je reviendrai te prévenir. »

Après avoir appris la sainte mort de l’ex-empereur, je m’intéressais plus à mes petits sacrifices. Enfin le jeudi et le vendredi 7 avril, fête des 7 Douleurs de la Très Sainte Vierge Marie et 1^er vendredi du mois, alors que j’étais en prière, juste après minuit, m’apparut la Très Sainte Vierge et elle me dit : « Ma fille, aujourd’hui monte au Ciel avec moi l’âme de l’empereur d’Autriche. (…) Il ne [lui] fut pas nécessaire de passer par les peines sensibles du Purgatoire. En raison des indulgences, messes et sacrifices, son âme fut retenue dans une partie expiatoire sans autre souffrance que la privation de Dieu. Je ferai en sorte que durant le Saint-Sacrifice de la Messe, ton esprit le contemple revêtu de ses ornements royaux ». C’est ce qui arriva. A la Sainte Messe, au memento des vivants, voici qu’apparut ce grand personnage plein de beauté et de joie, revêtu non pas d’une tunique comme les autres âmes mais comme un roi. De ses épaules pendait un manteau ou une cape blanche comme la neige et resplendissante comme le soleil, serti de roses et autres petites fleurs. Deux anges à ses côtés tenaient une couronne royale brillante et un autre un sceptre et lors du Pater Noster, un ange posa la couronne sur la tête de l’empereur et un ange lui remit le sceptre. Quelle joie ressentit pour un moment cet âme bienheureuse. Oh, comme il est doux de souffrir avec Jésus. La Divine Dame dit : « Ma fille, mon Fils Jésus désire et mon Cœur Immaculé désire que toute cette béatitude qui fut concédée à l’âme de l’empereur soit connue par ton intermédiaire de l’impératrice-veuve pour sa consolation. Je désire que des mots simples, sincères et humbles soient en toute simplicité envoyés à Zita ma fille. Je désire qu’elle soit avertie sans délai par le même canal que pour nos désirs. L’avertissement est le suivant : toutes les fois que touchent au port des embarcation liées à ses ennemis et quand seront transportés des passagers, que l’impératrice et son héritier se cachent. Qu’ils sachent que des espions désirent les trouver. Ce secret est confié à elle seule et à son fils pour qu’ils ne souffrent pas des conséquences. »

Nous retiendrons du compte-rendu de ces révélations mystiques plusieurs points :

À l’instar de ce décrivait Sœur Marie-Hilaire, l’empereur semblait la proie de menaces sérieuses d’attentat. Mais sa vie jouissait d’une protection céleste spéciale. Dieu seul devait agréer sa mort (expiatoire). La protection divine s’étendait aussi à l’impératrice et à l’héritier Otto.
L’empereur passa une petite semaine de temps humain (du samedi 1^er au vendredi 7 avril 1922) au Purgatoire. Mais, par privilège spécial, il n’y connut pas les peines sensibles, se contentant d’attendre avant de pouvoir contempler Dieu face à face.
Mère Virginia vit l’empereur admis au Paradis et comme couronné au Ciel par des anges durant la messe du vendredi 7 avril, 1^er vendredi du mois et fête de Notre-Dame des 7 Douleurs. Or, le Bienheureux Charles s’était justement consacré au Sacré-Cœur, lui, toute sa famille et ses peuples, depuis le 2 octobre 1918.

B – La mission de Zita comme instrument de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie

La nuit du samedi 6 au dimanche 7 mai 1922, premier samedi du mois de Marie, Mère Virginia eut une autre révélation, qu’elle nota dans manuscrit[2] :

« Jésus ouvrit sa poitrine et manifesta Son Divin Cœur et Se tournant vers Sa Très Sainte Mère, il lui prit la main et l’introduisit dans Sa divine poitrine et dit ceci : « Ma très chère et aimable Mère, je veux vous manifester un désir que je conserve dans mon Divin Cœur ». La divine Mère toute humble inclina sa divine tête et écouta révérencieusement. Jésus dit : « Un dessein d’amour de ma divine Providence permit que la famille impériale vînt à passer son exil sur ce petit morceau de terre inconnu du monde. Je désire que de cette famille, toute donnée à notre Cœur, s’élève une voix dans le monde et qu’elle fasse connaître nos desseins, que toute cette famille soit consacrée de manière spéciale et solennelle à Votre Cœur Immaculé en s’enrôlant dans l’archiconfrérie du Cœur Immaculé de Marie et qu’ils soient les premiers agrégés à se ceindre du scapulaire blanc qui fut révélé à votre disciple. Ce sera un moyen et un écho qui glorifiera votre cœur dans le monde entier. Pour que s’accomplisse mon désir, il est nécessaire que mon épouse communique avec simplicité toute cette révélation à son confesseur et lui dise en notre nom que sans secret aucun il fasse connaître mon dessein à l’impératrice Zita et à sa famille et je lui commande qu’il mette à l’œuvre nos desseins en demandant l’autorisation de son évêque. »

Zita et sa famille furent donc choisis par la Divine Providence pour devenir apôtres de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Le 13 mai 1922, cinquième anniversaire de la première apparition de Fatima, dans le même pays, le Portugal, dont la reine est la Très Sainte Vierge Marie, eut lieu en l’église Sao Pedro à Funchal l’inscription de Zita dans la confrérie du Cœur Immaculé de Marie et pour en marquer le sens, tous reçurent le scapulaire blanc.

Par d’autres révélations qui confirmèrent une intuition du confesseur de Mère Virginia, il apparut que le rôle de l’impératrice serait d’exercer une médiation « diplomatique » auprès du Pape. Elle s’acquitta sans tarder de son rôle d’ambassadrice en écrivant une lettre en date du 5 août 1923[3] :

« Très Saint Père

J’ose me présenter aujourd’hui avec une prière instante.

Sa Sainteté le Pape Pie IX de sainte et glorieuse mémoire, disait à propos de la dévotion au Cœur très pur et immaculé de Marie, que cette dévotion était une inspiration du Ciel, une œuvre de Dieu, une des sources de l’Église. Or il s’agit dans ma demande d’abondantes indulgences à accorder à un scapulaire en l’honneur de ce Cœur même.

Le scapulaire existe en l’île de Madère, île consacrée au Cœur de Marie, mais il manque d’indulgences jusqu’à présent. Avant de quitter cette île, si douloureusement chère à mon cœur, mes enfants et moi avons reçu cet insigne. Notre ardent désir, à nous tous qui portons cet habit de notre Mère Céleste, est de le voir investi de nombreuses indulgences de la part du Saint-Siège, de le voir par-là répandu par tout le monde, et augmenter l’Amour et la confiance de tous en ce Cœur, qui, uni à Celui de son Fils très Saint, doit sauver le monde.

Je demande cette grâce avec d’autant plus d’humble insistance que je rois réaliser par-là un désir de la Très Sainte Vierge elle-même. J’apprends que l’Évêque de Funchal va être reçu ces jours-ci par Votre Sainteté. Oserais-je supplier Votre Sainteté de vouloir bien en parler à ce digne Prélat ; il pourrait donner quelques détails qui peut-être intéresseraient Votre Sainteté.

Je date cette supplique avec joie et reconnaissance à la date d’aujourd’hui, où il y a un an, la Sainte Vierge, au premier samedi de ce mois consacré à son Cœur, sauva miraculeusement mon fils Rodolphe. Celui-ci déclaré perdu par un médecin, se mourait des fièvres au Pardo. Il ne pouvait garder aucun liquide et le cœur cédait, quand je le vouai d’une manière toute spéciale à la Mère de Dieu dont il portera la couleur blanche jusqu’à l’âge de 10 ans. A partir de ce moment, l’enfant put avaler et garder ce qu’on lui donnait et quinze jours après je l’apportais ici. Maintenant il est très bien portant et demande toujours de nouveau – malgré son âge très tendre – de recevoir bientôt la Sainte Communion[4].

En implorant pour moi et les miens la bénédiction de Votre Sainteté, je baise le Pied sacré

De Votre Sainteté

La toute dévouée et obéissante fille

Zita ».

Malheureusement, cette lettre que j’ai trouvée aux Archives Secrètes du Vatican, a certes obtenu une réponse, très bienveillante, mais le reste de la correspondance a été perdu et j’ignore quelle suite fut donnée à cette requête.

Quoiqu’il en soit, l’Impératrice avait fait ce qu’on lui demandait. Elle exprimait sa filiale obéissance au Souverain Pontife et son amour pour la Vierge Marie. Mais elle demeura si discrète sur cette mission divine qu’il fallut le procès de béatification pour la révéler.

Abbé Cyrille Debris
Agrégé de l’Université,
Docteur en histoire et en théologie,
Postulateur de la cause de béatification de l’Impératrice Zita

[1] Manuscrito de Madre Virginia (N° 252).

[2] Manuscrito de Madre Virginia (N° 253).

[3] ASV, Arch. Segretaria di Stato (rubricella 668), 1923, rubrica 153, fasc. 1, *22388, f. 191-193.

[4] Cf. lettre du 6 octobre 1922 (No 422) de la duchesse de Parme. Erreur sur la date, qu’elle met au 8 août 1922 et la consécration sera jusqu’à l’âge de 10 ans.

Publication originale : Abbé Cyrille Debris, « Autour du livre Zita, portrait intime d’une impératrice », dans Collectif, Actes de la XXe session du Centre d’Études Historiques (11 au 14 juillet 2013) : Les Bourbons et le XXe siècle, CEH, Neuves-Maisons, 2014, p. 125-136.

Consulter les autres articles de l’ouvrage :

► Préface, par Monseigneur le Duc d’Anjou (p. 5-6).

► Avant-propos, par Jean-Christian Pinot (p. 7-8).

► « Naples et Rome, obstacles à l’unité politique de l’Italie », par Yves-Marie Bercé (p. 13-26).

► « Le roi Juan Carlos et les Bourbons d’Espagne », par Jordi Cana (p. 27-35).

► « Deux décennies de commémorations capétiennes : 1987, 1989, 1993, 2004, etc. », par Jacques Charles-Gaffiot (p. 37-49).

► « L’abrogation de la loi d’exil dans les débats parlementaires en 1950 », par Laurent Chéron (p. 51-67)

► « De Chateaubriand à Cattaui : Bourbons oubliés, Bourbons retrouvés », par Daniel de Montplaisir (p. 99-108).

► « Les relations Église-État en Espagne de 1814 à nos jours », par Guillaume de Thieulloy (p. 109-124) :

► « Autour du livre Zita, portrait intime d’une impératrice », par l’abbé Cyrille Debris (p. 125-136) :